Une histoire de drogues par Judith Kush

Olivier F
25 Aug 2023

Dinah Douieb aka Judith Kush est l’auteure de « Speedball ». Ce livre richement illustré est un mine d’information sur les différentes drogues. Une grande partie du livre est consacrée au cannabis et à son histoire.


SSFR : Pourrais-tu te présenter à nos lecteurs ?
 
Judith Kush : Je m’appelle Dinah et j’ai écrit le livre sous le nom de Judith Kush. J’ai toujours travaillé dans le domaine artistique. Je suis productrice de musique et en particulier de musique raï. Je suis manager du label Dinamyte. C’est un label que j’ai créé et sur lequel je produis principalement de la musique électronique et la chanteuse de raï Cheika Rabia. Lorsque j’étais plus jeune, j’étais chanteuse d’un groupe de funk, Les Flambeurs. J’ai également été commissaire de plusieurs expositions.
 
Pourquoi avoir écrit un livre sur les drogues ?
 
Je voulais raconter mon expérience et faire changer les idées reçues sur les drogues. Il y a longtemps, j’ai moi-même été addict à la drogue, au speedball, qui est un mélange d’héroïne et de cocaïne. Je suis clean depuis 25 ans. C’est une expérience que je ne pouvais pas mettre de coté dans ma vie et je trouvais dommage de faire comme si ça n’existait pas. C’est le témoignage d’une époque. C’est aussi pour briser les clichés qu’on peut avoir sur les drogues en général. Il ne faut pas rentrer dans ce système de jugement alors qu’il y a des drogues légales. On pousse les gens dans les drogues licites alors qu’elles sont parfois plus dangereuses. Il y a l’alcool, les médicaments anxiolytiques, les opioïdes… Il y a par exemple beaucoup de gens qui consomment du cannabis mais la société a encore du mal à l’accepter. Je ne parle pas seulement des drogues sous un jour favorable. Je parle aussi des effets négatifs. Je présente les drogues comme des médicaments. Je pense pouvoir amener mon expérience dans le domaine de la réduction des risques.
 
Qu’est-ce qui différencie ton livre des autres livres sur la drogue ?
 
Mon livre concerne quasiment toutes les drogues même si je ne peux pas répertorier toutes les nouvelles drogues de synthèse qui sortent chaque semaine. Il y un large panel de drogues. Je raconte l’histoire des drogues depuis l’antiquité. Et ça passe beaucoup par l’image.
 
Pourquoi avoir choisi un pseudo pour ce livre ?

 
Judith Kush est un personnage de fiction, une héroïne de bandes dessinées. C’est une conteuse qui vit toujours au XXIe sous forme d’un avatar. L’histoire qu’elle incarne a été construite avec les traumatismes de l'auteure originale, Dinah. Leurs histoires se juxtaposent. Judith Kush peut s’exprimer de manière plus radicale. Kush fait bien sûr référence à la variété de cannabis que l’on trouve dans la  région montagneuse de l'Hindu Kush en Asie.

Une histoire de drogues par Judith Kush
Le livre contient des informations sur la botanique.

Ton livre contient de nombreuses illustrations, photos ou dessins, souvent surprenantes. Comment les as-tu trouvés ?
 
Au début du livre, j’ai rendu un hommage à Jimmy Kempfer. Il m’a légué une grosse partie des sa collection. Il voulait faire une exposition sur l’opium. Je venais de finir des expositions sur le rock et l’afrobeat. Donc, je m’étais un peu spécialisée dans les expos iconoclastes, sur des sujets qui m’intéressent, toujours basés sur mon expérience. J’avais trouvé que l’expo sur l’opium était une super idée mais malheureusement, ensuite, il est décédé. Et c’est à partir de ce moment là que j’ai décidé de faire un livre sur toutes les drogues. J’avais déjà récupéré beaucoup de documents. Et j’ai commencé à récupérer d’autres documents, donnés par des amis, des témoins de l’époque. Il y a par exemple beaucoup de photos en noir et blanc d’un ami qui s’appelle Zazoum. Il y a une partie des images qui sont libres de droit. Il y a des couvertures de livres, de magazines et des affiches que nous pouvons utiliser. Il y a aussi des images d’artistes et de photographes qui m’ont donné les droits. Il y également des images qui viennent de la « free press ». Dans les années 60/70, les artistes donnaient des images pour la presse hippie.

Quel est ton avis sur le CBD ?
 
J’ai le même avis que les scientifiques qui ont étudié la médecine des plantes et en particulier le cannabis qui est expérimenté aux États-Unis et en Israël depuis plusieurs décennies. Le CBD que l’on trouve en France pour un usage médical n’est pas de bonne qualité et ne procure pas les effets thérapeutiques. Il n y a pas suffisamment de cannabinoïdes. Nous ne profitons pas du potentiel du CBD. L’effet entourage est très important. Il y a au total une centaine de cannabinoïdes dans la plante et une dizaine qui sont vraiment important. Raphael Mechoulam, le grand scientifique spécialiste du cannabis qui nous a quittés récemment, considérait qu'il fallait au moins 4 ou 5 % de THC dans un produit pour révéler le potentiel du CBD et des autres cannabinoïdes. Et en France le taux de THC maximum est de 0,3 %.

