La culture naturelle coréenne

Soft Secrets
19 Jan 2025

La Sunnabis Farm, dans le comté de Humboldt en Californie, produit tout son cannabis en extérieur sous la lumière naturelle du soleil en utilisant les méthodes de l’agriculture naturelle coréenne (KNF). Bien que largement pratiquées dans les pays asiatiques depuis des centaines d’années, les méthodes KNF commencent également à être utilisées dans les pays occidentaux. Il est à noter que la plupart des pays du monde appellent simplement cette méthodologie “l’agriculture naturelle”.


Par Ed Rosenthal

Au cœur de ce style d’agriculture se trouve la pratique consistant à apprendre à fabriquer tous les nutriments, ou intrants, dont on a besoin pour une récolte réussie. La plupart des ingrédients de ces intrants peuvent même être trouvés dans le jardin. La raison pour laquelle cela est important est triple :  le cultivateur peut contrôler ce qui se passe dans sa la culture et sait exactement d’où vient tout, il n’y a donc pas de pesticides, de poisons ou de mauvaises surprises ; l’impact environnemental est extrêmement faible pour l’approvisionnement et la fabrication de sa propre gamme de nutriments; et  le coût de fabrication annuel en nutriments KNF (Korean Natural Farming) est de quelques centimes par rapport aux engrais traditionnels achetés dans un magasin de jardinage.

La KNF améliore la diversité et la densité fongiques dans les sols. Le cannabis aime un ratio fongique/bactérien de +30:1, et avec l’agriculture naturelle, c’est réalisable. Un sol vivant bien équilibré produit des cultures de très haute qualité, car les plantes ayant des relations racinaires symbiotiques sont capables de prospérer dans des environnements avec une plus grande densité nutritionnelle, et ainsi d’exprimer toute la gamme des substances biochimiques que le cultivar est capable d’exprimer. Cette expression complète des substances biochimiques offre la meilleure expérience possible au consommateur, par opposition à une expression réduite à une ou deux substances biochimiques en pourcentage élevé.

La KNF utilise la micronisation obtenue par fermentation pour fournir une gamme complète de nutriments végétaux hautement disponibles. La méthode est, en partie, une combinaison de théorie enzymatique du Japon, d’agriculture traditionnelle utilisée depuis longtemps et de méthodes développées par Maître Cho Han-Kyu au cours des 60 dernières années.

L’une des plus grandes forces de la KNF réside dans la culture et l’application de micro organismes indigènes pour conditionner le sol et ajouter de la diversité microbienne locale.

Un sol riche en micro-organismes indigènes permet aux plantes de résister aux maladies. En même temps, le cycle des nutriments qui se produit dans ces systèmes permet aux plantes d’accéder aux nutriments par le biais d’échanges symbiotiques dans la zone racinaire. L’un des premiers enseignements de Maître Cho est que “l’agriculteur doit d’abord se cultiver lui même”. Cela signifie que si les agriculteurs ne prennent pas soin d’eux-mêmes, la ferme finira par souffrir; elle ne sera pas durable. Une autre philosophie fondamentale de Maître Cho est la suivante: “Un agriculteur doit aimer ses cultures et son bétail comme un parent. C’est le cœur d’un véritable agriculteur.” Cela est lié à la psychologie des animaux et a un lien direct avec le rendement/la rentabilité et la santé d’une ferme d’élevage, avec certaines implications pour les plantes, c’est-à-dire qu’un poulet heureux produit plus avec les mêmes intrants qu’un poulet malheureux. *

Une troisième philosophie fondamentale de Maître Cho est le concept d’application / fertilisation des nutriments et les trois droits de l’agriculture naturelle: le bon nutriment, le bon moment, la bonne dose. Grâce à la grande disponibilité des nutriments faits maison, les agriculteurs sont en mesure d’augmenter leurs rendements tout en utilisant des quantités totales bien inférieures à celles des autres systèmes agricoles.

Le KNF repose sur cinq principes fondamentaux

Suivez les lois de la nature. Ce dont vous avez besoin, c’est ce qui vous entoure. Profitez du processus. Commencez avec un esprit vide. Un agriculteur doit favoriser une relation saine entre tous les êtres. Les praticiens conviennent que l’apprentissage auprès d’agriculteurs naturels expérimentés est le moyen le plus efficace d’acquérir une technique appropriée qui mène au succès ; le système fonctionne, mais il peut y avoir une courbe d’apprentissage, car il s’agit d’un système basé sur les compétences. L’agriculture naturelle dispose d’une suite de pesticides dans une itération appelée JADAM, une ramifucation de l’agriculture naturelle développée par Cho Youngsang. Dans la production à grande échelle, une application efficace de micro-organismes indigènes liquides (IMO) a été développée à Hawaï (où l’agriculture naturelle a débarqué pour la première fois aux  États-Unis) qui réduit les coûts tout en restant très efficace, et cette solution s’est avérée très bénéfique pour créer une plante forte qui peut mieux résister aux attaques des parasites et des agents pathogènes.

