Bloc Pot : le parti cannabique québécois

Olivier F
21 Nov 2025

Au Canada, le cannabis récréatif a été légalisé il y a 7 ans. Le bilan est bien sûr positif. Une récente enquête de l’ICPS a montré que 78 ¨% du cannabis récréatif consommé au Canada venait du marché légal. Chaque province a établi ses propres règles et le Québec, qui n’est pas la plus favorable au cannabis, a imposé de nombreuses interdictions Le Bloc Pot est un parti politique québécois créé en 1998 qui a milité pour la légalisation. Le but a maintenant été atteint mais le parti existe toujours et souhaite améliorer la législation québécoise sur le cannabis. Nous avons interviewé Benjamin Vachon, représentant officiel du Bloc Pot.


SSFR ; Quel est exactement ton rôle dans le parti ?

Benjamin Vachon : Je suis, entre autres, représentant officiel du Bloc Pot. En tant que parti politique, on doit rendre des comptes publics. Donc moi, mon rôle, c'est de m'assurer que le pseti respecte la loi électorale. J'ai eu d'autres rôles au sein du parti. L'an dernier, j'étais chef de parti. Certaines circonstances m’ont fait changer de rôle cette année, c'est une organisation  démocratique. Chaque année, il y a un vote pour les nominations des coordonnateurs du parti. J'ai été candidat en 2018, quand il y a eu la légalisation. Je m'implique particulièrement au Bloc Pot, mais je discute avec d'autres partis politiques, assurément. Mon implication au parti est un travail bénévole, dans la vie de tous les jours je suis mécanicien.

Qu’est-ce qui t’as poussé à militer pour le Bloc Pot ?

Avant la légalisation j'ai été arrêté à plusieurs reprises pour possession simple de cannabis. Donc à l'époque, je cherchais de l'aide par rapport à ça, j’ai consulté le Bloc Pot. En 2018, au moment où je cherchais de l'aide, eux, ils recrutaient pour l'élection qui avait lieu à peu près en même temps que la légalisation, en octobre 2018. Donc, je dirais que cette année-là, j'ai commencé à m'impliquer au parti. Il y a eu comme un regain du mouvement, étant donné que le sujet était d'actualité. Mon objectif, c'était d'aider les autres personnes qui avaient des problèmes similaires aux miens à trouver des solutions. Je risquais un casier judiciaire à la suite de mes arrestations.  Avant octobre 2018, les peines maximales pour possession, c'était deux ans d'emprisonnement. J’ai été arrêté plusieurs fois avec un gramme et demi, deux grammes… Le maximum, c'était trois grammes et demi. Le risque était démesuré. Il faut dire qu'aujourd'hui les peines maximales sont passées à 5 ans d'emprisonnement.

Pourrais-tu nous résumer l’histoire du Bloc Pot ?

Le parti été créé en 1998 au niveau provincial au Québec. L'objectif était d’obtenir la légalisation du cannabis. Une des fonctions premières, c'était d'informer les gens, d'aider avec des avocats. 

En 1999, le cannabis médical a été légalisé. Le Bloc Pot a fondé ce qui est encore aujourd'hui le Club Compassion, pour aider les personnes qui cherchaient des sources de cannabis médicales et qui avaient besoin d'être orientées. Ensuite, en 2003, on a fondé le Café Marijane, c'était le nom de notre local de parti. C’était un peu comme un CSC, on invitait les amateurs de cannabis à se réunir.

Le Bloc Pot a présenté des candidats à plusieurs élections législatives provinciales au Québec. La meilleure année a été 2003. Nous avons présenté 56 candidats et recueilli environ 22 900 votes. Aucun candidat du Bloc Pot n’a été élu, mais cela nous a permis d’accéder  aux médias et d’influencer la politique du cannabis. Nous avons même présenté des candidats au niveau fédéral avec le Parti Marijuana, fondé en 2000.

