L’autre plante du mois : le Gui

Soft Secrets
20 Mar 2025

Le Gui, Viscum album, suspendu dans l’imaginaire collectif entre tradition romantique et botanique étrange, représente bien plus qu’un simple ornement de fête. Cette plante est une hémiparasite : capable de photosynthèse, elle dépend néanmoins d’un hôte pour puiser eau et nutriments. Ses ressources, le Gui les capte via une structure spécialisée appelée haustorium, ancré directement dans le système vasculaire du végétal porteur


Par Hortizan

Depuis les rituels druidiques jusqu’au baiser sous le Gui, cette plante a marqué mythologies et traditions. Chez les Celtes, elle représentait la fertilité et le renouveau, tandis que dans la mythologie nordique, elle fut associée à la mort tragique de Baldr. Les Romains, pour leur part, la considéraient comme un symbole de paix et de protection. Aujourd’hui, sa coutume la plus emblématique reste celle du baiser sous le Gui, popularisée en Angleterre au XVIIIe siècle, un rituel empreint de romantisme et de superstition.

Il existe une grande diversité d’espèces de Gui à travers le monde. En Europe, le Viscum album, avec ses feuilles ovales et ses baies blanches translucides, est le plus répandu. On y retrouve également le Viscum cruciatum, présent en Espagne et dans les régions méditerranéennes, qui se distingue par ses baies rouges éclatantes et ses feuilles disposées en croix. En Amérique du Nord, le Phoradendron leucarpum, appartenant également à la famille Viscaceae, se distingue par ses feuilles plus larges et ses baies regroupées en grappes plus grandes. Dans les régions tropicales, des espèces exotiques comme celles de la famille cousine des Loranthaceae prolifèrent, notamment en Australie, où elles présentent une grande variété de formes et de couleurs.

Le cycle de vie du Gui commence avec la dispersion de ses semences, largement facilitée par les oiseaux. Ces derniers consomment ses baies collantes, puis déposent les graines sur les branches d’arbres en les excrétant ou en les essuyant de leur bec. La viscine, une substance adhésive entourant les graines, joue un rôle crucial en les fixant fermement à l’hôte. Une fois en place, la graine germe et développe son haustorium. Le Gui sécrète alors des enzymes pour dégrader l’écorce, exerce une pression mécanique pour la traverser, puis se connecte aux tissus vasculaires de l’arbre (xylème et phloème) pour y puiser eau et nutriments. D’abord autonome grâce à la photosynthèse, le Gui devient progressivement dépendant de son hôte, parfois jusqu’à l’affaiblir gravement, réduisant sa croissance et, en cas d’infestation sévère, provoquant sa mort.

 L’autre plante du mois : le Gui
Les oiseaux tel que ce Merle Noir participent grandement à la dissémination des graines de Gui (photo par Adege)

Le Gui agit comme une "espèce clé de voûte", c’est-à-dire une espèce jouant un rôle crucial dans le maintien de la structure et de la santé de son environnement. Ses branches forment souvent des structures denses, qui servent de refuge ou de sites de nidification, notamment dans les forêts tempérées. En fournissant des baies nourrissantes en hiver, il soutient de nombreuses espèces d’oiseaux, de mammifères et d’insectes. Les oiseaux comme la Grive draine (Turdus viscivorus) ou le Merle noir (Turdus merula, cf.pic1) en Europe et le Coucou à bec jaune (Coccyzus americanus) en Amérique du Nord, dépendent et jouent un rôle central dans la reproduction du Gui. Mais paradoxalement, cette interaction limite souvent la domination excessive de certaines espèces d’arbres. Certains oiseaux frugivores, attirés par ses baies, visitent également d'autres plantes, et participent aussi à la dispersion de leurs graines. En équilibrant les populations végétales et en encourageant les interactions écologiques, il favorise la biodiversité de son écosystème.

Le Gui est à la fois plante toxique et source de remèdes. Ses baies et feuilles contiennent de la tyramine et de la viscotoxine dont les effets, similaires à la phoratoxine (chez le Phoradendron), provoquent troubles digestifs, cardiaques, voire neurologiques. La toxicité varie selon les espèces : Viscum album (Europe) est plus toxique que Phoradendron leucarpum (Amérique). Pourtant, cette plante a été employée en médecine traditionnelle pour traiter l’hypertension, l’arthrite ou les fractures en Asie du Sud. Aujourd’hui, des extraits de Gui sont étudiés pour leurs propriétés anticancéreuses, notamment leur capacité à stimuler le système immunitaire, induire l’apoptose (mort programmée) des cellules tumorales, et améliorer la qualité de vie des patients en complément des traitements classiques.

Le Gui représente bien plus qu’une simple décoration de Noël : il illustre une dynamique captivante entre parasitisme et contribution écologique. Cette plante, parfois nuisible pour ses supports, est également un acteur clé de la biodiversité, fournissant ressources et abris à de nombreuses espèces. À la fois parasite et médicament, il illustre bien la complexité des interactions écologiques de notre Planète.

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