Voyage dans la forteresse du cannabis
C’est à la suite d’un voyage à haut risque en Afghanistan que Lucas Strazzeri a publié son livre : Afghanistan, forteresse du cannabis. En 2018, ce photographe a décidé de partir en Afghanistan à la recherche du haschisch et des plantations de cannabis.
Par Olivier F
Le cannabis, présent sur terre depuis plusieurs millions d’années, est originaire d’Asie et selon une étude publiée en 2019 dans le journal Vegetation History and Archaeobotany, plus précisément du plateau tibétain. La plante s’est répandue en Asie grâce aux précurseurs de la route de la soie. « Vers 130 avant JC, la province de Balkh devient un carrefour majeur de caravanes remplies d’animaux, d’artisanats, de pierres, de métaux, de fruits, de légumes ou de cannabis. »
L’Afghanistan est surtout connu pour sa production d’opium mais la culture, la transformation et la consommation de cannabis sont des traditions très anciennes. L’Afghanistan est considéré comme le berceau du cannabis. Les afghans ont été les premiers à utiliser les tamis pour extraire le haschisch.
Les variétés landraces afghanes sont à l’origine de variétés de cannabis modernes. Mais il est actuellement très difficile de se rendre en Afghanistan dans le but d’obtenir du cannabis ou des graines. Le pays est le théâtre de conflits armés ininterrompus depuis 1979. C’est pour cette raison qu’on appelle l’Afghanistan, la forteresse du cannabis.
Pour son reportage, Lucas Strazzeri a choisi de se rendre à Mazâr-e Charîf, au cœur de la région ou se trouvent les plantations de cannabis. Située au nord de l’Afghanistan, Mazâr-e Charîf est la capitale de la province de Balkh. Avec 693.000 habitants, c’est la quatrième plus grande ville d'Afghanistan. « La ville de Mazâr-e Charîf a toujours suscité mon intérêt pour son emplacement stratégique reliant le sous-continent indien à l’Asie Centrale. »
Le reporter-photographe voulait éviter de passer par la capitale Kaboul, pour des raisons de sécurité. Il a donc décidé de passer par l’Ouzbékistan, un pays situé au nord de l’Afghanistan avec une frontière proche de Mazâr-e Charîf. « A l’été 2018, alors que la situation en Afghanistan se détériore, l’Ouzbékistan facilite son processus d’obtention de visa qui peut désormais de faire en ligne. » En 2020, le gouvernement français déconseille de se rendre en Ouzbékistan en raison de risques importants d’attentats.
Durant son séjour, Lucas Strazzeri a pu photographier plusieurs plantations de cannabis et assister à la fabrication traditionnelle du haschisch. Le livre contient de très belles photographies et des textes bien documentés sur l’histoire du cannabis en Afghanistan.
SSFR : Dans quels pays as-tu déjà voyagé ?
Lucas Strazzeri : Je suis parti en Inde à l’age de 20 ans avec un aller simple en avion. Je suis resté 4 mois en Inde, 3 mois au Pakistan, un mois en Iran et je suis rentré par la route en passant par la Turquie, la Grèce et l’Italie. Je suis rapidement reparti en Inde et j’ai également visité le Népal et le Liban, notamment la plaine de la Bekaa, qui sont aussi des pays on l’on fabrique traditionnellement le haschisch. Je suis également allé au Maroc en 2015 ou j’ai pu me rendre dans la région du Rif pour trouver du haschisch.
Comment as-tu pu rentrer en contact avec les cultivateurs de cannabis afghans ?
Avant de partir je suis rentré en contact avec un afghan qui est dans le business des graines et qui poste de belles photos et vidéos sur Instagram. Il vit à Mazâr-e Charîf, et c’est entre autres grâce à lui que j’ai pu photographier les plantes, le tamisage et la consommation du haschisch. Je ne pouvais pas sortir tout seul. Il fallait que je sois accompagné et que je trouve un taxi avec son chauffeur. Il y a plusieurs endroits ou j’aurais voulu me rendre mais on me l’a fortement déconseillé. Selon certaines sources, il y avait des talibans à seulement 15 kilomètres de la ville !
Tu as pu photographier des plantes qui poussent sur le trottoir en pleine ville…
Oui, je pense que ce sont des gens qui ont planté des graines et qui s’en occupent. A Islamabad au Pakistan, j’ai aussi vu énormément de plantes qui poussaient sauvagement dans la ville, dans les parcs, sur les rond-points. Mais ce sont plutôt des plants de chanvre sauvage qui ne font pas beaucoup d’effet.
Combien coute un gramme de haschisch ?
Environ un euro le gramme pour la meilleure qualité.
On considère que les afghans ont été les précurseurs dans l’extraction d’huile de cannabis…
Je n’ai pas du tout vu d’huile en Afghanistan. Tout le monde fume du haschisch et l’herbe elle-même que j’ai pu tester n’est pas très bonne à fumer. Pour l’huile, il me semble que ce sont les membres de Brotherhood of eternal love, une organisation de dealers californiens, qui ont amené le processus en Afghanistan. Dans les années 70, les afghans préparaient de l’huile spécialement pour eux mais ce ne sont pas traditionnellement des consommateurs d’huile de cannabis.
« Afghanistan, forteresse du cannabis » est disponible en français et en anglais. A commander directement sur la page : https://www.instagram.com/lucaswiseup/ »