L’érosion, source de toute vie sur Terre
Au cœur des mystères de notre planète se cache un processus fondamental, invisible à nos yeux, et cependant essentiel pour la vie telle que nous la connaissons. Il s'agit de la dissolution des roches, une force puissante qui libère les minéraux nécessaires à la survie de tout organisme sur Terre. Depuis la formation majestueuse des montagnes jusqu'à leur érosion lente mais continue, ce processus silencieux joue un rôle crucial pour notre environnement et les fondements de notre système biologique. Afin de comprendre le voyage de ces minéraux, il est essentiel de se familiariser avec les différents processus impliqués dans la formation des sols.
Par Hortizan
Lorsque les particules rocheuses libérées restent sur place, elles subissent une altération qui conduit à la création de nouveaux sols, un phénomène appelé pédogenèse. En revanche, lorsque ces particules sont transportées à distance par des agents tels que l'eau ou le vent, on parle d'érosion. Les minéraux libérés par le processus d'érosion traversent nos paysages, transportés par les cours d'eau qui s'écoulent ensuite dans les rivières et fleuves. Cette dispersion de précieux minéraux établit un lien essentiel entre montagnes riches en minéraux et terres fertiles, contribuant ainsi à alimenter écosystèmes terrestres et aquatiques. Tout au long de ce parcours, ces minéraux sont récupérés par l'ensemble de la chaîne du vivant, assurant une alimentation durable et vitale pour nombreuses formes de vie. Comprendre ce processus invisible mais essentiel est primordial pour mesurer la complexité de notre environnement et les liens profonds entre les éléments qui le composent.
La formation des montagnes est le point de départ de ce voyage
Ce phénomène, qualifié d’orogenèse, s’explique grâce à la tectonique des plaques. Lorsque des fragments de croûte terrestre entrent en collision, se séparent ou glissent latéralement, des forces géologiques majeures entrent en jeu. Les mouvements des plaques continentales génèrent des compressions, des plissements et des soulèvements des couches rocheuses, donnant ainsi naissance à d'imposantes chaînes de montagnes. L'Himalaya, par exemple, est le résultat de la collision entre la plaque indienne et la plaque eurasienne, tandis que les Alpes ont émergé de la convergence entre cette même plaque eurasienne et la plaque africaine. Ces formations rocheuses, sont avec le temps altérées par plusieurs phénomènes, tant chimiques, physiques ou biologiques. Ces altérations créent des particules transportées via le vent, les vagues, les glaciers, la gravité ou même les êtres vivants. Elles seront par la suite acheminées et assimilées, ou bien s'accumulent jusqu’à la création d'un nouveau sédiment.
La principale cause de l'érosion chimique des roches est l'eau. Certains minéraux comme le basalte peuvent s'altérer en absorbant le dioxyde de carbone qui s’y trouve. Cette réaction produit une solution de lessivage, propice à transporter les minéraux sur de longues distances par les rivières et les cours d'eau. Un exemple illustrant bien ce processus est celui des rivières drainant les montagnes (Pic 2). Les minéraux dissous provenant de l'érosion des roches sont ensuite transportés par les torrents vers les plaines et les zones côtières, dont ils enrichissent les sols et contribuent à la fertilité des écosystèmes situés en aval. Cette érosion chimique amène également des minéraux là où ils ne sont pas utilisés, comme dans la formation des grottes calcaires. Composé principalement de carbonate de calcium, le calcaire est en effet soluble dans l'eau acide. Au fil du temps, l'eau dissout lentement ce minéral, créant au passage des cavités souterraines. Les stalactites et les stalagmites sont le témoin de cette érosion chimique, illustrant bien l'infiltration de l'eau depuis la surface (photo 2).
Enfin, les agents biologiques, tels que les plantes et les champignons, jouent un rôle essentiel dans le processus d'érosion des roches. Les racines de certaines plantes sont capables de pénétrer les fissures des minéraux et de contribuer à leur fragmentation. En poussant dans ces fissures, les racines exercent une force mécanique qui peut entraîner la rupture des roches en morceaux plus petits. Ce processus, connu sous le nom de clivage ( résultat de l’action de fendre un minéral en séparant ses couches lamellaires), facilite l'érosion et la décomposition minérale. L’exemple de l’Entandrophragma angolense illustre bien diverses actions résultant dans cette fragmentation. Cet arbre tropical se sert de la force du vent afin d'exercer une pression via ses racines horizontales sur la roche. Cela permet un ameublissement de la terre, pouvant aller jusqu’à fragmenter la roche mère ! (Root system of tropical trees, Jeník J., 1971).
Mais les plantes ne sont pas les seules à savoir briser les roches ! Il a été prouvé que certains champignons ectomycorhiziens disposent d’une capacité à dissoudre le minéral. Leur secret réside dans la production de certains acides organiques. Ils synthétisent de l’acide oxalique, succinique ou citrique, afin de solubiliser ces minéraux et de les rendre assimilables par les végétaux environnants. Ces champignons facilitent ainsi l'accès aux nutriments essentiels tels que le phosphore, le potassium et autres éléments. Grâce à cette capacité unique, ils contribuent à l'enrichissement du sol et à la croissance saine des plantes, tout en favorisant le développement des écosystèmes dans leur ensemble.
