L’autre plante du mois : Leonotis leonurus
Avec ses tiges carrés dressées, son feuillage vert foncé aromatique et ses fleurs orange vif groupées en verticilles, Leonotis leonurus impose sa silhouette dans les jardins comme dans les traditions africaines. Originaire d’Afrique australe, cet arbrisseau vivace de la famille des Lamiacées — celle des menthes, sauges et lavandes — pousse naturellement dans les prairies humides et ensoleillées du sud du continent. Aujourd’hui, il est cultivé dans d’autres régions au climat méditerranéen ou subtropical, comme la Californie, l’Australie ou le sud de l’Europe, où il attire oiseaux et papillons grâce à son abondant nectar.
Par Bon Vivant
Mais ce qui lui vaut une aura particulière, c’est son surnom : wild dagga, littéralement cannabis sauvage. Le terme dagga vient du khoikhoi dachab, désignant historiquement le cannabis. Bien que Leonotis leonurus n’ait aucun lien botanique avec cette famille, la confusion persiste, entretenue par des effets perçus comme légèrement euphoriques lorsqu’elle est fumée. Ce surnom évocateur a suffi à entretenir le mythe, particulièrement dans les milieux alternatifs où l’on s’intéresse aux plantes psychoactives légales. Au-delà de cette réputation marginale, la queue de lion joue un rôle bien plus profond dans les pharmacopées traditionnelles africaines, où elle est utilisée pour soigner un large éventail de troubles.
Dans bon nombre de traditions médicinales, Leonotis leonurus est considérée comme une plante aux multiples vertus. Chaque partie — feuilles, fleurs, tiges et racines — est utilisée en infusion, décoction, application externe ou jus frais, selon les maux à traiter. Les usages thérapeutique les plus courants concernent les affections respiratoires : tuberculose, toux chronique, bronchite... Mais la plante est aussi utilisée contre les crampes musculaires, la jaunisse, les hépatites virales, la diarrhée, l’hypertension artérielle, et même comme antipyrétique (contre les états fiévreux et certains syndromes inflammatoires). Dans certaines régions, son jus est consommé pour "nettoyer le sang", une notion traditionnelle qui associe purification physique et équilibre interne. Ses propriétés topiques sont également appréciées : feuilles et décoctions sont appliquées sur les eczémas, les démangeaisons, les abcès, ou encore pour soulager les morsures de serpent, piqûres de scorpions ou d’abeilles. Dans ces derniers cas, la plante agit comme émétique, provoquant vomissement pour éliminer le poison.
Ces usages, transmis oralement de génération en génération, reflètent une approche holistique, où la plante n’est pas limitée à un symptôme mais perçue comme régulatrice de l’ensemble du corps. Ce savoir traditionnel, encore largement vivant dans certaines régions, inspire aujourd’hui les chercheurs en pharmacognosie, bien que beaucoup de ces usages restent à valider scientifiquement.
Les études phytochimiques ont révélé la richesse moléculaire de Leonotis leonurus. On y retrouve plus de 50 composés, parmi lesquels dominent les terpénoïdes, les flavonoïdes et les acides phénoliques. Le plus étudié d’entre eux est la marrubiine, un diterpène également présent dans la marrube blanche (Marrubium vulgare), connue en Europe pour ses propriétés expectorantes. Chez la queue de lion, la marrubiine a montré des propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires, et cardio protectrices.
Cependant, un autre composé, plus controversé, alimente les discussions autour de cette plante : la léonurine. Ce nom revient souvent dans les textes populaires pour expliquer ses effets psychoactifs. Pourtant, aucune étude sérieuse n’a jamais confirmé la présence de léonurine dans Leonotis leonurus. Cette molécule est en fait propre à l’agripaume Leonurus cardiaca, une autre plante de la même famille, utilisée en Europe contre l’anxiété et les troubles cardiaques. La confusion, fréquente dans les ouvrages non scientifiques, contribue à entretenir une réputation que la science peine à confirmer. Cela ne veut pas dire que la queue de lion est inerte : plusieurs témoignages rapportent une légère euphorie, une sédation douce, et parfois des altérations visuelles lorsqu’elle est fumée. Ces effets sont cependant inconstants, et varient en fonction du mode de préparation, de la plante elle-même, et des sensibilités individuelles. Il est clair que son action est bien moins puissante que celle du cannabis, malgré les comparaisons fréquentes.
Plus inquiétant, certains produits commercialisés sous le nom de wild dagga sont altérés avec des cannabinoïdes de synthèse, afin d’en renforcer les effets et d’attirer une clientèle en quête de sensations. Ces manipulations posent de réels risques pour la santé, brouillant la frontière entre usage traditionnel et dérive commerciale. Les données toxicologiques, bien que limitées, appellent également à la prudence : à fortes doses, des extraits aqueux ont causé des dommages au foie, des déséquilibres sanguins, et des effets toxiques graves chez l’animal. Rien d’alarmant pour un usage modéré et raisonné, mais suffisant pour le mentionner.
Sans être un véritable substitut au cannabis, Leonotis leonurus séduit un public en quête de plantes légales aux effets doux. Elle attire les herboristes, les amateurs de produits fumables alternatifs, et ceux qui s’intéressent à la médecine traditionnelle africaine. Elle fascine autant qu’elle interroge, précisément parce qu’elle se trouve à la jonction entre plusieurs usages : médicinal, récréatif, esthétique et symbolique.
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