Interview Karel Schelfhout

Exitable
25 May 2019

Karel Schelfhout fait partie des pionniers de la culture du cannabis aux Pays-Bas. En 1985, il a fondé l’une des premières banques de graines, le Super Sativa Seed Club. Devenu l’un des meilleurs spécialistes de la culture bio, il est l’auteur du livre de référence, le Bio Grow Book et le fondateur de la marque de nutriments Biotabs. Karel a récemment relancé le Super Sativa Seed Club, en collaboration avec son fils.


Par Olivier F

SSFR : En quelle année exactement as-tu commencé à cultiver du cannabis?

Karel : J'ai commencé à cultiver du cannabis à l'intérieur sous lampes HPS en 1984. Les premières strains étaient des sativas colombiennes et africaines. Une longue période de culture et peu de rendement. Notre première culture n'était pas très professionnelle. Nous ne connaissions ni la ventilation ni le contrôle de la température et de l'humidité. En gros, l’eau coulait du plafond et faisait pourrir les plantes. Nous avons décidé d'améliorer les choses et avons copié le mode de fonctionnement des producteurs en serre néerlandais. Lors de la deuxième session, nous avons mis en place une culture avec de la laine de roche, un ordinateur doseur de CO2 et un climatiseur. Nous sommes allés chercher des graines aux États-Unis parce que nous voulions nous débarrasser des sativas exotiques. Nous avons réussi à mettre la main sur de belles graines de Williams Wonder. Notre deuxième session a été un grand succès. Quelques kilos de sinsemilla ! Nous l'avons vendu à un coffee-shop pour 5000 florins par kg, un prix bien meilleur que celui de l’herbe africaine et colombienne (1000 florins par kg).

En 1985, vous avez créé la banque de graines Super Sativa Seed Club…

Nous avons décidé de le faire parce que nous avions entendu parler de la "Seed Bank" de Nevil. Nous étions en mesure de nous développer en Hollande avec une situation semi-légale. La culture de cannabis était (et est toujours) illégale mais personne ne le faisait. Nous avions plus de trente variétés dans notre catalogue, des graines de Haze, de Skunk # 1 et quelques autres variétés de Sam the Skunkman. Nous avions aussi reçu des graines de Nevil et nous avons commencé à travailler avec ces variétés. Il n'y avait que deux banques de semences internationales actives dans le monde et nous avions donc beaucoup de clients.

Tu as connu personnellement Nevil Schoenmakers, le légendaire breeder de cannabis qui nous a quitté récemment ?

Oui, j’étais la première personne que Nevil a invitée chez lui. Nous l'avions contacté via son annonce pour The Seed Bank dans le High Times. C'était un gars très énergique et travailleur. Il a été submergé par le succès de son entreprise. Ce n'était pas facile de travailler avec lui mais il était sûrement le meilleur breeder de son temps. Je le considère comme l'un des pionniers les plus importants de l'industrie du cannabis. Sam the Skunkman a été la première personne sur cette planète à avoir breedé du cannabis. Nevil a été la deuxième personne.

En quelle année le Super Sativa Seed Club a-t-il cessé ses activités ?

En 1990 car nous avions trop de succès et ça devenait vraiment incontrôlable avec des commandes venues de toute la planète. Nous avons eu un peu peur de nous faire arrêter…

Vous venez de relancer la banque de semences Super Sativa Seed Club…

Nous n'avons pour le moment que 4 variétés régulières. J'ai réussi à garder en vie le clone de Old School Haze pendant 32 ans ! C’est un croisement entre Skunk # 1 et notre Original Haze qui constitue la chose la plus proche de la Haze originale sur terre. Certaines de nos variétés sont assez difficiles à cultiver. La plupart de nos clients sont des breeders. Nous travaillons actuellement sur des croisements entre notre génétique old school et les variétés américaines modernes. Nous travaillons aussi sur des graines féminisées

Les prix de vos graines régulières sont assez élevés…

Oui, parce que nous utilisons les gènes que nous conservons depuis plus de trois décennies. Les clients seront en mesure de trouver des mères exceptionnelles. Ces mères sont inestimables lorsqu'elles sont utilisées dans pour des projets légaux comme au Canada et aux États-Unis

Le "Gow Book" vient d’être adapté en bande dessinée. Quel effet ça fait de devenir le personnage d'une BD ?

C'est comme un rêve. Je n'avais jamais pensé devenir personnage dans une bande dessinée et c'est pour la bonne cause. Grâce à Pic et aux gens fantastiques de Mama Editions, il existe maintenant une bande dessinée sur la culture biologique qui sera publiée dans plusieurs langues.

Comment vois-tu l'avenir de l'industrie du cannabis ?

Je pense que de plus en plus de producteurs de cannabis prennent conscience du fait que le cannabis issu de l'agriculture biologique a un goût et une odeur bien meilleurs que celui cultivé en minéral. Je crains un peu qu'à l'avenir, lorsque le cannabis sera légal dans la plupart des pays de la planète, de grandes multinationales et des entreprises pharmaceutiques s’accaparent l'industrie. La seule chose que nous puissions faire à ce sujet est de continuer à cultiver nos propres plantes.

Que penses-tu des breeders et des cultivateurs français ?

Je les admire car ils doivent combattre le système. Le système qui rend la nature illégale. Je sais ce que cela signifie de faire face à une situation aussi stressante qu'en France.

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