Cannabis Corsica
Les célèbres cochons sauvages vivent en semi-liberté sur l’île.
L’île de beauté ne mériterait pas vraiment son nom si quelques plantes de cannabis ne poussaient pas également sur son sol. Il y a en Corse des cultivateurs indoor et outdoor mais, contrairement à d’autres régions, ils se font relativement discrets. Nous avons eu la chance de rentrer en contact avec un grower corse passionné appelé Nustrale qui cultive du cannabis en extérieur depuis plusieurs années.
Texte : Olivier F / Photos : Nustrale
La Corse est une petite île de la Méditerranée longue de 183 km et large de 83 km. Elle se situe à 164 km de la France continentale et à 83 km de l’Italie. La latitude est la même que la ville de Barcelone. L’île est très montagneuse, avec une altitude moyenne de 568 m, et culmine à 2710 m au Monte Cinto. La Corse présente donc plusieurs paysages météorologiques. Elle pourrait être l’endroit idéal pour la culture du cannabis avec un climat particulièrement adapté, un relief accidenté et un couvert végétal important qui facilitent la dissimulation des plantations.
Pourtant, la Corse ne s’affiche pas comme une région cannabique majeure. Le cannabis reste relativement mal vu dans la société corse. Concernant la consommation de cannabis, la Corse est loin de la tête du classement des régions françaises. Une récente étude de l’OFDT (Observatoire français des drogues et toxicomanies) montre que la Corse est la région française ou les jeunes consomment le moins de cannabis (à égalité avec le Nord et l’Alsace). 6 % des jeunes de 17 ans seraient des usagers réguliers. Le cannabis et les drogues en général ne font pas partie du mode de vie traditionnel corse. Le collectif "A droga fora" regroupe des associations et des syndicats étudiants proches des nationalistes dont le but est de lutter contre « le fléau de la drogue ». Le collectif considère que « la drogue est un mal dans sa globalité »
Les conditions de culture permettent d’obtenir un résultat impressionnant de type « monster plants »
De nombreuses plantations
En Corse, le cannabis est surtout présent sous forme de résine en provenance du Maroc via Marseille. Le cannabis est importé par bateau en petite quantité (quelques kilos à chaque voyage).
Mais depuis quelques années, la culture de cannabis s’est beaucoup développée sur l’île. Il s’agit de plantations petites ou moyennes principalement destinées à la consommation personnelle mais parfois aussi à la revente. Avec la crise économique, les habitants cherchent des revenus complémentaires. Contrairement à la résine, dont le prix est resté inchangé depuis longtemps, le prix de l’herbe locale de qualité a beaucoup augmenté ces dernières années.
La presse régionale relate régulièrement les saisies de cannabis et les découvertes de plantations par les forces de l’ordre. Les growers sont parfois dénoncés et les gendarmes quadrillent l’île sur terre ou en hélicoptère à la recherche de cultures illégale.
Le cultivateur utilise également une serre.
Pas de grow shop
Les premiers grow shops ont ouvert en France dans les années 90 et se sont multipliés dans toutes les régions françaises. Pourtant, ce type de magasin n’existe pas en Corse. Nous avons rencontré un jeune corse qui voulait se reconvertir professionnellement et ouvrir un grow shop sur l’île mais a du rapidement renoncer à son projet : « Les grosses boîtes n'arrêtent pas la vente par correspondance. Donc, il est très dur de prendre une franchise alors que la maison mère vend moins chère par correspondance qu'un growshop franchisé. Je ne pourrais pas m'aligner à 14 € un sac de terreau alors que la maison mère le vend à 13 €. Le problème de la Corse étant en grosse partie l'insularité et la loi de l'importation, il est évident qu’une grosse boite est plus compétitive qu'un petit entrepreneur. Au final pas de growshop en corse car il y a la pression nationaliste et de l'autre côté, la pression capitaliste. »
Une plantation en outdoor
Par souci de discrétion, de nombreux cultivateurs corses ont choisi de cultiver en indoor. La prohibition et l’ambiance généralement hostile les obligent à cultiver en extérieur alors que le climat est tout à fait adéquat.
Malgré les risques, le cultivateur Nustrale a choisi de cultiver en extérieur et d’obtenir ainsi des plantes gigantesques. Il cultive depuis une dizaine d’années et a réussi à améliorer le rendement et la qualité de ses plantes. Passionné par la plante de cannabis, il nous fait visiter aujourd’hui sa magnifique culture en outdoor. Sa plantation est située dans son propre jardin à 50 m d’altitude. Le climat est de type méditerranéen. En été, la température varie de 28 à 33 ° pendant la journée et de 17 à 20 ° pendant la nuit. A la fin de la période de floraison pendant le mois d’octobre, la température peut descendre à 13 °. Le taux d’humidité est d’environ 35 %.
Pour cette saison 2017, Nustrale cultive 14 pantes au total La surface consacrée à la culture de souches féminisées en extérieur est d’environ 16m2. Le grower possède en plus une serre de 6m2 où il cultive des variétés landrace régulières.
Les plants de cannabis partagent le jardin avec une haie, des lauriers et des rosiers. La maison voisine est une location estivale : « Chaud mais bon, j'essaie de camoufler ça au mieux derrière des palissades et la serre » nous explique le cultivateur.
Démarrage de la culture
Nustrale cultive à partir de graines. La levée de la dormance a duré environ 12 heures, puis le cultivateur a fait germer ses graines de façon traditionnelle, dans une feuille d’essuie-tout, entre deux assiettes pour éviter que la lumière ne s’infiltre. La culture a démarré en avril pour les variétés féminisées et mi mai pour les régulières de type landrace.