Je dois ajouter que certaines des personnes qui ont fondé le Bloc Pot étaient des artistes connus dans le milieu Punk rock des années 1990 au Québec. Marc-Boris St-Maurice était bassiste dans le populaire groupe Grimskunk. Il faut dire que le “Skunk” était une variété de cannabis très populaire dans les années 90. Ces artistes ont contribué à rendre le Bloc Pot populaire au début des années 2000.

Interview d’un représentant officiel du Bloc Pot
Benjamin Vachon, représentant officiel du Bloc Pot.

Pot est un mot qui désigne le cannabis et qui est peu connu en France. Pourquoi avoir choisi ce nom pour votre parti ?

En fait, pot, c'est un terme péjoratif pour désigner le cannabis. Nous, dans le fond, on a comme idée que le langage une part importante dans la propagande et la guerre des mots. L'idée, c'est de s'approprier le langage de nos opposants pour rendre leur discours absolument diffus ou ridicule. Certaines personnes qui défendent le cannabis n'aiment pas cette approche, mais c’est dans le but de désemparer nos adversaires. Au niveau fédéral, au Canada, cest un peu la même idée avec le Parti Marijuana, l'utilisation d'un mot péjoratif. Aussi, on a choisi le “Bloc Pot” pour faire référence à un autre parti politique au Québec, le Bloc Québécois. La parodie cest d'ailleurs un élément qui, je crois, caractérise les amateurs de cannabis. Nous avons cette habitude de tout parodier.

Combien y a t-il d'adhérents au Bloc Pot ?  Est-ce qu’il y a moins d'adhérents maintenant du fait qu'il y a la légalisation ? 

C'est une excellente question. En ce moment, on a approximativement 350 adhérents, ce sont les membres actifs. Depuis 1998, on a eu énormément d'adhérents et de sympathisants, environ 1500 sympathisants. Je le dis avec modération puisque je suis certain que nous en avons plus que ça. Nous avons senti l'impact de la légalisation lors des élections de 2018, la proportion de vote a diminué par rapport au nombre de candidats, environ de moitié. En 2003, on a eu notre plus grande élection avec 56 candidats. Puis entre 2003 et 2014, il y a eu un down, peut-être une situation interne par rapport à l'administration.  En 2014, quand Justin Trudeau a annoncé la légalisation, il y a commencé à avoir un regain d'intérêt au sujet du cannabis. Puis en 2018, ça a quand même été une très bonne élection. C'est sûr qu'aujourd'hui, le public nous demande “quelle est la pertinence du parti depuis la légalisation”.  Les enjeux persistent toujours, ils sont même plus nombreux, on ne cesse de le répéter. Par contre, il y a eu peut-être une forme de crise identitaire depuis 2018. Nous n'avons pas réussi à déterminer un programme qui représente les divers intérêts. Nous allons tout de même présenter des candidats pour les prochaines élections législatives du Québec, en 2026.

Après la légalisation, vous avez notamment défendu les petits cultivateurs face aux poids-lourds du secteur qui dominent le marché…  

Au Canada, l'agriculture est de compétence provinciale. Or c'est le fédéral qui distribue les permis de culture de cannabis. Les compétences et la souveraineté du Québec sont réquisitionnées au nom de la sûreté. J'imagine qu'Ottawa essaie tout de même de faire attention à ce sujet, particulièrement avec le Québec. Histoire de ne pas souffler sur les braises du spectre séparatiste Québécois. On pourrait presque dire qu’ Il y a comme deux monopoles. Un sur la distribution des licences par le fédéral et l'autre sur la distribution des produits par la Société Québécoise du Cannabis. Cela a pour effet de  favoriser la montée d'un oligopole. Dans le fond, pour être cultivateur, il faut être millionnaire. Il faut mettre plusieurs millions de dollars sur la culture. En plus, au Québec, pour avoir et maintenir une place dans les magasins de la Société Québécoise du Cannabis. Un niveau de standard que les micro producteurs n'arrivent pas à atteindre. Ces mesures contraignantes maintiennent une pression sur les marchés et contribuent à maintenir les prix de la substance élevés. Cela maintient une forme d'aura sur le cannabis créant une genre de bulle spéculative. Honnêtement, les fleurs, ça ne vaut pas grand- chose. Si on avait une vraie libération de la substance, on verrait une baisse des prix de la marchandise.

