Les fleurs de chanvre CBD désormais interdites en France
Le gouvernement vient de publier un nouvel arrêté qui interdit la vente et la consommation des fleurs de chanvre. Les boutiques CBD seront désormais dans l’illégalité si elles continuent à en vendre. Nous avons interrogé les agriculteurs creusois Jérémy et Jouany, de la célèbre ferme bio de Pigerolles, pour connaitre leur réaction.
Malgré la jurisprudence Kanavape suite au recadrage de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la MILDECA (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) vient de publier un arrêté très restrictif. La vente des fleurs de chanvre qui représente environ 70 % du chiffre d’affaires des boutiques sera désormais interdite. L’huile et les produits dérivés resteront autorisés. C’est une très mauvaise nouvelle pour le secteur très dynamique du cannabis light. Il y aurait actuellement 7 millions de consommateurs de CBD et 1600 boutiques physiques en France. L'objectif est sécuritaire. Les fleurs CBD ressemblent beaucoup aux fleurs THC et il est donc difficile de les distinguer en cas d’interpellation, les forces de l’ordre ne disposant pas de tests.
Ce nouvel arrêté remplace l'arrêté du 22 août 1990 portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique pour le cannabis. Les professionnels savaient que cet arrêté, qui devait tenir compte des conclusions de la CJUE, était en préparation. Le nouvel arrêté a été étrangement publié pendant la trêve des confiseurs à quelques heures du réveillon, alors que la plupart des acteurs du CBD sont en vacances. On se souvient que la célèbre loi de 1970, qui punit sévèrement la simple consommation de cannabis, avait été votée à l’Assemblée nationale le 31 décembre.
Seul point positif : dans son article 1, le nouvel arrêté autorise la culture de chanvre avec un taux allant jusqu’à 0,3 % de THC au lieu de 0,2 % actuellement : « Sont autorisées la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de Cannabis sativa L., dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol n'est pas supérieure à 0,30 % et qui sont inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France. Les fleurs et les feuilles sont produites à partir de plantes issues de semences certifiées. La vente de plants et la pratique du bouturage sont interdites. »
Ce nouvel arrêté donne clairement l’avantage au lobby du chanvre industriel qui s’oppose au nouveau secteur du CBD et du chanvre bien-être : « Les fleurs et les feuilles des variétés mentionnées au I ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d'extraits de chanvre. Sont notamment interdites la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d'autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation. L'achat de fleurs et de feuilles de chanvre produites sur le territoire français fait l'objet d'un contrat écrit entre producteur et acheteur. Le contrat comporte des informations sur le volume et le prix des produits. Le contrat peut comporter des informations sur la qualité attendue des produits. Le contrat est conclu avant le début de la campagne de production. »
Les boutiques de CBD et les agriculteurs français qui cultivent pour ce marché du chanvre bien-être risquent de se retrouver en grande difficulté. Les magasins vont-ils continuer à vendre des fleurs malgré l’interdiction ? Soft Secrets a interrogé par téléphone les agriculteurs et militants Jeremy et Jouany de la célèbre ferme bio de Pigerolles dans le département de la Creuse.
« Nous nous attendions depuis longtemps à ce nouvel arrêté. Nous considérons qu’il est illégal, suite à la décision de la Cour de justice européenne. Nous rentrons en résistance. Nous avons saisi le Conseil constitutionnel sur ce sujet et nous attendons la décision le 7 janvier prochain. Nous espérons que cette décision pourra faire annuler l’arrêté. » nous expliquent les deux agriculteurs creusois.
Plusieurs associations et syndicats comme l’UPCBD, l'AFPC, le SPC ou NORML France sont actuellement en discussion pour mettre au point une stratégie commune : « Nous allons publier un communiqué commun dans le prochaines heures ou les prochains jours. Nous ne savons pas encore si nous allons recommander aux boutiques de continuer à vendre des fleurs malgré l’interdiction ou leur recommander la prudence. »
Le lobby des gros producteurs et transformateurs de chanvre industriel a finalement eu gain de cause face aux petits producteurs de chanvre artisanal destiné au marché du cannabis light. Jouany et Jeremy de la Ferme bio de Pigerolles pensent que le problème se posera aussi avec le cannabis THC : « L’Allemagne a choisi de légaliser le cannabis THC et la France finira par suivre mais de la même manière, les gros producteurs et transformateurs risquent de s’accaparer le marché au détriment des petits agriculteurs qui privilégient la qualité. »
Une fois de plus, le gouvernement Macron se montre très répressif. Ce nouvel arrêté risque d’impacter l’ensemble du secteur et les nombreuses entreprises qui prennent part directement ou indirectement à ce nouveau marché. L’interdiction pourrait également avoir un impact négatif sur la santé publique. De nombreux consommateurs de fleurs CBD en consomment comme une aide à l’arrêt du tabac ou du cannabis THC. Espérons que les différents recours permettront de revenir en arrière. La légalisation du cannabis THC sera l’un des enjeux des élections présidentielles et la question du cannabis CBD pourrait également le devenir.