Composés volatils : les nouveaux terpènes ?
Les terpènes, composés aromatiques déterminant l'odeur de nombreux végétaux, jouent un rôle multiple et pourtant essentiel dans le monde botanique. Traditionnellement, on les associe directement comme agents responsables des arômes et du goût, et ce notamment dans le cannabis. Cependant, une récente étude (Minor, Nonterpenoid Volatile Compounds Drive the Aroma Differences of Exotic Cannabis, ACS Omega 2023) révèle que leur importance dans la production de parfums spécifiques pourrait avoir été surestimée.
Par Hortizan
Cette recherche pour le moins innovante met en lumière le rôle des composés non terpénoïdes dans la création d'arômes multiples et très divers, remettant en question les théories existantes et ouvrant de nouvelles perspectives dans la compréhension des parfums du cannabis et du règne végétal.
La nouvelle particularité de ces récentes études ne réside pas seulement dans l'avancée technique, mais également dans le produit utilisé pour ces analyses. Le Dr. Iain Oswald et son équipe, financée par Abstrax tech, a utilisé du hasch rosin, un extrait concentré de cannabis, pour explorer les arômes uniques du spectre du cannabis. Mais pourquoi du hasch rosin ? Parce qu’il s’agit probablement d’une des meilleures méthodes pour préserver les composés aromatiques. Cette forme très concentrée, fabriquée en pressant la résine extraite de la plante, est reconnue pour sa pureté, sa puissance et la richesse de son profil aromatique. 31 échantillons de variétés différentes, choisis pour leur diversité aromatique, ont été prélevés dans divers dispensaires. Ces échantillons ont été soigneusement préparés et conservés pour maintenir leur profil chimique volatil.
Pour l'analyse, plusieurs techniques avancées de chromatographie en phase gazeuse, en association avec de la spectrométrie de masse, ont été utilisées. Ces méthodes ont permis de séparer, d'identifier et de quantifier chaque composé présent dans chacun des échantillons de hasch rosin. Des standards analytiques spécifiques ont été employés pour assurer la précision des résultats, notamment pour certains terpènes et composés aromatiques, procédés jusqu’alors très peu utilisés dans l’étude des cannabinoïdes.
Les recherches ont révélé l'existence de composés non terpénoïdes dans le cannabis, et jouant un rôle pourtant significatif dans son arôme. Parmi eux, les composés soufrés volatils tropicaux, comme le 3-mercaptohexanol (présent sous diverses formes), apportent des nuances d'agrumes et de fruits tropicaux. Des composés similaires avaient déjà été repérés dans du cannabis il y a quelque temps. En 2021, une étude (intitulée “Identification of a New Family of Prenylated Volatile Sulfur Compounds in Cannabis Revealed by Comprehensive Two-Dimensional Gas Chromatography”, ACS Omega, 2021) l’avait alors associé à l’odeur si particulière de la Skunk. L’étude révélait que les concentrations de cette nouvelle molécule, intitulée “VSC”pour Composé Volatil Sulfuré, augmentent significativement lors des derniers stades de floraison, atteignent un plafond lors du curing, avant de chuter fortement après seulement 10 jours de conservation. Les amateurs de ce type d’arômes skunk / essence / gaz l’auront sûrement déjà constaté : ce type de profil olfactif a tendance à disparaître plus rapidement. Cette notion, auparavant difficilement explicable avec la théorie des terpènes, l’est davantage avec la découverte de ces nouveaux éléments. Ces composés récents, s'étendant au-delà des VSC, présentent une diversité marquante. Malgré leur faible concentration, ils exercent une influence notable sur les arômes.
Autre élément non terpénoïde marquant : les indols, tels que le scatol, influencent également les arômes, et en particulier dans les variétés aux notes savoureuses ou chimiques. Le scatol est pourtant souvent associé aux odeurs désagréables : il est présent dans les odeurs de cuisson de certaines viandes, dans le goudron de houille et même dans les excréments : il présente une forte odeur fécale.
Les esters découverts contribuent eux aussi à une large gamme d'arômes, allant du doux au fruité. Ils ont souvent une odeur agréable et sont souvent à l'origine de l'arôme naturel des fruits, d'où leur utilisation assez large pour les arômes synthétiques et dans la parfumerie. Ces découvertes remettent en question le rôle présumé des terpènes comme principaux contributeurs aux arômes du cannabis. Les nouveaux composés non terpénoïdes démontrent une influence complexe et nuancée sur l'arôme, suggérant une interaction plus subtile entre la chimie du cannabis et ses caractéristiques sensorielles.
Cette nouvelle compréhension des profils chimiques du cannabis a des implications significatives, elle pourrait conduire à de nouvelles méthodes, basées sur les profils aromatiques distincts des végétaux. En pratique, ces résultats pourraient influencer le choix de génétiques du jardin jusqu’au dispensaire. Les cultivateurs pourraient explorer de nouvelles méthodes pour développer des variétés avec des arômes distincts, tandis que les consommateurs pourraient bénéficier d'une expérience plus riche et variée.
Ces découvertes ont également un impact potentiel sur l'industrie du cannabis, notamment en matière de réglementation, de marketing et de développement de produits. L'accent mis traditionnellement sur les terpènes pourrait céder la place à une reconnaissance plus large d’autres composés aromatiques, offrant de nouvelles possibilités pour la caractérisation et la commercialisation de nombreuses variétés.
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