La bactérie qui carbure à l’azote

Soft Secrets
26 Jun 2025

Le genre Azotobacter regroupe plusieurs bactéries aérobies dites “strictes”, c’est-à-dire nécessitant de l’oxygène pour leur survie et leur développement. Elles se distinguent par une capacité rare et précieuse : fixer l’azote atmosphérique en toute autonomie, sans nécessiter de symbiose végétale. Mais leurs talents ne s'arrêtent pas là : ces bactéries mobilisent également hormones et nutriments essentiels au développement végétal, participant grandement à la fertilité des sols.


Par Hortizan

Morphologiquement, Azotobacter se présente sous forme de bâtonnets ou de sphères, avec la capacité remarquable de produire des cystes résistants. Ces structures spécialisées, sous la forme d’une épaisse paroi cellulaire, leur permettent de survivre dans des environnements contraignants, assurant ainsi leur pérennité dans des sols pauvres ou soumis à des variations extrêmes. On les retrouve dans nos sols, mais également dans la rhizosphère des Vesce, féveroles et autres légumineuses largement adoptées par les agriculteurs dans le cadre des intercultures. Ces fabacées, en association directe avec ces Azotobacter, interviennent de façon majeure dans l’enrichissement des sols agricoles.

Azotobacter est capable de transformer l'azote atmosphérique, un gaz naturellement abondant mais inutilisable pour les végétaux, en ammonium, une forme directement assimilable. Ce processus repose sur une enzyme unique, la nitrogénase, qui agit comme un outil complexe pour casser les liaisons très solides des molécules. Cependant, cette conversion demande énormément d'énergie, fournie par une molécule appelée ATP (adénosine triphosphate).
Azotobacter produit cette ATP en consommant du glucose, combiné à de l'oxygène. Pourtant, l'oxygène pose un défi : il peut dégrader la nitrogénase et bloquer son fonctionnement. Pour éviter cela, la bactérie adopte une stratégie ingénieuse. Elle accélère donc son métabolisme afin de consommer rapidement l'oxygène environnant, créant un environnement sûr pour son enzyme. Ce processus intensif lui permet de libérer de l’ammonium dans le sol, désormais assimilable par les plantes.

Les bactéries Azotobacter ne se limitent pas à fixer l’azote. Elles participent également à la libération d’autres nutriments essentiels, comme le phosphore, le zinc, le fer et le soufre.
Pour le phosphore, elles produisent des acides organiques, tels que l’acide citrique et l’acide gluconique, ainsi que des enzymes spécialisées comme les phosphatases alcalines et les exopoli phosphatases. Ces mécanismes permettent de transformer le phosphore insoluble présent dans le sol (sous forme de phosphate tricalcique ou de silicates de potassium), en une composition assimilable par les plantes.

Le zinc, indispensable aux enzymes et à la synthèse de la chlorophylle, devient plus accessible grâce aux modifications chimiques opérées par Azotobacter et à leur interaction avec d'autres microorganismes.

Pour le fer, Azotobacter produit des sidérophores, des molécules qui capturent ce métal et le rendent disponible dans la rhizosphère. En absorbant efficacement le fer, ces bactéries empêchent les microbes nuisibles de s’en nourrir, limitant ainsi leur prolifération, cela limite l’action de plusieurs pathogènes. Elles renforcent également la défense des végétaux en libérant des composés antifongiques et antibactériens, formant une barrière naturelle contre les infections et maladies des racines. Ces bactéries améliorent également l’assimilation des sulfates, nécessaires à la synthèse d’acides aminés soufrés tels que la cystéine et la méthionine, rentrant dans la formation de protéines végétales.

Enfin, Azotobacter produit des régulateurs de croissance, comme les auxines, les gibbérellines et les cytokinines, qui influencent directement la physiologie des plantes. Les auxines, telles que l'acide indole acétique (AIA), stimulent la division et l’élongation des cellules, favorisant la croissance des racines et une meilleure absorption des nutriments. Les gibbérellines soutiennent l’élongation des tiges et la floraison, tandis que les cytokinines, en synergie avec les auxines, stimulent la division cellulaire, le développement des racines et la production de chlorophylle, améliorant la photosynthèse.

En combinant cette production d’hormones à une défense biologique renforcée, Azotobacter favorise une meilleure croissance des plantes tout en augmentant leur résistance aux stress biotiques comme abiotiques.

Les contributions au règne végétal d’Azotobacter sont donc essentielles : fixation de l’azote atmosphérique, mobilisation des nutriments essentiels, production d’hormones végétales et protection contre les pathogènes. Toutefois, des défis subsistent : nous souhaiterions développer de meilleurs biofertilisants, plus efficaces et mieux adaptés à une grande diversité d’environnements. La recherche doit explorer des solutions innovantes, telles que son inclusion dans des mélanges microbiens, le développement de formulations adaptées aux milieux extrêmes ou la culture hydroponique. En réduisant la dépendance aux engrais chimiques, Azotobacter offre une voie prometteuse vers des rendements accrus et une agriculture économiquement viable et respectueuse de l’environnement.

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