Aperçu des intrants de base les micro-organismes indigènes (MOI)

L’agriculture naturelle repose sur des collectes de MOI. Ils sont utilisés pour créer un sol vraiment vivant en inoculant le sol avec divers microbes, y compris des champignons. La microvie est collectée pour se propager. La plupart des cultures préfèrent un sol principalement colonisé par des champignons plutôt que par des bactéries, à l’exception peut être de la famille des brassicacées. Les relations que les plantes construisent avec les micro organismes du sol sont complexes, mais en tant que groupe, ils travaillent ensemble de manière synergique pour répondre aux besoins de tous les organismes. Une vision simplifiée de ce phénomène est que les plantes envoient des signaux aux microbes quand un nutriment spécifique est nécessaire, et les microbes vont le récupérer pour la plante. En échange, la plante nourrit les microbes de sucres et de glucides créés par la photosynthèse. Le cannabis préfère un sol à forte dominance fongique avec des ratios champignons/bactéries supérieurs à 30:1. Pour atteindre cet équilibre, le sol est inoculé avec une diversité de propagules fongiques, ou spores, qui capturent la diversité intacte de la nature et l’introduisent dans les espaces de culture.

Les meilleurs endroits pour collecter des MOI sont les endroits qui ne sont pas perturbés par les interactions humaines. Parfois, nous avons la chance de posséder un tel terrain, mais parfois, il faut faire preuve de créativité et se rendre dans une forêt vierge ou un espace ouvert sauvage. Ces zones sont idéales pour placer une boîte à MOI afin de capturer la diversité qui s’y trouve. Cela doit être fait plus d’une fois par an. Les collectes de MOI idéales comprendront au moins trois habitats différents prélevés pendant sur au moins trois saisons. Cela garantit que les MOI2 à MOI3 sont d’une incroyable diversité de champignons qui sporuleront dans le substrat. Quand ils sont diffusés dans le jardin ou l’espace de culture, toutes ces espèces fongiques se répartissent dans le sol. En raison de la diversité, plusieurs espèces fongiques  prospéreront dans leur nouvel environnement, indépendamment de la chaleur, de l’humidité ou de la lumière. Pour collecter traditionnellement, on remplit une boîte en bois ou un panier aux deux tiers de riz blanc à grains ronds insufisamment cuit, recouvert d’un tissu ou d’un papier et placé dans la zone vierge pendant cinq jours. Ensuite, la boîte est ramassée. Si elle est correctement inoculée, elle sera pleine de corps fongiques blancs et pelucheux. Celui-ci est mélangé à 1:1 en poids avec du sucre brut ou brun pour créer un produit stable à la conservation, appelé MOI2, qui peut être utilisé pour se propager dans les MOI3-MOI5.

Le tas de MOI3 idéal est constitué de quelques petits échantillons de MOI2 et d’un équilibre de carbone et de glucides tels que du riz entier ou moulu, du blé, de l’avoine ou de l’orge et des copeaux de bois dur. Les champignons sporulent et inoculent l’ensemble du tas s’il est maintenu à une température inférieure à 50 °C et donc régulièrement retourné, un peu comme un tas de compost. Le MOI4 pousse le processus un peu plus loin en utilisant le MOI3 et la terre du jardin, et le MOI5 l’amène à l’étape finale en incorporant une source d’azote élevée, comme du fumier animal.

Jus de plantes fermentées (JPF)

 

Le JPF est utilisé tout au long du cycle de vie des plantes. C’est l’un des éléments de base des intrants agricoles naturels. Il est fabriqué à partir des jeunes pousses fraîches de différentes plantes. Bien qu’il puisse être fabriqué à partir de presque n’importe quelle matière végétale non toxique, les JPF regorgent d’hormones de croissance, de nutriments et de vie microbienne, qui se trouvent principalement dans les pousses fraîches des plantes avant que la lumière du soleil ne les frappe. La vie microbienne présente à la surface des feuilles de la plante décompose ensuite et fermente les nutriments, les rendant biodisponibles.

Le JPF est généralement utilisé dans un rapport de 1:500 et il est stable à la conservation jusqu’à six mois quand il est correctement stocké. C’est l’un des intrants qui doivent être préparés frais, stockés avec un couvercle respirant pour protéger la vie microbienne et utilisés dans la ferme où ils ont été fabriqués. Le jus de plantes fermentées ne doit jamais être utilisé seul, mais toujours en association avec du vinaigre de riz brun et des nutriments à base de plantes orientales (NPO). Toutes les recettes de la KNF commencent avec ces trois intrants comme base.

Nutriment à base de plantes orientales (NPO)

Le NPO est une teinture composée de cinq plantes: l’angélique, la cannelle, la réglisse, le gingembre et l’ail. Le NPO est l’un des éléments de base de l’agriculture naturelle et est utilisé dans toutes les recettes. Le mélange est basé sur la mé- decine chinoise. Les cinq plantes ont été choisies en raison de leurs propriétés réchauffantes ainsi que de leur synergie. Si l’une des plantes n’est pas disponible, elle peut être omise, mais l’ajout de toute autre plante crée une teinture qui n’est pas considérée comme du NPO.

