L’autre plante du mois : lichens, un lien entre deux règnes
L'origine et l'évolution des lichens est un parfait exemple d’évolution coopérative. Les lichens sont le résultat d'une symbiose entre un champignon accompagnant une algue ou une cyanobactérie. Dans cette association symbiotique, la cyanobactérie (ou l'algue) est qualifiée de photobionte, ce qui signifie qu'elle peut effectuer la photosynthèse en partie grâce à la symbiose. Le champignon, quant à lui désigné mycobionte, le protège : il aide à maintenir l'humidité et agit souvent comme une racine, dirigeant les nutriments vers les cellules responsables de la photosynthèse. Ensemble, le photobionte et le mycobionte constituent le lichen, où chacun contribue à la survie et au fonctionnement de l’autre.
Les théories sur leur évolution suggèrent qu'ils ont évolué à partir de relations parasitaires vers des relations symbiotiques bénéfiques. Cette transition aurait permis aux lichens de coloniser des environnements extrêmes où ni les champignons ni les algues ne pourraient survivre seuls. Leur origine est pourtant compliquée à déceler : les fossiles de lichens sont rares et souvent difficiles à identifier avec certitude. Les plus anciens datent du Dévonien, il y a environ 400 millions d'années, c'est-à-dire après l'apparition des premières plantes terrestres. Cette absence de preuves soulève des questions sur les premiers stades de l'évolution des lichens et leur rôle dans les écosystèmes préhistoriques.
Les lichens peuvent être trouvés dans une grande variété d'habitats, allant des rochers et des écorces d'arbres aux sols pauvres et aux surfaces artificielles. Cette capacité d'adaptation leur permet de coloniser des environnements extrêmes, des déserts arides jusqu’aux zones arctiques glaciales. Cela explique leur immense diversité, tant au niveau des genres que des familles. La classification des lichens repose sur divers critères tels que la forme, la couleur et le substrat sur lequel ils croissent. Parmi les principales formes de croissance, on trouve les lichens ctustacé, qui adhèrent étroitement à leur substrat, les lichens foliacés, qui ont une structure feuillue, et les lichens fruticuleux, qui sont souvent ramifiés et dressés.
Parmi les genres notables de lichens, Parmelia est connu pour ses larges thalles (corp du lichen) et sa distribution mondiale. A l’inverse, le Cladonia (cf pic1), souvent reconnu par ses structures en forme de coupe ou de trompette, est fréquent dans les régions boréales et tempérées. Usnea, également connu sous le nom de "barbe de vieillard", est facilement identifiable par ses longues structures pendantes et son aspect buissonnant ressemblant à des cheveux ou des coraux. Ces genres représentent seulement une fraction de la diversité lichénique. Chacun possède ses propres caractéristiques distinctives, offrant ainsi un potentiel unique pour des applications pharmacologiques spécifiques et des études écologiques approfondies.
Les lichens possèdent de nombreuses propriétés médicinales qui ont été exploitées tant dans les pratiques traditionnelles que contemporaines. Utilisés depuis l’antiquité pour traiter divers maux, ils contiennent des composés actifs tels que les acides lichéniques, connus pour leurs effets antibactériens, antifongiques et anti-inflammatoires. Par exemple, l'acide usnique, présent dans le genre Usnea (cf pic2), a montré une efficacité contre plusieurs bactéries pathogènes. On utilise encore aujourd’hui la Cetratria islandica (mousse d’islande) pour de nombreux maux : fatigue générale, anémie, vomissements, troubles gastriques ou encore sueurs nocturnes. Le Buella canescens, quant à lui, dispose de propriétés antibiotiques, il est notamment réputé dans le traitement contre la tuberculose. Certains lichens, disposant de mycosporines anticancéreuses, protègent même contre les mélanomes. Le lichen Parmotrema tsavoense, par exemple, dispose de cinq extraits cytotoxiques, participant à la lutte contre les cancers du sein, du poumon et du foie (A Review of Anti-Cancer and Related Properties of Lichen-Extracts and Metabolites, 2022). Les lichens ont également trouvé leur place dans la cuisine. De nouveau, la Cetraria islandica est largement utilisée dans des soupes, des ragoûts et même des pains. Les recettes traditionnelles incluent plusieurs techniques de préparation afin de rendre les lichens plus digestes.
Outre leurs propriétés médicinales ou culinaires, les lichens ont été historiquement utilisés pour d'autres applications. Par exemple, certains types de lichens étaient autrefois utilisés comme pièges, en raison de leurs composés toxiques lorsque consommés en grande quantité. Certains récits historiques relatent comment les chasseurs utilisaient des morceaux de viande empoisonnés avec des lichens pour contrôler les populations de loups (CRC handbook of lichenology, M.Galun). Enfin, les lichens sont utilisés dans certaines régions comme bioindicateurs afin de surveiller la qualité de l'air et l'état des écosystèmes en raison de leur sensibilité à la pollution.
Leur capacité à absorber et à accumuler des métaux lourds les rend également utiles à des fins de bioremédiation. Bon nombre d’applications restent encore inexplorées pour ces végétaux qui allient hyphes fongiques au règne végétal. Les composés extraits des lichens trouvent des applications dans les industries pharmaceutiques et cosmétiques, démontrant ainsi leur valeur polyvalente et durable. Il est évident que cette relation symbiotique recèle encore de nombreuses applications à découvrir.
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