Doit-on parler de fleurs ou de fruits de cannabis ?

Olivier F
31 Jul 2021

Kenzi Riboulet-Zemouli est un chercheur indépendant franco-algérien installé à Barcelone. Militant pour la légalisation du cannabis, il est l’un des fondateurs de l’association Chanvre et Libertés, qui a ensuite pris le nom de NORML France, et de FAAT. Il est l’auteur de nombreux articles et publications scientifiques sur le cannabis, les cannabis clubs et la politique des drogues à l’ONU où il occupe le poste d’observateur officiel pour le compte de plusieurs ONG. Ses derniers travaux concernent la botanique et la terminologie du cannabis.


Par Olivier F  

Entretien avec Kenzi Riboulet-Zemouli

SSFR : Quelles ont été tes études et pourquoi t’être intéressé au cannabis ?

Kenzi Riboulet-Zemouli : Mes études n’ont rien à voir avec le cannabis et je n’ai aucune formation juridique. J’ai fait des études dans le domaine du cinéma argentique. Je m’intéressais en particulier au film et à la pellicule et l’arrivée du numérique a tout changé.

Je me suis intéressé au cannabis car j’ai remarqué que dans ce domaine, les gens avaient du mal à communiquer entre eux. Mon but est de faire le lien entre ces différents mondes. Chacun a son propre langage, d’où mes derniers travaux sur la terminologie.

Ta dernière publication scientifique s’intitule : « ‘Cannabis’ ontologies I: Conceptual issues with Cannabis and cannabinoids terminology » Peux-tu expliquer à nos lecteurs ce qu’est l’ontologie ?

D’un point de vue philosophique, c’est la définition de l’existence. C’est la base de la philosophie : définir ce qui nous entoure avant même de nommer les choses. C’est un terme utilisé dans le domaine de l’informatique d’un point de vue plus pratique.

Dans le domaine du cannabis, il y a des problèmes de terminologie, de langage. Il s’agit d’abord de savoir de quoi on parle, de définir les choses avant de les nommer. C’est un travail nécessaire si on veut faire les choses bien d’un point de vue scientifique et rationnel. Au départ, le titre devait être : « Nomenclature et terminologie du cannabis » mais il a finalement évolué avec ce concept d’ontologie. Si on a des problèmes avec le langage dans le cannabis, c’est aussi parce qu’on a jamais vraiment réfléchi à ce qu’était le cannabis. Ou alors, on a utilisé des mots qui existaient déjà et qui ont biaisé notre réflexion.

La publication concerne l’ontologie du cannabis et la terminologie des cannabinoïdes. Je prépare déjà une deuxième partie pour approfondir le sujet en collaboration avec un autre français, Konilo Zio. J’espère qu’elle sera publié avant la fin de l’année

Quel et la différence entre l’ontologie et la terminologie ?

L’ontologie, c’est définir les concepts. Par exemple : qu’est ce que la résine ? Qu’est ce que le haschisch ? Qu’est ce que que les extraits ? etc. Est-ce que c’est différent ? Est-ce que c’est la même chose ? Dans un deuxième temps, la terminologie permet de nommer le choses avec des termes précis. Pour désigner une même chose, on utilise des  termes différents si on est par exemple un rasta ou un médecin ou si on habite ou Paraguay ou au Canada…
 
Dans cette publication scientifique, tu as ouvert un nouveau débat : doit-on parler de fleurs ou de fruits pour les têtes de beuh? Jusqu’à présent, on parlait de la graine comme le fruit. Le calice qui l’entoure était donc considéré comme une fleur et la tête comme une grappe de fleurs.

Dans les sciences botaniques, le fruit désigne toujours la graine et ce qui l’entoure. Un fruit, par exemple une orange, comprend toujours des graines ou des pépins Dans le cas du cannabis, le calice qui entoure la graine est très fin. Il y a d’autres plantes dans le même cas, par exemple le maïs. Chaque grain de maïs est entouré par un calice très fin, comme une feuille de papier quasiment impossible à séparer de la graine. Les pistils frais du cannabis sont considérés comme des fleurs.

Lorsqu’on évite la pollinisation, comme c’est le cas pour le cannabis avec la sinsemilla, les fruits sont alors appelés fruits parthénocarpiques. C’est le cas de nombreux fruits tropicaux comme la banane.

Cette théorie devra être confirmée par des scientifiques ou des botanistes mais je pense qu’il y 95 % de chance qu’il s’agisse de fruits et non de fleurs.

Cette publication représente un énorme travail. La liste des ouvrages et documents consultés est impressionnante. Combien de temps cela t’a pris ?

J’ai commencé il y a trois ans. Pour finaliser la publication, j’ai du travailler intensément à plein temps pendant trois semaines.

Les publications scientifiques rapportent-elles de l’argent ?

Non, elles n’en rapportent pas. Pour finaliser ma dernière publication, j’ai eu la chance d’être financé par la fondation Canna. J’écris aussi des articles pour la presse, notamment pour la version espagnole de votre journal. Le site Patreon me permet également de financer mes recherches avec un système de crowd funding.

Retrouvez les publications de Kenzi Riboulet-Zemouli sur son site officiel : https://kenzi.zemou.li/

 

Le chercheur indépendant Kenzi Riboulet-Zemouli.
Le chercheur indépendant Kenzi Riboulet-Zemouli.
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