Le règne végétal dépend du minéral
Le règne végétal dépend du minéral et notamment pour assurer le métabolisme et la croissance des plantes et des algues. En effet, ces ressources jouent un rôle crucial dans de nombreux processus biologiques botaniques, tels que la formation de structures cellulaires, la régulation des réactions enzymatiques et le transport des nutriments. C’est pourquoi les plantes et les algues ont développé des mécanismes complexes pour récolter ces minéraux, essentiels à leur croissance et à leur développement. Leur absorption se fait principalement par leurs racines, et implique des processus tels que l'osmose et l'absorption sélective. Les racines des végétaux sont équipées de structures spéciales, qualifiées de poils absorbants, qui augmentent la surface d'absorption et facilitent l'entrée des minéraux dans les cellules végétales. Par osmose, les racines absorbent ainsi l'eau et les minéraux dissous présents dans le sol. Les cellules végétales ont également la capacité d'effectuer une absorption sélective, ce qui leur permet de choisir les minéraux spécifiques dont elles ont besoin pour leur croissance.
Cette adaptabilité est essentielle pour évoluer dans des milieux extrêmes : Les plantes des mangroves, par exemple, ont développé des mécanismes uniques qui leur permettent d'absorber les minéraux nécessaires tout en tolérant des doses élevées de sel. Normalement, lorsque le sol contient une concentration de sel supérieure à celle de la plante, l'eau quitte les cellules de la plante pour diluer le sel présent dans le sol, ce processus étant connu sous le nom de plasmolyse. Cependant, des plantes telles que le Rhizophora mangle ont réussi à s'adapter à ces environnements inhospitaliers. Ces végétaux ont mis en place des mécanismes d'exclusion et d'excrétion pour maintenir des niveaux appropriés de sel dans leurs cellules. Ils ont la capacité de bloquer ou de réduire l'entrée de sel dans leurs tissus sensibles, tout en excrétant activement le sel en excès. Ainsi, elles parviennent à maintenir un équilibre salin adéquat pour assurer leur survie et leur croissance dans des environnements salins extrêmes.
Les minéraux, une fois absorbés par les végétaux, sont ensuite transportés là où ils seront nécessaires
C’est le rôle des tissus conducteurs du végétal : le xylème et le phloème. Le xylème est responsable du transport de l'eau et des minéraux depuis les racines vers les parties aériennes, tandis que le phloème transporte les nutriments et les produits de la photosynthèse dans toute la plante. Grâce à ces réseaux, les minéraux se propagent dans la plante, atteignent les différentes parties, telles que les tiges, les feuilles, les fleurs et les fruits. Ils sont acheminés vers les cellules où ils sont nécessaires pour chacun des processus métaboliques. L’azote, par exemple, est absorbé sous forme d'ions nitrate (NO3-) ou d'ammonium (NH4+) par le biais des racines. Grâce à l'action d’enzymes, il est ensuite converti en composés organiques par le processus d'assimilation. Cet élément sera par la suite incorporé dans des molécules organiques telles que les acides aminés, les protéines et les nucléotides, ou il participera activement à la construction du végétal. L'azote est notamment nécessaire pour la formation de la chlorophylle, il est donc essentiel pour la photosynthèse des plantes. Cependant, une partie de l'azote est également libérée sous diverses formes (excrétions ou mort de certaines parties végétales). Cette libération permet de recycler l'azote dans le sol, où il peut être réabsorbé par d'autres plantes ou microorganismes. Ces microorganismes jouent à leur tour un rôle clé dans le cycle de ce minéral (fixation, nitrification et dénitrification), contribuant ainsi à sa transformation et sa disponibilité pour tout type de vie.
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Autre élément capital pour la formation du végétal, le potassium est absorbé du sol sous forme d'ions K+. Élément abondant sur Terre, il constitue près de 2,5% de la croûte terrestre. Chez les plantes, le potassium est requis afin de permettre l'activation de nombreux enzymes, la synthèse de protéines, le transport des glucides et la régulation de l'équilibre hydrique. Sa présence est notamment capitale pour la production d’amidon afin de stocker le sucre issu de la photosynthèse. En cas de surplus, la plante peut même l'excréter ou le séquestrer dans des tissus spécifiques pour une utilisation ultérieure. Grâce à de nombreuses techniques, les plantes s’adaptent afin que leurs mécanismes intègrent le minéral dans leurs systèmes organiques.
La dissolution des roches se révèle être la source initiale de toute nutrition sur Terre, vitale pour le vivant. Des montagnes jusqu’aux rivières qui sillonnent les paysages, en passant par les processus complexes d'absorption et de recyclage, chaque étape de ce voyage est essentielle à la survie de très nombreux organismes. Comprendre ce cycle nous permet de comprendre les rapports subtils entre roches, eaux, plantes, champignons et tous les autres acteurs de cet écosystème complexe. Nous ne comprenons pas encore l'ensemble des influences que l’humanité peut avoir sur ce cycle. Les pratiques agricoles intensives, l'exploitation minière, l'utilisation excessive de fertilisants et de pesticides, ainsi que la pollution de l'eau peuvent tous avoir des effets néfastes sur la dissolution des roches et ses processus connexes. En comprenant les effets potentiels de nos actions sur le cycle de nutrition terrestre, nous pouvons prendre des mesures pour minimiser les perturbations et préserver l'équilibre de cet écosystème complexe. Que ce soit dans les montagnes, le long des rivières ou à travers les racines des plantes qui s'étendent dans le sol, ce processus invisible mais vital continue de façonner notre monde et de nourrir la vie qui s'y épanouit.
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