Sébastien Bouzats, cultivateur et consultant cannabique au Québec
Né en France de parents canadiens, Sébastien Bouzats s’est installé au Québec où il travaille dans l’industrie du cannabis. Fondateur de CannHash.Inc, il travaille également pour un producteur québecois en tant que manager de production spécialiste en extraction avec et sans solvant. Sébastien a également créé sa chaine YouTube francophone CannaBistrot TV, sur la culture du cannabis et les extractions.
Par Olivier F / olivier@softsecrets.nl
SSFR : Quelles ont-été tes études et dans quels domaines as-tu travaillé en dehors du cannabis ?
Sébastien Bouzats : J’ai un BEP de construction automobile option bateau et j’’ai travaillé dans la mécanique marine. Mais suite à la crise de 2008, j’ai du me reconvertir en tant que poissonnier avant de travailler dans le cannabis. J’ai toujours voulu travailler dans l’industrie du cannabis même si on me prenait pour un fou quand j’évoquais cette possibilité. Dans tous mes jobs, je cherchais à acquérir des compétences qui pourraient me servir pour le cannabis. Travailler dans la poissonnerie m’a permis d’acquérir la rigueur et des compétences dans le domaine de l’hygiène et la sécurité alimentaires. Ce sont des compétences qui m’ont ensuite été utiles dans le domaine du cannabis artisanal.
Tu cultivais déjà quand tu vivais en France ?
J’ai cultivé en France pendant plusieurs années et j’en avais marre d’être paranoïaque à cause de la législation. Quand on cultive en France, on a toujours peur de se faire dénoncer, par exemple par un voisin, à cause de l’odeur. Quand j’étais en France, je m’intéressais déjà à la culture légale du chanvre. La France est le plus gros producteur de chanvre en Europe. J’habitais dans les environs de Bordeaux et d’Arcachon et à une quarantaine de kilomètres de chez moi, dans les Landes, il y avait une grosse plantation de chanvre que je suis allé visiter.
Depuis quand es-tu installé au Canada ?
Je me suis installé il y a sept ans. C’est justement le magazine Soft Secrets qui m’a donne l’idée de venir m’installer au Canada. Il y a une dizaine d’années, j’ai lu un article dans votre journal qui parlait du cannabis médical au Canada. Pour la première fois, je me suis dit, qu’étant de nationalité canadienne, j’avais peut-être la possibilité de travailler pour l’industrie du cannabis plus facilement qu’en France. Je cultivais déjà quand j’étais en France et j’aimais beaucoup le journal Soft Secrets. C’est le shop en ligne Alchimia qui m’a fait découvrir le magazine, qu’il m’avait envoyé avec une commande de graines. Quand je commandais des graines, je demandais toujours à recevoir le magazine avec.
Quand tu t’es installé au Canada, le cannabis récréatif n’était donc pas encore légalisé ?
Non, seul le cannabis médical était autorisé mais il n’était pas possible d’en acheter dans les pharmacies. Et c’est toujours le cas aujourd’hui, le cannabis n’étant pas officiellement reconnu comme un médicament. En arrivant, je voulais travailler dans le domaine du cannabis mais je me sui aperçu que c’était très fermé. Il n y avait que deux ou trois entreprises de cannabis médical au Québec. Alors, j’ai fait comme tous les québecois : je me suis procuré une licence de production de cannabis médical pour raisons personnelles.
Cette licence permet de cultiver un certain nombre de plantes en fonction de sa prescription médicale. Il est également possible de devenir le grower attitré d’un ou deux patients avec cette licence. Donc, j’ai commencé comme ça en plus de mon travail. J’avais pour objectif d’intégrer l’industrie du cannabis avant mes trente ans. Et la légalisation du cannabis récréatif est arrivée en octobre 2018. Avec la légalisation du récréatif, les portes ont commencé à s’ouvrir et j’ai décidé de quitter mon emploi pour me consacrer à 100 % au cannabis.
Dans quelle entreprise as-tu commencé à travailler en 2018 ?
J’ai commencé par travailler pour un des plus gros producteurs de cannabis, Aurora. J’ai postulé à un poste qu’on appelle « membre de récolte » et au poste de « propagation team member », la personne qui s’occupe de la période végétative. J’ai postulé aux deux postes et ils m’ont pris comme membre de récolte. Tout dépend de la façon de travailler du producteur mais en général, il y a une équipe de 20 à 25 personnes dans une pièce qui s’occupe de récolter les plantes. L’objectif est qu’à la fin de la semaine, toutes les plantes soient « trimmées » et prêtes à être envoyées au séchage.
Quelles sont les autres entreprises pour lesquelles tu as travaillé ?
J’ai ensuite travaillé pour un autre gros producteur que je ne peux pas citer. Je n’étais pas en accord avec leur façon de travailler. Je n’ai pas travaillé chez eux très longtemps. Et maintenant, je travaille pour une entreprise appelée Vortex Cannabis Incorporation. C’est une entreprise québecoise mais qui vend ses produits uniquement à l’extérieur du Québec. Ici, le taux de THC est limitée à 30 %. J’ai commencé chez eux comme consultant. Je m’entends très bien avec le patron et je travaille maintenant en tant que manager de production spécialiste en extraction avec et sans solvant. C’est un entreprise qui produit uniquement du cannabis cultivé en outdoor qui est ensuite transformé en extractions. Il n y qu’une seule récolte par an. Tous les produits sont faits sur place. C’est un peu à à mi-chemin entre un gros producteur et un producteur artisanal.