 Bloc Pot : le parti cannabique québécois
Plantation outdoor au Québec.

Quels sont alors les standards à respecter ? 

C'est notamment les standards de sécurité sur les lieux de culture : caméras de sécurité, niveaux de contrôle du personnel, de la substance, entreposage…etc. C'est aussi contrôlé que les bombes. Au Québec, on produit des bombes et on produit des fleurs de cannabis. Les niveaux de standards de sécurité entourant les produits sont du même niveau. Après ça, il y a tous les codes sanitaires. Ensuite, il y a l'accessibilité au marché. Les producteurs ne peuvent pas vendre eux-mêmes les produits au Québec, c'est la SQDC, il n'y pas beaucoup de succursales. Je pense qu’il y a une centaine de succursales sur tout le territoire, les régions sont mal desservies.

Il y a aussi la question de la limitation à 30% de THC. Est-ce que ça pose problème ? 

Ce qu'on retrouve sur le marché illicite, c'est des taux entre 70 et 95% de THC pour les extractions. A la SQDC, on a de l'huile qu'on consomme de manière buccale qui est limitée à 30%. Ils trouvent des moyens de couper la substance souvent avec du CBD. C'est niaiseux parce qu'on entretient un genre de mythe au sujet du pourcentage comme si c'était ce que les gens recherchaient, comme si c'est ça qui était important. On réalise de plus que d'autres molécules et même les terpènes ont des rôles importants. Toutes ces restrictions comme le taux de THC poussent les personnes vers ce que j'appelle le marché “alternatif”.

Le Québec, contrairement à la plupart des provinces, interdit l’autoculture…

C’est l’un des principaux enjeux. Moi, j'ai deux plantes dans ma cour en ce moment. La culture de moins de 5 plantes de cannabis a été retirée du code criminel au niveau fédéral. Les risques au Québec, c'est une pénalité, une amende. Donc, je m'expose à une contravention de 250 $ par plante. La récidive, ça va jusqu'à 1100 $ par plante, de mémoire. Aujourd'hui on peut avoir un casier judiciaire si on a plus de 4 plantes. Les peines avant et après 2018 sont passées de 2 ans d'emprisonnement à 5 ans.

Quelles sont les prix du cannabis à la SQDC ?

Pour un seul gramme, le prix varie de 10 à 15 dollars canadiens. Les prix sont dégressifs. 3,5  grammes coûtent entre 25 et 45 $. Pour une once (28 grammes), il y a des promotions et ça peut descendre à 120 dollars canadiens, ça peut facilement monter à 200$ l'once ou plus.

Quelles sont les personnalités cannabiques les plus connues au Québec ?

On manque justement de personnalité, d'une tête d'affiche qui va représenter nos couleurs. Quelques artistes s'affichent ouvertement comme des consommateurs, mais pas comme des défenseurs ou militants. 

Y a-t-il des magazines ou des sites sur le cannabis au Québec ?

Maintenant, il y a Bonstock, le site de Luc Prévost. 

Y a t-il des expos et des événements cannabiques au Québec ?

Nous avons durant plusieurs années l'Expo cannabis, un événement destiné aux acteurs du milieu du cannabis. Sinon, il devait y avoir le “Canfest” en 2022, qui n'a pas eu lieu. En fait, le ministère de la Santé publique est venu leur couper l'herbe sous les pieds. Au Québec, tu ne peux pas organiser  une activité destinée aux amateurs de cannabis, sinon tu t'exposes à des contraventions qui sont extrêmement salées. 

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