L'autre plante du mois : À la découverte du mystique San Pedro
Parmi la très large pharmacopée amérindienne, un végétal très particulier s’étend sur toute la côte ouest sud-américaine. Propagé depuis l’aube des temps, le San Pedro trouve sa place parmi des rites millénaires, et qui pourtant résonnent encore aujourd’hui.
Par Hortizan
Connu scientifiquement sous le nom de Echinopsis pachanoi (anciennement Trichocereus pachanoi), il appartient à la famille des Cactaceae. Cette espèce, originaire des régions andines d'Équateur et du Pérou, s’étend jusqu’en Bolivie et en Argentine. Ce cactus (du grec « káktos », soit « chardon ») est dit “colonnaire” ou parfois “candélabre”, de par sa forme de colonnes ou de chandelier. Également connu sous le nom de “Grand père”, "Cactus des quatre vents", “Huachuma” ou “Achuma”, le San Pedro peut dépasser les six mètres de hauteur. Il se distingue par ses tiges vert foncé, exhibant parfois des teintes bleutées, segmentées de quatre à dix côtes. De petites épines jaunes à brunes apparaissent au niveau des aréoles, petites excroissances de la plante d’où partent épines, poils laineux, feuilles, méristèmes,… Ces zones contrôlent la transpiration, dissuadent les herbivores et régulent la température en capturant l'air ambiant.
Ce cactus peut fleurir après environ dix ans. Ses grandes fleurs blanches et parfumées, d'environ vingt centimètres, s'épanouissent généralement la nuit et sont souvent pollinisées par des chauves-souris et des insectes nocturnes. Le San Pedro est étroitement lié à une autre espèce, Echinopsis peruviana (le San Pedro cimarrón ou “sauvage”), qui partage ses caractéristiques et une histoire d’usage tout aussi ancienne. Autrefois utilisés dans de nombreux rituels à des fins divinatoires, de nombreuses preuves iconographiques tirées de diverses cultures andines anciennes mettent en lumière l'importance culturelle du cactus San Pedro dans leurs rites et coutumes de l’époque.
De nombreuses images sur des poteries et des reliefs lithiques de multiples cultures précolombiennes (Salinar, Nazca, Moche, Lambayeque, Inca, etc.) montrent que l'utilisation du San Pedro s'est perpétuée à travers les millénaires. Des représentations de la culture Cupisnique, entre 1200 et 400 av. J.-C, montrent souvent ce cactus associé à des félins ou des serpents (cf.Pic.1). A cette époque, le site de Chavín de Huantar (dans les Andes péruviennes) était dirigé par des prêtres qui traitaient principalement avec les élites, tandis que la majorité des fidèles étaient des pèlerins en quête d'oracles. Utilisant l'observation des astres et des saisons, les prêtres organisaient dans des galeries souterraines un spectacle alliant jeu d’ombre, musiques et cocktail de plantes hallucinogènes afin d'établir leur contrôle sur les populations croyantes. Les traces les plus anciennes de l'utilisation de ces cactées démontrent qu'elles figuraient parmi les premiers hallucinogènes employés par les cultures de ce continent. Des fragments végétaux et des concentrations de pollen de son cousin Echinopsis peruviana ont été découverts dans la Cueva del Guitarrero, dans le département d'Ancash, au Pérou. Ces découvertes témoignent de l’usage de ce cactus lors de pratiques rituelles depuis 8600 av. J.-C. (El Cactus San Pedro, Feldman Gracia, 2006).
Les coutumes des maîtres chamans andins, qui se transmettent encore aujourd’hui, accordent une importance primordiale au cactus San Pedro dans les rituels. Il est souvent utilisé lors de “mesa”, des cérémonies de guérison complexes. Ces rites, réalisés aux premières heures des mardis et vendredis, commencent par "levantar", une phase où l'on inhale du tabac mélangé à de l'alcool, suivie de l'ingestion du San Pedro. Cette consommation permet au chaman de diagnostiquer les maux des participants, de purifier le mal qui les entoure et de "florecer" (revigorer) la personne souffrante. Les guérisseurs modernes, tout en restant fidèles aux anciennes méthodologies, adaptent leurs rituels pour répondre aux besoins de leur communauté, intégrant parfois des plantes comme la liane Banisteriopsis caapi (une base de l'ayahuasca contenant de la DMT), ou les mishas Brugmansia sp., cousin du fameux datura (Datura stramonium, Solanaceae), contenant de la scopolamine. Ces adaptations de rites millénaires réaffirment la connexion intime et évolutive des traditions chamaniques andines avec leur environnement naturel.
Le cactus San Pedro est renommé pour a richesse alcaloïdes psychoactifs, dominée par la mescaline, mais comprenant également d'autres composés tels que la dimethoxyphenethylamine (analogue de la dopamine), et la hordenine (un adrénergique : nous poussant à libérer adrénaline et noradrénaline). La mescaline est un enthéogène puissant : une substance permettant d'entrer en “transe” et de connaître des états “mystiques ou extatiques”. C’est cette substance qui est au cœur des expériences spirituelles et curatives vécues lors des cérémonies traditionnelles andines, transmettant des visions et favorisant un profond sentiment de connexion avec la nature et le divin. La concentration de mescaline varie selon les cactus, se trouvant principalement sous sa peau, elle peut être influencée par des facteurs environnementaux et des techniques de préparation spécifiques. L’ensemble de ces variables démontre l’importance de l'approche rituelle dans l'utilisation du San Pedro, où la maîtrise et le respect des pratiques ancestrales sont indispensables pour vivre une expérience complète.
Les autres principes actifs présents dans ce cactus agissent de manière synergique, offrant des propriétés neuroprotectrices, antimicrobiennes, et potentiellement curatives pour une gamme de maladies. La science moderne commence à peine à comprendre le spectre complet des effets potentiels du San Pedro. Ces découvertes réaffirment l'importance historique et ethnobotanique de ce cactus et appellent à une réévaluation de son potentiel médicinal pour des applications contemporaines. El « abuelo » San Pedro pourrait dissimuler des bienfaits thérapeutiques pour l’instant encore méconnus.
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