Steve DeAngelo : « Je ne voulais pas vivre comme un criminel pendant toute ma vie »

Activiste du cannabis depuis quatre décennies, Steve DeAngelo est aussi un entrepreneur qui a reçu plusieurs awards. En 2006, il a cofondé le dispensaire Harborside Health Center à Oakland en Californie, un des six premiers autorisés aux USA. Il est également le cofondateur de Steep Hills Labs, le premier laboratoire spécialisé dans le cannabis et d’Arcview, la première société d'investissement pour le cannabis. En 2019, Steve a lancé The Last Prisoner Project, dans le but de faire libérer tous les prisonniers du cannabis. Steve DeAngelo est beaucoup intervenu à la télévision et dans les journaux américains pour défendre la légalisation. Il est l’auteur du livre The Cannabis Manifesto. Son dispensaire Harborside a fait l’objet d’une série documentaire, Weed Wars, sur Discovery Channel.
SSFR : Quand avez-vous découvert le cannabis pour la première fois ? Et quand avez-vous commencé à défendre cette cause ?
Steve DeAngelo : J’ai découvert le cannabis pour la première fois à l’âge de 13 ans et ma première expérience a été une véritable expérience transformatrice. Je suis tombé amoureux de la plante dès la première fois que je l’ai expérimenté. Je me suis senti appelée par elle. J’ai grandi à Washington DC, la capitale des États-Unis. Et c’était à une époque où il y avait beaucoup de manifestations pour diverses raisons, pour les droits civiques, pour l’égalité entre les races, pour arrêter la guerre au Vietnam ou contre le nucléaire… Mes parents étaient impliqués dans le mouvement pour la justice raciale et dans le mouvement pour les droits civiques. J’ai donc grandi dans un foyer où l’activisme était présent. On m’a appris que si je voyais une injustice ou quelqu’un souffrir et que j’avais la capacité de faire quelque chose pour y remédier, je le ferais.
Quand j’ai eu ma première expérience avec la plante, je me suis dit : « ce n’est pas une mauvaise plante, c’est une bonne plante » et l’idée qu’elle soit illégale m’a tout simplement indignée. J'ai aussi compris dès le début que cette plante allait m'accompagner toute ma vie. Je le savais intuitivement. Je ne voulais pas vivre comme un criminel pednant toute ma vie. Je ne voulais pas être traqué par le gouvernement pendant toute ma vie. Donc, pour toutes ces raisons, il m'est venu tout naturellement à l'esprit de commencer à réfléchir à l'activisme autour du cannabis. J'ai donc commencé à m'informer et à regarder autour de moi pour voir s'il existait ou non des organisations militantes pour le cannabis. Il n'y en avait pas à l'époque.
Où a eu lieu votre première manifestation pour le cannabis ?
J'avais 13 ans quand je suis tombé amoureux de la plante. Je pensais à l'activisme pour le cannabis mais ce n'est qu'à 16 ans que j'ai vu ma première opportunité. Il y avait ce groupe appelé les Yippies et ils ont fait ce qu'on appelle un « smoke in » le 4 juillet, le jour de l'Indépendance, dans le centre-ville de Washington DC, au Washington Monument, qui est très proche de la Maison Blanche. Et cela m'a semblé être une chose passionnante.
C'était donc ma première manifestation pour cannabis. Nous y sommes allés et nous avons trouvé un gars que je ne connaissais pas, Dana Beale, qui avait un sac d'environ deux livres d'herbe qui n'avait pas été roulée en joints et qu'il venait de montrer sur le terrain du Washington Monument... Je me suis précipité et j'ai commencé à l'aider en prenant l'herbe et en roulant des joints, puis en allumant les joints et en les distribuant à la foule.
J'ai découvert plus tard que Dana était un activiste du cannabis très engagé, vraiment l'un des activistes du cannabis les plus engagés que j'aie jamais rencontré. Mais il n'était pas le meilleur organisateur. Et donc, aucune scène n'avait été préparée. Aucun orateur n'avait été prévu. L'herbe n'avait pas été roulée en joints à l'avance, mais il était là, gardant la foi et faisant fumer les gens. Donc, au fil des années, j'ai travaillé avec ce groupe, les Yippies, et j'ai développé le smoke in pendant plusieurs années pour en faire une très grande manifestation de trois jours. À un moment donné, il y avait des scènes avec 25 groupes différents et 30 ou 40 orateurs différents. Donc, c'était le début d'une période d'activisme pour moi.
Pourquoi avez-vous commencé à vendre de la marijuana ?
J'ai commencé à en vendre parce que je n'avais pas les moyens de fumer ou de payer la quantité de cannabis que je voulais. Donc, très peu de temps après avoir commencé à fumer de l’herbe, j'ai commencé à comprendre le commerce du cannabis. Et je pense que lors de ma première séance de fumette, je me suis demandé : « Où est-ce que tu trouves ce truc ? Combien ça coûte ? » Et donc, j'avais déjà travaillé dur pour devenir un revendeur d'herbe assez important au cours de ces quelques années.
