Le phytotron de Gif-sur-Yvette (1960-1986)
Un phytotron est une installation indoor qui permet aux scientifiques d’observer l’évolution des plantes en fonction des différents facteurs environnementaux. Ces installations permettent de recréer les différents climats et saisons. Ce sont dans ces laboratoires que les techniques de culture indoor, notamment pour le cannabis, ont été mises au point. Le premier phytotron a été créé par le botaniste néerlandais Fritz Went à Pasadena en Californie en 1949.
Par Olivier F
Le cannabis est sans aucun doute la plante la plus cultivée en indoor. La culture du cannabis psychoactif nécessite un climat ensoleillé et dans de nombreux pays, comme la Hollande ou le Canada, la culture en intérieur est souvent le seul moyen d’obtenir des produits de qualité, riches en terpènes et en cannabinoïdes. La culture du cannabis en indoor s’est développée dans les années 80/90 avec l’arrivée des premières banques de graines et des premiers growshops en Europe.
Mais les chercheurs ont expérimenté depuis longtemps la culture de différentes plantes sous éclairage artificiel. A la fin du 19eme siècle, le botaniste français Gaston Bonnier a été le premier à cultiver des plantes sous éclairage artificiel, avec des lampes à incandescence. En 1949, le premier phytotron a été installé dans la ville de Pasadena en Californie par le botaniste néerlandais Fritz Went.
Le nom phytotron serait né d’un jeu de mot avec l’accélérateur de particules cyclotron. Phytotron désigne une installation d’une ou plusieurs pièces aveugles, une super grow room hi tech où il est possible de reconstituer toute sortes de climats. En 1960, le premier phytotron français a été installé à Gif-sur-Yvette dans le département de l’Essonne.
Un article du journal Le Monde de 1959, un an avant l’ouverture, relate la visite de Louis Jacquinot, ministre d'État chargé de la recherche scientifique, aux laboratoires du Centre national de recherche scientifique (CNRS) ou se trouve le phytotron, déjà au stade expérimental. « Le phytotron de Gif-sur-Yvette paraît être sensiblement en avance sur les deux installations semblables qui existent déjà aux États-Unis et en U.R.S.S. »
Le phytotron, dirigée par le professeur Chouard employait 80 personnes. Les expériences concernaient entre autres, les céréales, les haricots, les pois, les tomates, les fraises. Le phytotron permettait de recréer les climats les plus extrêmes : « Ces expériences, a expliqué M. Chouard, sont particulièrement intéressantes pour la mise en valeur du Sahara » nous explique l’article du monde.Les chercheurs ont également étudié l'acide gibbérellique (GA3) qui a parfois été utilisé pour reverser les sexe des plantes et obtenir des graines de cannabis féminisées.
L’installation dans sa version définitive était composée de 12 salles sous éclairage artificiel et de 8 salles sous lumière naturelle. Chaque pièce de 3,30 x 8,80 mètres était éclairée par 256 tubes fluorescents de 125 watts et 660 lampes à incandescence de 15 watts pour un supplément de rouge dans le spectre lumineux. La température, entre 15 et 45 °C, et le taux d’humidité pouvaient être réglés minute par minute. « L'air conditionné pénètre dans la salle par les caissons qui servent de plancher. Il est renouvelé entièrement trois fois par minute, c'est-à-dire soixante fois plus rapidement que dans la salle de cinéma la mieux climatisée » rapporte le journaliste du Monde qui a visité le phytotron en 1959. Le système de climatisation du phytotron a été utilisé pour le célèbre bateau « France »
En 1986, une étude scientifique sur le Multiplication végétative in vitro du chanvre à fibre et l’application à la conservation des clones sélectionnés a été réalisée au phytotron de Gif-sur-Yvette. « Bouturage horticole à partir de plantes-mères de plusieurs clones et contrôle de la croissance et du développement en fonction des régimes thermiques et photopériodiques, micropropagation in vitro (prolifération, allongement et rhizogenèse) avec maintien du patrimoine génétique des plantes, acclimatation en serre, étude analytique systématique. » 90 plantes ont été cultivées en condition phytotronique avec la solution nutritive du phytotron.
Plusieurs températures et photopériodes ont été expérimentées : « L’alternance de température 22 °C jour/17 °C nuit favorise le développement morphologique et chimique du chanvre de type fibres. Des résultats comparables ont déjà été obtenus pour le chanvre de type drogue (Braut-Boucher, 1978) » Les rameaux terminaux et axillaires ont été prélevés sur des plantes-mères âgées de 6 semaines pour la culture in vitro. Selon les chercheurs, la technique de multiplication in vitro pourrait aider à résoudre plusieurs difficultés : « Maintien des explants, induction de divisions cellulaires et multiplication de plantes conformes, stockage sur de petites surfaces de grandes quantités de micro-plantes, sélection de plantes indemnes de virus, culture possible toute l’année, etc. »
Il existe actuellement en France plusieurs installations de phytotrons. 2 cellules phytotroniques de 13.5m² chacune ont été installées sur le site de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) d’Avignon en 2018. Le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) est un établissement public qui dispose de deux phytotrons hi tech à Montpellier pour recréer les climats du futur.
Etude : Christine Richez-Dumanois, Françoise Braut-Boucher, Louis Cosson, Michel Paris. Multiplication végétative in vitro du chanvre (Cannabis sativa L.). Application à la conservation des clones sélectionnés. Agronomie, EDP Sciences, 1986.
Vidéos sur le phytotron de Gif-sur-Yvette
Interview de Pierre Chouard, directeur du Phytotron (INA, 1964)