L’autre plante du mois : le Kelp

Olivier F
18 May 2023

Les algues ont été les premières formes végétales à apparaître sur Terre, il y a 3,8 milliards d'années. Leur émergence a ainsi contribué à la formation d'autres formes de vie grâce à leur capacité à fournir un environnement propice. Avec le temps, les algues ont développé diverses stratégies de survie pour faire face à leur environnement hostile.


Par Hortizan

Le Kelp, une ressource marine inespérée

Ces techniques incluent notamment la flottaison à la surface, ainsi que l'utilisation d'épines ou de toxines pour se protéger des herbivores marins. Dans la langue anglaise, le mot "Kelp" est utilisé pour décrire diverses espèces de grandes algues évoluant attachées à un substrat rocheux. En France, le terme kelp désigne les algues brunes Phaeophyceae. Il s’agit d’un des trois genres d'algues existants, au côté des algues rouges Rhodophycées et des algues vertes Chlorophycées. Le terme de kelp peut également désigner le milieu naturel qu’elles constituent, prenant la forme de forêts sous-marines. En France, l’exploitation de diverses espèces, telle que l’Ascophyllum nodosum, a permis leur utilisation dans des domaines très diversifiés, autant agricoles, que culinaires ou médicaux.

Le genre Phaeophyceae inclut de nombreuses espèces. Le Macrocystis pyrifera par exemple, est une variété évoluant à proximité des continents et des îles, depuis la Nouvelle Zélande jusqu'à certains fjords scandinaves. Cette algue, à l’aide de ses solides crampons, s’accroche aux fonds rocheux et s’étend sous la forme d’herbiers très denses. Pouvant s’allonger sur une quarantaine de mètres de long, ses frondes s’élèvent jusqu’à à la surface grâce à ses flotteurs en forme de poire (D'où le nom de l'espèce : pyri : poire, fera : qui porte. ). Cette flottaison lui permet ainsi de bénéficier de la photosynthèse. Autre variété, l’Ascophyllum nodosum, située le long des côtes rocheuses de l'Atlantique nord, peut quant à elle atteindre plus de 1,50 m de hauteur. Cette algue est récoltée par les goémoniers pour des raisons agricoles, mais pas que. Elle dispose en effet d'alginates, molécules complexes utilisées très largement pour des raisons autant cosmétiques qu’alimentaires.

On peine à mesurer l'importance des algues pour notre environnement. La formation dense de forêts de kelp constitue une barrière naturelle face aux vagues et tempêtes. Elles protègent les côtes de l’érosion, et abritent également toute une variété de formes de vie. En absorbant toxines et éléments nutritifs, le kelp exerce un rôle de biofiltre et régule son biotope. Il constitue un habitat et une source de nourriture primaire à de très nombreuses espèces marines : comme les balanes Balanomorpha, qualifiées de “suspensivore” (Être qui se nourrit d'organismes ou de particules organiques en suspension dans l'eau). Ces crustacés, vivant accrochés aux tiges de kelp, filtrent grâce à leurs cirres ( sorte de cils articulés qui jouent le rôle d'organe sensoriel et respiratoire) les particules, dont le plancton, présents dans l’eau. Autre animal marin bénéficiant des algues brunes, la limace de mer Elysia chlorotica. Ce gastéropode consomme l’algue Vaucheria littorea, afin de stocker ses pigments photosynthétiques dans ses propres tissus. Vous avez bien compris, cette limace est capable de produire de l’énergie via la photosynthèse grâce à ces algues. On suppose qu’elle ne se nourrit de kelp qu’au début de sa vie, tirant ensuite son énergie exclusivement de la photosynthèse (Rumpho, 2008). Enfin, caractère essentiel des algues brunes : elles participent à la régulation du climat. Grâce à la photosynthèse, ces algues transforment le dioxyde de carbone en oxygène, on estime qu’entre 50 et 70% de notre oxygène proviendrait de la mer !

L’autre plante du mois : le Kelp
C'est grâce à ces frondes que le kelp peut flotter à la surface. Photo par JP Davies.

Au-delà de leur utilité écologique, les algues brunes constituent également une ressource agricole de premier choix. Le kelp est très riche en divers nutriments : azote, phosphore et potassium, mais également soufre, calcium et magnésium. Sa composition permet ainsi de “fumer” les terres maraîchères. C’est l'utilisation traditionnelle qui est faite de l’Ascophyllum Nodosum (aussi appelé goémon noir, ou favach en breton). Grâce à une grande diversité d'oligo-éléments et de vitamines, cet amendement stimule la vie des sols en augmentant sa teneur en matière organique. Grâce à certains principes actifs uniques, les algues renforcent le système immunitaire des plantes. Ces composés bioactifs appelés algicides, en contact avec les racines des plantes, bloquent la respiration et inhibent la croissance cellulaire des pathogènes. Grâce aux algues brunes, nos cultures disposent ainsi non seulement d’un enrichissement nutritif, mais également d’une résistance accrue aux maladies.

Cependant, le kelp est en partie menacé par plusieurs facteurs. En Tasmanie, la hausse des températures et la pêche intensive à la langouste, se nourrissant d'oursins, impactent fortement les populations d’algues brunes. Sans prédateurs naturels et portés par les courants chauds, la multiplication de ces Échinides (famille de l’oursin) a entraîné la disparition à 95% des forêts de kelp Ecklonia radiata. En Bretagne, une réglementation a été mise en place afin de préserver cette ressource. Certaines conditions et périodes de récoltes sont donc fixées pour plusieurs variétés. La récolte du fameux Goémon noir, par exemple, est soumise à certaines restrictions : on ne peut le couper à une hauteur inférieure de 30 cm au dessus du crampon. La préservation du kelp est essentielle pour l'écosystème marin de nombreuses régions, et sa pêche intensive peut entraîner des perturbations dans la chaîne alimentaire marine. Il est donc primordial de protéger et de conserver la diversité de ces algues afin de préserver la richesse et la santé de nos océans.

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Olivier F