Cet apport renforce l’immunité et possède des propriétés antipathogènes qui soutiennent et renforcent la santé du sol, des plantes et des animaux. Il est généralement utilisé dans un rapport de 1:1000. Cependant, plus la teinture est ancienne, plus elle peut être diluée tout en conservant son efficacité.

Acide aminé de poisson (AAP)

L’AAP est la solution agricole naturelle qui fournit l’azote dont les plantes ont besoin pendant la croissance végétative. Il est fabriqué à partir de déchets de poisson, notamment des têtes, des nageoires, des intestins et d’autres déchets. Il s’agit d’un engrais de poisson de haute qualité qui est utilisé dans un rapport de 1:1000 à 1:500. L’AAP prend du temps à créer. Les déchets de poisson sont mélangés avec un poids égal de sucre brun et idéalement un peu de NPO et une pincée d’MOI4. Après avoir bien mélangé, on le laisse fermenter pendant six mois à un an.

Le cannabis étant un gros consommateur, l’AAP peut être utilisée à des ratios plus élevés, mais il faut d’abord le tester pour sa phytotoxicité en utilisant une autre plante ou en pulvérisation foliaire sur une seule branche.

Potassium soluble dans l’eau (PSE)

Le PSE est préparé en carbonisant des plantes qui sont des accumulateurs de potassium. Les tournesols en sont un excellent exemple. Traditionnellement, il est fabriqué à partir de tiges de tabac, mais toutes les plantes qui produisent un bon biochar et sont riches en potassium fonctionneront bien.

Cet apport est très simple à réaliser: le biochar issu de la matière végétale est ajouté à l’eau dans un rapport de 1:10 et laissé reposer pendant quelques semaines avant d’être filtré et dilué dans un rapport d’environ 1:1000 avant utilisation. Comme pour tous les autres apports, il ne doit pas être utilisé seul mais en conjonction avec le JPF, le NPO et le BRV.

Calcium soluble dans l’eau (CSE)

Le CSE est une solution à base de coquilles d’œufs carbonisées et de vinaigre. La carbonisation des coquilles d’œufs décompose efficacement le calcium et, ajoutées à un acide tel que le vinaigre, la solution obtenue est une forme de calcium facilement absorbée. Cet apport est généralement utilisé pendant la floraison, mais peut être ajouté chaque fois que  les plantes ont besoin d’un apport de calcium. Il est généralement utilisé dans un rapport de 1:1000 en conjonction avec le JPF, le BRV et le NPO.

Phosphate de calcium soluble dans l’eau (PCSE)

Le PCSE est créé à partir d’os carbonisés et de vinaigre. Tout comme le CSE, le PCSE utilise du vinaigre acide pour décomposer les os en phosphate de calcium biodisponible. Une fois que les gros os d’animaux ont été carbonisés en charbon de bois entièrement noirci, ils sont  ajoutés dans un rapport de 1:10 au vinaigre et laissés à tremper pendant une semaine à 10 jours. Le phosphate de calcium est dissous par le vinaigre. Cette solution est utilisée en pulvérisation foliaire dans un rapport de 1:1000. La pulvérisation doit également inclure du JPF et du NPO. Il est principalement appliqué pendant la période de transition, une semaine avant les changements de cycle de lumière et une semaine après.

Jus de fruits fermentés (JFF)

Le JFF est l’un des intrants les moins utilisés par les cultivateurs de cannabis. Il se compose d’un à trois types de fruits mûrs fraîchement sortis de la ferme, mélangés à un poids égal de sucre brun et laissés à fermenter dans un endroit sombre pendant 7 à 10 jours. Le ferment conserve des niveaux élevés d’enzymes et est utilisé pour améliorer la maturation des fruits. Étant donné que le cannabis est de la sinsemilla, ou sans graines, il n’est pas encore certain que le JFF améliore réellement le profl cannabinoïde ou terpénique du cannabis.

Eau de mer

L’eau de mer est un élément important de l’agriculture naturelle. C’est la source de micronutriments et de minéraux. Elle peut être collectée dans l’océan et stockée dans un réservoir. Elle peut être ajoutée aux autres intrants dans un rapport de 1:30 et incluse dans une ou toutes les applications foliaires ou de trempage du sol. Si l’on ne vit pas près de l’océan, on peut utiliser du sel de mer. Le sel de mer est ajouté à la solution finale à raison de 1 g/L.

Bactéries d’acide lactique (BAL)

Cet intrant a des qualités probiotiques et est utile pour créer des voies intestinales humaines et animales saines. Il est également bénéfique quand il est ajouté au sol ou aux feuilles. Il est préparé en récupérant les BAL naturellement présentes dans l’eau qui a été utilisée pour rincer le riz. L’eau de lavage du riz est laissée dans un récipient recouvert de papier ou de tissu pour recueillir les BAL initiaux, puis ajouté au lait, qui fournit une source de nourriture aux bactéries.

Après 3 à 5 jours, la solution laiteuse se sépare en caillé et en sérum de BAL. Les solides sont séparés. Ils peuvent être consommés ou donnés aux animaux. Le sérum est utilisé en conjonction avec les autres suppléments dans un rapport de 1:1000.

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