Les fleurs de chanvre bientôt interdites pour des raisons de sécurité ?

Olivier F
29 Jul 2021

Le gouvernement français vient de soumettre à l’Union européenne son projet de nouvel arrêté sur le chanvre visant à remplacer l’arrêté du 22 aout 1990. Le gouvernement dit vouloir se conformer à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui avait condamné la France dans l’affaire Kannavape en novembre dernier. La cour a considéré que l’interdiction du CBD était illégale et que la réglementation française n’était pas conforme au droit de l’Union.


Le droit européen précise qu’un pays pourrait interdire la vente de CBD uniquement si il démontrait la nocivité du produit sur la santé. Le gouvernement français n’a pas pu démontrer la dangerosité des produits à base de chanvre / CBD.

Le gouvernement invoque donc des raisons de sécurité pour justifier l’interdiction du chanvre sous forme de fleurs. Il serait impossible de distinguer à l’œil nu une fleur de chanvre CBD d’une fleur de cannabis THC ce qui empêcherait les forces de l’ordre de lutter contre le trafic. Les gendarmes ne disposent d’aucun moyen pour distinguer le cannabis légal du cannabis illégal. Le gouvernement préfère donc priver les citoyens des bienfaits des fleurs de chanvre pour pouvoir continuer d’appliquer la prohibition la plus stricte.

L’objectif de ce nouvel arrêté, préparé par la MILDECA (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les conduites addictives), est d’encadrer l’ensemble de la filière du chanvre : « Ce projet d'arrêté a pour objet d'encadrer la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale en France de toutes les parties de la plante de chanvre. » La Cour de justice européenne avait précisé dans son jugement que la France ne pouvait pas interdire la libre circulation des produits dans l’Union européenne : «  Le projet d’arrêté prévoit que l’autorisation de culture, d’importation, d’exportation et d’utilisation industrielle et commerciale du chanvre est étendue, sous certaines conditions, à toutes les parties de la plante de chanvre. »

Le gouvernement français a pour seul motif des impératifs d’ordre public. « En revanche, la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, notamment comme produits à fumer, tisanes ou pots-pourris, leur détention par les consommateurs et leur consommation sont interdites. Une telle restriction est justifiée à titre principal par des motifs d’ordre public. »

En Suisse, les forces de l'ordre disposent de kits de test faciles d'utilisation qui leur permettent de distinguer immédiatement le cannabis légal du cannabis illégal avec le taux de THC. Pour le moment, la France ne dispose pas de ces tests ni d'autres moyens de connaître rapidement le type de cannabis saisi lors d'une interpellation.

Le projet mentionne le jugement de la Cour de justice de l’Union européenne du 19 novembre 2020 : « La Cour, saisie d'une question préjudicielle d'une juridiction française, a considéré que les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises étaient applicables au produit à base de CBD et en a déduit qu’une mesure nationale interdisant la commercialisation du CBD issu de la plante entière, telle que l'arrêté du 22 aout 1990, constituait une entrave à la libre circulation. Elle a cependant précisé qu’une telle mesure pouvait être justifiée par un objectif des protection de la santé publique, sous réserve qu’elle soit nécessaire et proportionnée (CJUE, 19 novembre 2019, Kanavape, C-663/18). »

« L’objectif de cet arrêté est à la fois de permettre le développement de nouvelles filières en France, de protéger les consommateurs et de maintenir la capacité des forces de sécurité intérieure de lutter contre les trafics de stupéfiants. » précisent les auteurs du projet.

Le nouvel arrêté viendrait également contredire les récentes décisions de la cour de cassation.

Dans un communiqué de presse, le Syndicat professionnel du chanvre a fait part de son mécontentement : « En écartant la fleur de chanvre brute des produits commercialisables  en France, le gouvernement prive les opérateurs français de la part la plus importante des revenus générés par la filière  CBD et abandonne des recettes fiscales énormes dont la France pourrait profiter dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique ! De nombreux recours contre ce nouvel arrêté sont déjà en préparation. Le gouvernement a en effet choisi de ne pas respecter l’arrêt Kanavape qui rappelait à la France qu’une restriction de vente d’un produit au sein de l’UE ne peut se fonder que sur un objectif de santé ou de sécurité publique dûment  justifié et par  l’utilisation  de  moyens  proportionnés. »

Le projet d’arrêté reste ouvert aux contributions des autre états membres jusqu’au 21 octobre 2021.

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Olivier F