Tu as donc créé ta propre entreprise de consulting, CannHash.Inc…
L’objectif de cette entreprise est de gagner de l’argent dans le but de financer une entreprise de production. Et cette entreprise devrait servir de centre de formation pour les métiers du cannabis. Actuellement au Québec, nous manquons de main d’œuvre et surtout de main d’œuvre qualifiée et passionnée. Il y a beaucoup de formations anglophones mais un seul centre de formation francophone avec un nombre de place limitée et et des tarifs très élevés. J’aimerais créer cette formation aux différents métiers de l’industrie du cannabis légal : culture, extractions, contrôle qualité, sécurité… etc. On parle beaucoup des master growers mais il y a de nombreux autres métiers dans l’industrie. Les responsables du contrôle qualité par exemple sont des gens très importants dont on entend jamais parler. Je suis pour l’open source et la transmission des connaissance. Vous pouvez découvrir mes tutos sur ma chaine YouTube CannaBistrotTv.
En quoi consiste exactement ton travail de consultant ?
Je vais dans les entreprises, je regarde leur « workflow », comment ils travaillent et je les aide à atteindre leur objectif. Par exemple, on me demande comment travailler pour obtenir certains produits en grande quantité. C’est assez facile de faire du bubble hash en petite quantité mais pour obtenir des kilos, c’est plus compliqué. Je cherche à optimiser le process pour éviter la perte de temps ou de matière et bien sûr, à optimiser la qualité du produit final. Je suis plutôt spécialisé dans le sans solvant mais peu à peu, j’ai eu l’occasion de travailler avec des machines pour faire des extractions avec solvant comme de la wax et du crumble.
Quelles sont les différentes licences pour cultiver du cannabis légalement ?
Il existe trois types de licences. Il y a l’accès au cannabis médical pour des raisons personnelles C’est un bon moyen de mettre un pied dans l’industrie. Ensuite, il y a les micro producteurs et les producteurs licenciés. Les micro producteurs, comme les producteurs licenciés, peuvent vendre du cannabis partout au Canada mais leur locaux de culture ne doivent pas faire plus de 200 M2, plantes mères comprises. Et ils ne peuvent pas produire plus de 600 kilos de fleurs séchées chaque année. Les producteurs licenciés, n’ont eux aucune limite.
Combien coute une licence d’ accès au cannabis médical pour des raisons personnelles ?
Elles coûtent de moins en moins cher. Tout dépend de la prescription du grower et du ou des deux patients pris en charge. Dans mon cas, la prescription est de 35 grammes par jour ce qui fait que je peux cultiver jusqu’à 110 plantes an indoor. La licence me coute 450 dollars canadiens par an mais avant la légalisation du récréatif, elle coutait 3000 dollars par an.
Combien coute un gramme de cannabis au Québec ?
Pour la weed, les prix peuvent descendre jusqu’à 4,20 dollars canadiens (2,93 €) par gramme ou 80 dollars (55,86 €) pour une once (28 grammes). Le prix du hasch est d’environ 20 dollars le gramme. Les extractions, dans les provinces qui les autorisent, sont vendues environ 50 dollars le gramme.
Quelle est, selon toi, la province ou l’on cultive la meilleure herbe ?
Les québecois ne vont pas être contents mais je pense que c’est la Colombie Britannique. Leur weed est très réputée car ils ont été les précurseurs. La Colombie Britannique est proche de la Californie et c’est un peu le même état d’esprit. Ils ont un climat plus chaud qu’au Québec ce qui leur permet de cultiver des variétés plus tardives en outdoor. Mais au Québec, j’ai été surpris par la qualité.Il y a de gens vraiment passionnés dans l’industrie du cannabis.
Quelles sont les variétés les plus populaires au Québec ?
Il y a la Jean guy, la M39, la Quebec Gold, la Freezeland, la Gorilla, la Do Si Sos, la Wedding Cake, la Gelato, la MK Ultra…
Tu es né en France de parents canadiens, ce qui a du faciliter ton installation, mais quelles sont les possibilités pour un français de venir travailler dans l’industrie du cannabis au Canada ?
En fait, c’est assez facile. Il suffit d’avoir un permis de travail. C’est plus facile qu’aux Etats-Unis où les cannabis reste interdit au niveau fédéral. Concrètement, j’ai un ami qui est venu de France récemment et j’ai pu lui trouver un travail dans le secteur du cannabis. Il est venu avec un visa PVT (permis de vacances et travail). Il a rempli un dossier pour obtenir ce permis. Ce sont juste quelques questions sur ses compétences et sur son niveau d’anglais. Une fois que le dossier est accepté, il y a tout de même un tirage au sort. Donc, mon ami été assez chanceux mais ça vaut le coup de tenter car il y a actuellement un grosse demande. Mon ami ne travaille pas directement avec les plantes mais il s’occupe des emballages. Ce sont les emballages et les analyses, obligatoires pour tous les producteurs, qui rapportent le plus d’argent dans l’industrie du cannabis.