Julien L : French breeder expatrié

Olivier F
14 Feb 2017

Les breeders de cannabis professionnels créent de nouvelles variétés qui sont ensuite commercialisées par les banques de graines. Les breeders restent souvent dans l'ombre mais ils ont un rôle essentiel dans l'industrie du cannabis. Ce travail est bien sûr illégal en France et la plupart restent assez discrets. Soft Secrets vous a déjà présenté plusieurs "French breeders". Après l'Expogrow 2014, le journal Libération avait évoqué dans un article, l'existence d'un "champion breeder" français gagnant de plusieurs cannabis cups mais son identité n'avait pas été dévoilée. Soft Secrets France vous présente aujourd'hui ce "French breeder". Il s'agit de Julien de la banque de graines TH Seeds.


Soft Secrets France : Pourrais-tu te présenter et nous raconter ta rencontre avec le cannabis ?

Julien L : Je m'appelle Julien, je suis cultivateur et breeder chez TH Seeds. Je suis autodidacte, je n'ai pas fait d'études dans le domaine de l'horticulture. J'avais 14 ans lorsque j'ai rencontré pour la première fois le cannabis. Mon frère, qui a quatre ans de plus que moi, avait ramené d'Amsterdam quelques pochons d'herbe. J'avais tiré deux ou trois fois sur un joint auparavant mais ce fut ma première vraie rencontre avec le cannabis. Il y avait quelques graines dans ces pochons et j'ai donc immédiatement commencé ma première culture, c'était du outdoor. Je suis assez précoce, je n'avais que 14 ans ! J"ai eu 4 plantes très différentes de variété inconnue. Bien sûr, la première récolte n'était pas énorme mais de nombreuses autres ont suivi !

Comment es tu devenu breeder ?

J'ai donc commencé à cultiver avec des graines et je me suis aperçu que le résultat était souvent inégal. En effet, les variétés ne sont pas toujours bien stabilisées et on peut avoir avec les mêmes graines, plusieurs phénotypes différents. Lorsque je trouvais un phéno exceptionnel, je voulais le conserver et j'ai donc commencé à prélever des clones et à produire des graines. Mon but n'était pas de créer de nouvelles variétés mais simplement de conserver certains phénos que j'appréciais particulièrement. Parmi les premiers phénotypes que j'ai sauvegardé, il y avait de l'Amnesia, de la Super Silver Haze et de la C99.

Tu es ensuite devenu professionnel...

Je suis passionné de cannabis et je prend grand soin de mes cultures qui sont 100 % bio et en terre. A l'époque, je me rendais régulièrement à la High Times Cannabis Cup à Amsterdam avec quelques échantillons de ma weed. Le but était de la faire goûter à des professionnels et de connaître leur avis J'ai eu plusieurs retours positifs de personnes qui appréciaient mon travail et de TH Seeds en particulier. C'est ainsi qu'a commencé ma collaboration avec TH Seeds.

Pourquoi as-tu déménagé en Espagne ?

A l'époque, j'avais mon propre grow-shop en région Parisienne. J'ai déménagé en Espagne suite à la proposition d'un CSC du Pays Basque, proche de la frontière française. Je souhaitais quitter la France pour pouvoir pratiquer mon activité légalement et en toute tranquillité. Il n'est pas facile de gérer à la fois un grow-shop, de s'occuper de sa culture en restant dans la clandestinité et d'avoir une vie de famille ! J'avais beaucoup de contacts à Barcelone et j'ai longtemps hésité entre les deux mais c'est finalement la proposition de ce CSC qui m'a fait choisir le Pays Basque. J'avais un statut de salarié et les gens du CSC m'on aidé à trouver un apart et à m'intégrer dans la région ce qui n'est pas évident quand on ne parle pas espagnol, ce qui était mon cas à l'époque. Heureusement que le président du club parlait anglais ! J'ai donc revendu mon grow shop en région parisienne et je suis descendu avec toutes mes plantes mères et mon matériel de culture. Mon rôle au sein du club était celui de conseiller et de cultivateur. Je ne travaille plus avec ce cannabis club. Nous avons cessé notre collaboration suite à plusieurs désaccords avec le président.