Une canopée dense et uniforme pour cette culture en outdoor.
Variétés
Pour cette session annuelle, Nustrale a cultivé les variétés féminisées suivantes : 2 Pineapple Chunk de Barney's Farm, 1 Black Dog de Humboldt, 1 Strawberry Banana de Riserva Privada, 2 Early Maroc, 2 Naranchup de Philosopher Seeds,1 Libanaise, 1 Chitral, 1 Kumaoni de The Real Seeds Company, 2 PCK de Cannabiogen « et quelques autoflos pour s'amuser et patienter... »
Engrais
Les engrais utilisés sont Guano Diffusion et Bionova Nova.
Vue depuis le bas d’une plante.
Techniques de culture
Pour ses plantes féminisées, le cultivateur a utilisé des techniques de palissage et de cropping.
Prédateurs
Un été chaud et sec a favorisé les attaques de prédateurs : « J’ai tout eu : tarsonèmes, araignées rouges, pucerons et fourmis qui, en plus d'élever les pucerons, m'ont sectionné 4 autoflos de 1m et 1 PCK, pour dire leur détermination à me faire chier ! »
A l’heure où nous écrivons ces lignes, le problème des araignées rouges n’a toujours pas été totalement résolu : « Les araignées rouges sont impossibles à éradiquer. Malgré tout traitement bio et chimique. J'ai commandé 1500 acariens prédateurs ! »
D’autres nuisibles plus inattendus peuvent aussi gravement endommager la plantation : « Papillons qui par leurs œufs, engendrent des chenilles qui font un carnage une fois la floraison venu ou pire, au moment de la récolte ! Je mets habituellement des ciels de lit mais au final, mes plantes sont énormes et la plante touche la moustiquaire ce qui n'est pas totalement efficace. J'ai opté cette année pour un filet anti insectes de 100m2 et la serre à laquelle je mettrai des moustiquaires. »
Les branches secondaires commencent à plier sous le poids des buds.
Champignons
Les plantes ont aussi été attaquées par des champignons, comme nous le raconte Nustrale : « Fusaruim sur une Black Dog cultivée en coco Guano Diffusion. J'étais en Maxi Blumat (système d’arrosage automatique) suite à une hospitalisation. C'est pratique mais le taux d'humidité a du rester trop haut avec la température ce qui a favorisé son apparition. L’oïdium est assez fréquent mais ça va. Là où je suis, c'est moins humide qu'en montagne. Après, ça dépend des strains aussi.»
La serre vue de l’extérieur.
Début de floraison
La date du début de la floraison peut varier en fonction des variétés. Les premiers pistils apparaissent généralement à la mi août. La période de strech dure du 20juillet au 15 août environ.
Récolte
En 2016, juste avant la récolte, les plus belles plantes avaient une hauteur de 2m80 et une largeur de 2m. La date de la récolte dépend de la variété : « De mi-août pour les Early Maroc jusqu'au novembre pour la Kumaoni »
La récolte de l’année 2017 s’annonce conséquente mais elle n’a pas encore eu lieu. Pour les résultats, nous nous basons donc sur la récolte de 2016. Entre 750 et 900 grammes secs ont été récoltés sur chaque plante issues de graines féminisées et 450 grammes environ pour chaque landrace non palissée. Au total, en 2016, Nustrale a récolté environ 3 kg d’herbe séchée et manucurée et en plus, suffisamment de matière pour fabriquer entre 80 et 100 grammes de concentrés, hasch, BHO ou RSO.
Une mante religieuse visite le jardin.
Landraces et breeding
Le cultivateur sélectionne des variétés de type landrace ou variétés historiques, originaires de plusieurs pays dans le but de cultiver des variétés adaptées au climat et au condition de culture que l’on trouve en Corse : « J'ai 8 landraces afghanes sélectionnées par moi-même, une originaire du Tadjikistan, une brésilienne et de nombreuses africaines. J’ai d'ailleurs stabilisé un cross afghane de la région de Mazar x brésilienne Papa x aghane région Jajalabad, sur trois générations. Ça donne des cailloux citronnés afghans. J’ai deux phénotypes. »
Early session
En plus de la saison estivale en outdoor, Nustrale lance également chaque année, une autre session entre janvier et avril qui commence en intérieur sous lampes et se termine en extérieur sous serre : « J'ai une box avec une HPS de 600 watts où je fais tout du début à la fin en hydro. J’ai également une deuxième box avec une lampe 400 watts que j'utilise essentiellement pour les régulières que je débute en in environ un mois et demi, voir deux si j'ai la place. Le dernier mois, toutes les plantes de la box de 400 watts sont transférées sous la serre, ce qui permet de faire mon rinçage et d'obtenir des belles sénescences. Avec le froid, les nuits descendent encore jusqu'à 5°. Donc, l' anthocyanine décolle »
Cochons sauvages
Présent sur l'île depuis plusieurs siècles, le cochon corse est, élevé en plein air à l'état semi-sauvage. La race est reconnue officiellement depuis 2006 et on dénombrait 1270 individus en 2014. Un cochon corse vient régulièrement visiter la plantation de Nustrale : « Il a été capturé pour faire de la charcuterie à deux mois. Mais heureusement pour lui, il a été bon psychologue humain... Son bourreau potentiel est devenu son protecteur... Il lui a acheté une copine pour qu'il ait de la compagnie... Malheureusement, je pense que sa descendance n'aura pas cette chance. »
La nuit tombe sur la plantation de Nustrale.
O
Olivier F
