Cassandra Purdy : « Chanvre et Compagnie a été comme une graine qui a fait pousser ma vie »

Olivier F
13 Jan 2025

Cassandra Purdy est une Américaine spécialiste du cannabis qui a souvent séjourné en France et parle parfaitement notre langue. Elle a été la traductrice de plusieurs livres sur le cannabis publiés par Mama Éditions. Elle a également traduit en anglais le livre de Jean-Pierre Galland « J’attends une récolte ». Cassandra a travaillé dans le légendaire magasin « Chanvre & Cie » à Montreuil ». Elle a beaucoup voyagé en Inde où elle s’est intéressé aux plantes thérapeutiques. Spécialiste des edibles, elle a également donné des cours et des conférences sur l’herboristerie. Elle a participé à plusieurs cannabis cups en tant que juge. Cassandra Purdy a ouvert récemment son magasin de cannabis dans l’État du Massachusetts.


 SSFR : Tu es américaine mais tu connais bien la France et tu parles parfaitement le français. Comment as-tu appris notre langue ?

Cassandra Purdy : Ma marraine, qui était la meilleure amie de ma mère, habitait en France et dès mon plus jeune âge, j’y venais régulièrement. Et c’est comme ça que j’ai appris le français. Je n’ai jamais eu de carte de séjour mais je restais souvent plus longtemps que prévu. Beaucoup plus tard, en 2000, je suis revenu à  Paris et j’ai participé au lancement de Mama Éditions, la maison d’édition de Michka Seeliger-Chatelain et Tigrane Hadengue. Je me suis rendu pendant plusieurs années dans les salons du cannabis en Europe comme la CannaTrade ou la Spannabis

Quand a eu lieu ta rencontre avec le le cannabis ?

Je connais Michka  et son ancien partenaire de vie, Hugo Verlomme, ainsi que Tigrane, depuis que j’ai 14 ans. C’était l’époque où je passais mes étés à Paris. Ma « sœur de cœur », la fille de ma marraine, les connaissait bien. C’est avec ce groupe de connaissances que j’ai commencé à comprendre. C’est dans ce milieu littéraire un  peu excentrique que j’ai découvert le cannabis.   

Quels sont les livres que tu as traduit ?

J’ai traduit en anglais « J’attends une récolte » de Jean-Pierre Galland avec le dessinateur Phix, publié aux Editions Trouble-Fête. J’ai traduit plusieurs éditions de « Cannabis médical » de Michka. Pour Mama Éditions, j’ai aussi corrigé des livres comme celui de Mila Jansen, « How I became the hash queen », sur lequel j’ai beaucoup travaillé ou Mr Nice de Howard Marks. Mama Éditions a été racheté par Hachette. J’ai travaillé avec eux jusqu’à la vente, pendant 20 ans à peu près.

Tu as travaillé pour le magasin Chanvre et Compagnie à Montreuil dans les années 90…

Cette expérience a changé ma vie. J’ai travaillé dans ce shop pendant longtemps. Chanvre et Compagnie et son propriétaire Eric Chapel ont été comme une graine qui a fait pousser ma vie. J’ai appris l’amour des plantes. J’ai découvert les livres sur les plantes. Eric Chapel était un pionnier et un militant. Il a notamment inventé le concept des « Grainaoizo ». C'est à Chanvre et Compagnie que j'ai rencontré Jean-Pierre et Ludo de Highlight Tribe. 

Tu es une spécialiste des edibles…  

Oui, j’ai commencé à expérimenter avec les comestibles durant mon adolescence. J’ai longtemps travaillé dans la restauration. Ma mère, Susan Purdy, écrit des livres de recettes. Elle est assez connue aux Etats-Unis. Dans les années 2000, quand les lois sur le cannabis médical ont commencé à s’assouplir aux Etats-Unis, j’ai travaillé avec des entreprises pour créer des produits. Le marché du cannabis légal aux USA est très compliqué. Chaque État a ses propres règles, notamment pour les dosages. On vous donne le droit de le faire mais on le rend tellement difficile qu’on a presque plus envie de le faire. J’ai aussi créé une gamme de produits topiques comme des pommades ou des baumes pour la douleur…   

Tu as beaucoup voyagé en Inde…

J’ai souvent voyagé en Inde, surtout avec Ludo du groupe Highlight Tribe. Ça a participé à mon éducation cannabique. J’ai rencontré des sadhus. Je suis allé dans les endroits où l’on produisait du haschisch. 

Tu as aussi participé à des cannabis cups ?

Ma première High Times cannabis cup, c’était en 1994 à Amsterdam avec Michka. Jack Herer lui-même était présent. J’ai participé à des cannabis cups à Los Angeles et un peu partout aux Etats-Unis. Je travaillais pour des marques d’extracteurs, de vaporisateurs… J’ai récemment organisé moi-même une coupe Dabadoo (Ndr : coupe réservé aux extractions) avec Mila, que je connais depuis que j’ai 20 ans, dans le Massachusetts. Ça s’est super bien passé. C’était incroyable en fait. C’était une réunion assez spéciale à la campagne avec des participants qui avaient un haut niveau. C’était le meilleur live rosin qu’on n'avait jamais gouté. 

A titre personnel, quels sont tes gouts en matière de cannabis ?