Vous avez écrit un livre intitulé The Cannabis Manifesto…
Ce livre est maintenant publié en trois langues : Anglais, Espagnol et Portugais. Et il a reçu des critiques vraiment incroyables. J’ai commencé à travailler sur un deuxième livre provisoirement intitulé « Comment ne pas légaliser le cannabis »
Je pense que Cannabis Manifesto est un très bon choix pour quiconque débute dans le cannabis. J'y aborde vraiment l'histoire et certains aspects culturels du cannabis. Je parle de l'histoire de la prohibition et je donne même une perspective internationale sur ce sujet. Plus important encore, je pense que j'ai vraiment introduit une nouvelle façon de considérer le cannabis dans ce livre qui ne se contente pas de refléter l'idée prohibitionniste du cannabis comme quelque chose qui vous fait planer. Je voulais vraiment examiner les effets du cannabis en tant que produit de bien-être, car je crois que c'est ce qu'il est. Et le bien-être est très large. Il peut être important pour des maladies graves que nous connaissons.
Mais le cannabis a également une autre gamme d'effets qui sont souvent considérés comme de simples effets planants. Mais je pense qu'il s'agit en réalité d'effets de bien-être qui peuvent aider à la créativité. C'est ainsi que le cannabis peut aider les gens. Il peut aider un musicien à trouver la bonne note, aider un poète à trouver le bon mot… Il peut aider un peintre à trouver la bonne couleur. Le cannabis peut vous rapprocher de la nature. Il peut transformer une promenade en forêt ou une promenade dans le parc en une expérience presque spirituelle. Le cannabis peut nous encourager à faire un inventaire de nous-mêmes, à examiner nos propres actions et à nous assurer que nos actions quotidiennes sont vraiment en phase.
Aux Etats-Unis, vous êtes l’un des défenseurs du cannabis les plus connus. À quels documentaires ou émissions de télévision avez-vous participé ?
La production vidéo la plus remarquable à laquelle j'ai participé est la toute première émission de télé-réalité sur un dispensaire de cannabis qui était connue sous le nom de Weed Wars, sur Discovery Channel en 2011. Elle est maintenant disponible en différé sur YouTube. Et j'ai participé à de nombreux documentaires et interviews. Je ne me souviens plus vraiment de la liste des documentaires, des interviews, des émissions de télévision… J'ai été très connu pour mon interview avec Bill O'Reilly, l'un des grands animateurs de talk-shows conservateurs. Donc, j'ai été sur Fox TV. J'ai été sur CBS et NBC. L’autre projet notable auquel j’ai participé est Radio Free Cannabis, que vous pouvez toujours retrouver sur ma chaîne YouTube. Radio Free Cannabis était une émission d’actualité mondiale sur le cannabis que nous avons diffusée pendant environ 26 épisodes.
Pouvez-vous nous parler du projet The Last Prisoner ?
En 2018, mon objectif de toute une vie, à savoir légaliser le cannabis, a été atteint dans l’État de Californie, mais il y a eu un problème avec la législation. La Californie a légalisé le cannabis, mais n’a libéré aucun des prisonniers du cannabis. Et si vous regardez à travers le pays, aucun des autres États qui ont légalisé le cannabis n’a libéré ses prisonniers. Pouvez-vous imaginer ce que ressent quelqu’un dans cette situation en regardant dehors et en voyant cette nouvelle industrie légale du cannabis se construire ? En tant que mouvement, nous ne pouvons pas permettre aux personnes qui ont fait passer cette plante à travers l’obscurité de la prohibition, qui ont permis à tout le monde de consommer du cannabis pendant ces années, de rester en prison après la légalisation du cannabis. À cette époque, j’étais une célébrité à certains égards. Le combat avec le gouvernement fédéral m’avait vraiment mis en première page des journaux et on m’a beaucoup vu dans les émissions de télévision. Certaines entreprises se portaient plutôt bien. J'ai donc utilisé le statut que j'avais développé pour aller voir ces entreprises et leur demander de soutenir le Last Prisoner Project (Le projet du dernier prisonnier). Le Last Prisoner Project a alors été lancé.
Vous collaborez avec la banque de graines Blimburn Seeds en tant qu'ambassadeur global. Quel est exactement votre rôle ?
J'explique la mission de Blimburn Seeds qui, aujourd'hui aux États-Unis, est de fournir une sélection de génétiques adaptées aux besoins des cultivateurs à domicile. Blimburn se concentre vraiment sur la satisfaction des besoins de ces petits cultivateurs. J'explique ce qu'ils essaient d'accomplir ici sur le marché américain. Bien sûr, en Europe, il y a des armées de cultivateurs autoproducteurs. Aux États-Unis, il y en a moins. Parce que, vous savez, les gens qui cultivent, même de très petites quantités de cannabis, ont été envoyées en prison, parfois pendant 5, 10, 15 ans, pour avoir produit, cultivé, leurs propres quantités personnelles de cannabis. Il y a donc eu moins de cultivateurs à domicile aux États-Unis. Je fais ce que font les ambassadeurs. Je participe à des événements. Je parle aux médias. Je sais ce qui se passe ici dans la rue, dans la communauté du cannabis. Je parle aux cultivateurs et aux cultivateurs autoproducteurs. Je parle aux Breeders. J'ai une idée de ce qui se passe. Et ensuite, je fais un rapport à Blimburn.
Olivier F / olivier@softsecrets.nl
<<<< A lire également
Cassandra Purdy : « Chanvre et Compagnie a été comme une graine qui a fait pousser ma vie »
William Texier, pionnier de l’hydroponie et du cannabis en Californie