Est-il possible de vivre correctement de son travail de breeder ?
En fait, le travail de breeder en lui même n'est pas vraiment rémunéré. C'est plutôt la production de graines. Il faut au minimum deux ans pour développer une variété en indoor et on ne sait pas à l'avance quel sera le résultat. Si une variété gagne une cannabis cup, ce sera ensuite plus facile de revendre les graines.

Quel est exactement ton rôle chez TH Seeds ?

Je m'occupe de développer certaines de leur variétés, de la production de graines régulières et maintenant, féminisées. A l'heure actuelle, nous ne sommes plus que deux breeders chez TH Seeds. Il y a Adam qui est au Colorado et moi même en Espagne. Nous faisons parfois sous traiter nos graines par des cultivateurs en particulier pour les autoflorissantes dont je ne m'occupe pas du tout. J'ai travaillé en particulier sur une variété appelée S.A.G.E (Sativa Afghani Genetic Equilibrium). C'est une variété que nous avons présenté à plusieurs cannabis cups. C'est une ancienne variété qui avait déjà gagné plusieurs cannabis cups depuis 1998.

Pourquoi avoir travaillé sur une variété aussi ancienne ?
TH Seeds voulait remettre en avant cette variété légendaire qui est en quelque sorte la maman de l'Amnesia Cette variété a été récupéré par de nombreux breeders qui se la sont appropriée et l'ont commercialisé sous un autre nom. Comme son nom l'indique, elle est parfaitement équilibrée au niveau génétique. Un bon effet sativa avec un background afghan.

J'ai récupéré des graines régulières de cette variété et j'ai donc commencé mes sélections avec ces graines. Il faut sélectionner les meilleures phénotypes et trouver au final, la plus belle plante mère selon des critères pré définis. A la suite de ça, j'ai pollinisé les clones issus de cette plante mère avec un mâle que nous avait donné Sam The Skunkman. Cet américain qui vit aux Pays-Bas est considéré comme l'inventeur de la Skunk. Nous avons donné au CBD Crew, avec qui nous travaillons, deux clones différents : un de la S.A.G.E originale et un de ma version. Ils ont constaté que ma version était plus résineuse et pouvait être récoltée quelques jours plus tôt, c'est à dire 70 jours environ.

Tu as donc participé à plusieurs cannabis cups...
Mon rôle consiste aussi à cultiver de l'herbe pour la présenter à des cups. J'ai participé à 9 cups avec TH Seeds J'ai présenté la S.A.G.E mais aussi d'autres variétés que j'ai cultivées à partir de clones originaux de TH Seeds comme la Bubblegum et la M.O.B avec laquelle nous avons gagné la deuxième place catégorie indica à l'EXpogrow 2015. La S.A.G.E a remporté la deuxième place à l'Expogrow 2014 et surtout la première place à la première Biocup à Mataro, en Espagne en 2014. Shantibaba et Mister Nice faisaient partie du jury ! J'étais très fier que Shantibaba en personne me remette la coupe et depuis, nous sommes restés en contact et nous voyons souvent. Nous avons également gagné des coupes avec nos extractions. Avoir gagné ces différentes coupes m'a permis de me faire connaître dans le secteur et j'ai depuis reçu plusieurs propositions.

Quels soins particuliers apportes-tu à une herbe qui doit être présentée à une cannabis cup ?
Comme toutes mes cultures, c'est uniquement du bio. Le rinçage est très important. Je peux faire jusqu'à un mois de rinçage. Pour le curing, à titre personnel, je préfère attendre au moins deux mois mais certains préfèrent avoir une beu un peu plus jeune (un mois et demi) Avec un curing plus long, l'aspect est moins attrayant pour la majorité des gens. La beu devient plus foncée et les gens préfèrent la beu de couleur verte claire. L'herbe doit être bien manucurée pour dégager les têtes. Je fais toujours la manucure à la main. Je n'utilise pas de manucureuse automatique.

Quels sont les engrais bio que tu utilises ?