En Europe, on trouve plus du hasch traditionnel comme le Marocain. Ce qu’on appelle maintenant le hasch aux Etats-Unis, c’est plutôt du live rosin. On fabrique le hasch avec de l’eau froide. Le process est très différent. Ce n’est pas le même produit. Ca n’a rien à voir avec un hasch traditionnel comme le Charas en Inde. A l’époque, à Paris, on ne trouvait que du hasch traditionnel comme le Marocain. Il n’y avait ni herbe ni concentré. Frenchy Cannoli, que j’ai connu en Inde, faisait la liaison entre le hasch traditionnel et les nouvelles techniques. Je préfère fumer des variétés comme la Haze. Et si j’ai l’occasion, j’aime fumer du hasch traditionnel. Je n’ai jamais aimé le dab. La culture cannabique est très différente en Europe et aux Etats-Unis. Même entre la côte est et la côte ouest, il y a beaucoup de différences.  
 

Cassandra Purdy : « Chanvre et Compagnie a été comme une graine qui a fait pousser ma vie »
Cassandra Purdy

Quelles sont les autres plantes auxquelles tu t’intéresses ?

Je m’intéresse à toutes les plantes enthéogènes et en particulier aux champignons. Au dispensaire, on s’intéresse beaucoup aux champignons. On a plein de livres et on a organisé des conférences. Je m’intéresse aux liens entre les cannabis et les psychédéliques. La semaine prochaine, j’organise une conférence avec un spécialiste. On aura une conversation sur comment utiliser le cannabis pour intégrer les expériences psychédéliques. Ce sont les expériences qu’on a après le voyage. Je m’intéresse à toutes les plantes de voyages spirituels comme l’Ayahuasca, l’ibogaïne. les plantes avec de la DMT… Et je m’intéresse aussi aux plantes médicinales. Je pense aux champignons médicinaux qui ne sont pas psychédéliques comme le Chaga

Est-il possible de vendre des champignons au Massachusetts ?

Non, ce  n’est pas possible pour le moment. Dans certains États, il est maintenant possible d’en acheter légalement. Et le Massachusetts pourrait aller dans ce sens. J'espère pouvoir en vendre bientôt.

Pourrais-tu nous parler de ton magasin de cannabis qu’on appelle encore dispensaire, Sweetgrass Botanicals  ?

On les appelle toujours dispensaires même si je vends uniquement du cannabis à usage récréatif. Dans les dispensaires médicaux, c’est plutôt ambiance pharmacie. Les vendeurs sont en blouse blanche. Ici, c’est plutôt ambiance boutique. C’est tout à fait différent. Je suis propriétaire du dispensaire. J’habite dans l’État voisin du Connecticut mais c’était plus facile d’avoir une licence au Massachusetts. Je savais qu’il y  avait une licence disponible. J’ai tenté ma chance et j’ai pu avoir la licence. Le dispensaire est situé dans les monts Berkshire. C’est un endroit touristique. Les gens viennent faire du ski. C’est une région où il y a beaucoup d’activités comme la danse et la musique et de nombreux centres culturels. Mon dispensaire est un ancien restaurant qui est situé au bord d’un lac. Mon dispensaire a ouvert il y a seulement 10 mois. Et nous avons déjà été récompensés pour notre live rosin à la NECANN Cup of Champions à Boston.

Y a-t-il beaucoup de concurrence ?

Oui, le marché est totalement saturé. Dans toutes les villes ici, il y a entre 1 et 6 dispensaires. Il y a énormément de concurrence. Il y a environ 500 dispensaires de cannabis au Massachusetts.

Est-il possible de consommer sur place ?

Malheureusement, non. C’est dommage. Ça peut arriver éventuellement dans certaines villes qui ont voté pour ça. La ville dans laquelle on est installé est assez conservatrice. Donc, il y peu de chances que ça arrive. Mon dispensaire serait parfait pour ça.

Quels sont les produits que vous vendez ?

On a de l’herbe, du rosin est des edibles. Et on a aussi du haschisch traditionnel qu’on achète à deux compagnies. Et on va le faire nous-mêmes à partir de la semaine prochaine. Celui qui fait les hasch chez nous est un jeune appelé Ben McCAbe qui a déjà gagné plein de coupes dont une Dabadoo, Legends of Hashish et une Emerald Cup. On est les seuls à avoir une fenêtre qui donne sur le laboratoire de hasch et le public peur regarder.

Tu fais toi-même les edibles pour le dispensaire ? 

Oui, ce sont des edibles que je prépare ou que d’autres préparent. Nous avons toutes sortes de choses : glace, beurre salé, sauce piquante, huile d’olive bio. La limite est de 100 mg de THC par produit emballé. La dose recommandée est de 5 mg par prise.

Avez-vous également des produits à base de CBD ou de CBG ?

Nous avons des produits à base de cannabinoïdes qui ont été isolés. Ce n’est pas moi qui les fabrique. Je préfère le « full spectrum » pour l’effet d’entourage. On a beaucoup de gummies avec des cannabinoïdes spécifiques comme le CBN ou le CBG.

Qui cultive le cannabis que vous vendez au dispensaire ?

On ne cultive pas nous-mêmes. Nous avons deux licences, une pour la vente et une pour la manufacture. C’est-à-dire pour la fabrication du hasch ou du rosin. Pour sélectionner les growers, on se rend sur place souvent avec Ben, le hash maker. On discute avec le cultivateurs. J’aime sentir et toucher les plantes. J’ai une grande préférence pour les cultures en sol vivant. On aime bien les variétés landraces. Les growers cultivent souvent en indoor et pour le outdoor, c’est toujours sous serre. Si quelqu’un fait pousser du blé ou du mais, même à un kilomètre de la plantation, l’herbe peut ne pas passer le testing à cause de microbes amenés par le vent. 

O
Olivier F