La culture sans eau, un retour aux sources

Face à la raréfaction de l’eau et aux défis climatiques croissants, les agriculteurs doivent explorer des approches innovantes pour maintenir leur productivité tout en préservant les ressources naturelles. La culture sans eau, ou dry farming en anglais, revient au premier plan comme une solution durable et adaptée à ces enjeux. Cette méthode, qui vise à se passer totalement d’irrigation artificielle, permettrait même de produire des récoltes d’exception tout en valorisant les cycles naturels et les spécificités du terroir. Cette pratique ancestrale, enracinée dans des régions aussi diverses que Humboldt en Californie, les plaines arides d’Afghanistan ou les terres du bassin méditerranéen, permet à des cultures emblématiques telles que le Cannabis, l’Olivier, la Vigne et les céréales anciennes de révéler toute leur richesse.
Par Bon Vivant
Ce mode de culture prend sa source dans les pratiques agricoles des régions arides. Ces méthodes traditionnelles reposent sur les précipitations naturelles et l’utilisation exclusive de l’humidité résiduelle des sols. Elle nécessite également des climats où les précipitations hivernales sont suffisantes pour recharger les réserves naturelles, ainsi que des variétés adaptées, capables de tolérer des conditions plus rudes et un stress hydrique important. En contraste avec les méthodes modernes dépendant de systèmes d’irrigation massifs, le dry farming repose sur une gestion minutieuse permettant de préserver les nappes phréatiques. Cette approche, en exploitant un manque d'eau contrôlé, aurait pour point fort d’intensifier la production de composés organoleptiques, permettant de révéler des arômes étroitement liés au patrimoine agricole et au climat spécifique de chaque région. Le stress hydrique peut-il accentuer la concentration de certains composés naturels ?
En Afghanistan, les pratiques agricoles traditionnelles mettent en valeur des cultures adaptées aux zones de forte sécheresse. Le blé khorasan, une céréale ancienne, illustre parfaitement cette résilience. Cultivé dans certaines régions sans irrigation et dans des sols pauvres, il produit des grains riches en nutriments, une caractéristique intrinsèque de sa résilience et de son adéquation aux conditions environnementales locales. De même, certaines cultures de Cannabis s'inscrivent dans une tradition reposant sur un climat aride. Dépourvus d’irrigation, ces cultures favorisent la production d’une résine dense et riche, idéale pour la fabrication de hash. Les hivers rigoureux ont joué un rôle déterminant, incitant les cultivateurs à transformer leurs récoltes pour en assurer une meilleure conservation. Cette interaction entre climat, pratiques agricoles et sélection génétique a façonné des variétés parfaitement adaptées à la production de résine dans un terroir exigeant.
À Humboldt, la culture sans eau est utilisée pour cultiver du cannabis tout en adaptant leur gestion des sols aux exigences arides. Certains cultivateurs adoptent des techniques pour éviter l’arrosage, comme le léger labour de la surface du sol. Cela crée une texture fine et meuble, aidant les racines à absorber l’humidité remontant des couches profondes, même pendant les journées les plus chaudes. En hiver, un couvert végétal riche est planté, puis mélangé à des amendements secs au printemps pour enrichir naturellement le sol. Cette pratique réduit la pression sur les réserves et habitats aquatiques, un enjeu crucial pour la survie des espèces vulnérables comme les saumons coho.
Chez la vigne, une culture aride peut effectivement accentuer la concentration de plusieurs composés naturels, mais cela peut également impacter la qualité des produits finaux. La culture sèche stimule la concentration en polyphénols et anthocyanes, des composés clés pour la structure des vins rouges. Dans certaines conditions, elle peut également donner naissance à des arômes distinctifs, tels que la figue ou la noix de coco (Pons et al., 2011). Ces éléments confèrent une typicité unique aux vins issus de vignes en stress hydrique. Ces avantages ne sont pas sans inconvénients. La diminution de la taille des baies et des rendements, associée à une baisse de l'acidité, peut provoquer des déséquilibres gustatifs, une astringence plus prononcée et une dégradation de la qualité globale, en particulier pour les vins rouges.

Pour mieux comprendre et atténuer ces effets, des initiatives comme le projet LACCAVE, coordonné par l’INRAE, jouent un rôle clé. Ce projet réunit des chercheurs pour explorer des solutions adaptées, telles que la sélection de variétés résistantes à la sécheresse et l’amélioration des pratiques culturales.
Ce type de culture, tout en étant respectueuse des réserves naturelles, impose plusieurs contraintes. La préparation des sols joue un rôle crucial dans ce processus. Les agriculteurs doivent les enrichir à l’aide d’amendements organiques, afin d’améliorer leur rétention d’eau et d’assurer un apport durable en nutriments. Cela exige une gestion proactive et une compréhension approfondie des cycles hydriques locaux, où des sécheresses prolongées ou des précipitations insuffisantes peuvent compromettre une production entière. Toutefois, les rendements du dry farming restent souvent inférieurs à ceux de l’agriculture intensive, ce qui pose un enjeu économique majeur pour les petites exploitations, contraintes de rivaliser avec des méthodes plus productives.
La culture sans eau, en renouant avec des pratiques agricoles ancestrales, propose une alternative durable face aux limitations climatiques et à la raréfaction des ressources hydriques. Bien que exigeante, elle valorise les spécificités et caractères du sol, stimule la qualité des productions et révèle des saveurs uniques. Une approche résolument tournée vers une agriculture résiliente et respectueuse des cycles naturels.
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