Pour les engrais, j'utilise principalement la gamme Biocanna. Pour les stimulateurs racinaires, j'utilise le Rhizoponics qui est, à mon avis, le meilleur dans cette catégorie. J'ai tenu un grow shop et j'ai donc pu tester beaucoup de produits. Je n'utilise pas de PK booster. Je pense qu'un produit qui a plus de 5 % de N, de P ou de K n'est pas vraiment bio. J'utilise du terreau Biocanna qui contient 20 % de coco. Je trouve que les plantes poussent mieux dans la terre comme elle le font dans la nature. Je n'utilise pas de CO2 pour ma culture.

Est-ce qu tu cultives également en outdoor ?
Non, je n'ai pas cultivé en outdoor depuis plus de dix ans. J'ai cultivé en France en outdoor et les deux dernières années, je m'étais fait arracher mes plantes alors que j'avais beaucoup travaillé sur ces cultures. C'est aussi le cas ici au Pays-Basque, il y a beaucoup de vols de plantes. Par conséquent, les gens cultivent peu en extérieur. Il y plus de outdoor dans le sud de l'Espagne. Dans, les CSC, on peut trouver de la weed outdoor entre novembre et janvier mais la plupart du temps, il s'agit de weed indoor.

Tu conserves combien de plantes mères ?
Je garde une quarantaine de plantes mères. Il y en a qui viennent de TH Seeds, d'autres sont issues de mes propres sélections ou m'ont été données par des cultivateurs. Lorsque j'avais mon shop, je voyais beaucoup de cultivateurs. Certains ont voyagé et m'ont ramené des graines.

Quelles sont les techniques de breeding que tu utilises ?
Pour la sélection, je dirais qu'il faut stresser les plantes au maximum, par exemple, en changeant brutalement de photopériode à plusieurs reprises; Cela permet de sélectionner les plantes les plus résistantes. L'idéal est de travailler avec un bon mâle afghan bien robuste. Pour les techniques de pollinisation, nous avons aussi nos petits secrets.

Sur quels projets travailles-tu en ce moment ?
En ce moment, je travaille sur un projet très intéressant. Ce sont des graines de 1993/1994 qui n'avaient jamais été utilisées et qui m'ont été données par le patron de TH Seeds. Il s'agissait d'une culture en outdoor sur une terrasse à Amsterdam ou l'équipe faisait quelques croisements. Ce sont des graines de Chocolate Chunk, une variété afghane de type indica. Etonamment, malgré leur grand age, ces graines ont germées facilement. Je commence également à travailler sur des plantes mères issues de ma collection. Par ailleurs, je travaille sur des variétés CBD pour le médical. Nous avons lancé la S.A.G.E CBD et nous travaillons aussi avec le CBD Crew. Avec TH Seeds, nous allons continuer à présenter nos variétés dans des cannabis cups.

Fais tu toi-même des extractions de cannabis ?

Je ne suis pas un adepte des extractions avec solvant mais j'aime bien un petit dab de temps en temps. Je pratique les extractions à sec avec une technique appelée dry sift qui consiste à utiliser plusieurs tamis de différentes tailles simultanément. Ce sont des tamis de Bubbleman. Je nettoie ensuite le haschich avec un procédé statique. Cela permet d'obtenir un haschich pur et très puissant sans utiliser de solvant.

A titre personnel, quelles sont les variétés de TH Seeds que tu aimes fumer ?

Mes variétés préférées sont la MK Ultra et la S.A.G.E. Je préfère les variétés sativa, je n'aime pas trop les indicas. La S.A.G.E et une variété que tu peux fumer toute la journée. Je trouve aussi que les sativas développent des saveurs plus intéressantes. La MK Ultra est une puissante variété issue d'un croisement avec le clone original de l'OG Kush venu des Etats-Unis et un mâle G13.

Et quelle est ta variété préféré en général ?

J'aime beaucoup une variété appelée Old School Haze. C'est un vieux clone hollandais qui n'est pas commercialisé et qu'un ami a conservé. Appelée parfois "catpiss", cette herbe développe une forte odeur d'ammoniaque.

Quels sont tes clubs espagnols et tes coffee shops hollandais favoris ?

A Barcelone j'en aurais 4 à te citer que j'apprécie particulièrement : Resin Club, Hardala , HQ et Backyard qui est un cannabis club récemment ouvert par des français : petit mais de qualité... Pour les coffee-shops à Amsterdam : Green Place , Voyagers , Twende Kamer et Original Dampkring.

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