Une histoire de drogues par Judith Kush
Joint Marijuana Free Press.

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Ton livre présente une particularité : on y trouve des photos qu’on pourrait qualifier d’érotiques. Quels sont les rapports entre drogues et sexualité ?
 
A une époque, j’ai consommé beaucoup de drogues : héroïne, opiacés et cocaïne principalement. J’ai testé beaucoup de choses. Je n’ai pas prix beaucoup de speed ni de LSD Selon mon expérience, si les produits sont correctement dosés, il y a un vrai effet érotique. L’opium est très érotique. C’est très féminin, très sensuel, l’opium. Pour la cocaïne, les hommes et les femmes ne ressentent pas les mêmes effets. Pour les femmes, il y a un effet presque nymphomaniaque ! Certaines herbes ont aussi des effets très érotiques. Mon avis est qu’il ne faut pas une variété d’herbe trop forte. L’important est de consommer des petites doses. Le poison, c’est le dosage. Si tu en prends trop, tu risques d’obtenir l’effet inverse et de ne plus du tout être stimulé.

Qu’est-ce que le mysticisme sexuel ?
 
C’est une forme de ce que les hindouistes appellent le tantrisme. C’est une union sacrée entre les deux sexes. Dans l’hindouisme, on appelle le sexe de la femme le Yoni et le sexe de l’homme le Lingam. Ce n’est pas forcément  un mariage éternel. Ça peut durer une nuit, une semaine ou un an… L’union se nourrit de l’énergie masculine qui se nourrit de l’énergie féminine et qui tourne autour du couple. L’union sexuelle provoque des états de conscience altérés qui peuvent être équivalents à ceux provoqués par le LSD. C’est une vision du mysticisme sexuel. Je ne sais pas si il  est encore pratiqué de manière vraiment spirituelle en 2023. Il y a maintenant beaucoup de gens qui trouvent leur équilibre dans la pornographie.
 
Le Speedball était beaucoup consommé avant les rapports sexuels. Est-ce l’ancêtre du « chemsex » ?
 

Pour moi, ce n’est pas du tout la même chose. Le Speedball est même le contraire du chemsex. Avec le speedball, on ne recherche pas la performance. C’est plutôt les sensations. On est défoncés mais pas endormis grâce à la cocaïne et on ne ressent plus du tout la douleur. On ne prend pas du speedball uniquement pour le sexe. C’est une drogue mortelle. Beaucoup de gens ont fait des arrêts cardiaques à cause du speedball.

Une histoire de drogues par Judith Kush
« Marijuana Girl » a été publié en 1951.

Un chapitre est consacré au microdosing, principalement pour le LSD. Le microdosing existe également pour la weed. C’est une pratique que tu recommandes ?
 
Oui, je le recommande notamment aux jeunes générations et aux âmes sensibles. Je recommande de pratiquer le microdosing pour toutes les drogues.
 
Fais-tu une différence entre drogues douces et drogues dures ?

 
Tout dépend du dosage mais je mets quand même le cannabis à part. Je le considère comme un médicament. Le cannabis n’est pas létal mais il peut provoquer la démotivation, ce qui déplait à ceux qui aiment l’ordre.
 
Dans un chapitre, tu parles du livre « The Book Of Highs » qui répertorie 252 façon d’altérer sa conscience sans drogues. Tu parles aussi de plantes légales  : maca, muira, puama, klamath, damiana tribulus. Ce sont des plantes qui tu utilises ?
 
J’utilise les plantes pour différentes raisons, entre autres pour l’immunité… J’ai commencé par des algues, des racines, des extraits de fleurs… Ces sont des plantes adaptogènes légales qui t’apportent  ce que que peuvent t’apporter les drogues mais de manière non addictive.
 
Peux-tu nous parler de ton prochain livre ?
 
Ce sera un livre qui parlera uniquement du cannabis, une collaboration entre un avocat, Vincent Cohen-Steiner, et moi-même, Dinah Douieb. Le livre s’intitulera « Le cannabis : Entre le Diable et le Bon Dieu - 100 années de répression de l’usage du cannabis » Il racontera les 100 ans de lois sur le cannabis en France, la prohibition… On y trouvera une brève histoire antique, le cannabis médical, la situation internationale, française, contemporaine et en conclusion, une revue des assemblées et rapports sur le sujet du cannabis en France.
 
Speedball par Judith Kush, 250 pages, 30 €. Disponible à la librairie Publico, 145 rue Amelot Paris 11eme et chez Exodisc, 70 Rue du Mont-Cenis, Paris 18eme. On peut le commander directement à l’auteure par mail : judithkushspeedball@gmail.com
 

 

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Olivier F