L’autre plante du mois : le Cacaoyer
3000 ans nous séparent de la domestication du Cacaoyer par les populations indigènes d'Amérique. Les traces de l'usage du cacao sont au cœur de la culture préhispanique où les civilisations mayas et aztèques ont su tirer profit des multiples usages du cacao. Appelées Cacahuaquahuilt, les fèves du cacaoyer étaient originellement utilisées comme boisson alcoolisée du fait de leur fermentation. Reconnues pour leurs vertus médicinales et culinaires, elles ont aussi joué le rôle de monnaie et étaient reconnues comme une des premières unités comptable du continent.
Par Hortizan
L'arbre du cacaoyer baptisé par les mayas « Cacau » en Nahualt (dialecte maya), fut reconnu par l’occident comme : Amygdala Pecuniare, littéralement “amande monnaie”. Cette appellation fut remplacée bien plus tard par le botaniste Carl von Linné. Ce dernier lui attribua le nom de Theobroma (nourriture des dieux en grec) dans son célèbre ouvrage botanique Species Plantarum, publié en 1753. Une récente révision de la classification phylogénétique, réalisée par le Botanical Journal of the Linnean Society en 2016, la classe dans la famille Malvaceae, aux côtés des Hibiscus, des Mauves et des Tilleuls.
Le Cacaoyer s’étend naturellement du Mexique à l'Amazonie, et jusqu’au pied de la cordillère des Andes. Doté d’un feuillage dense et sensible au soleil, il se développe sous la canopée. Ses fruits, nommés cabosses, sont des baies de formes oblongue aux couleurs variables, allant du jaune au rouge orangé ou même violet selon les variétés. À l’intérieur de cette cosse se trouve une pulpe blanche et sucrée qualifiée de mucilage. Cette substance, riche en vitamines, contient les graines du cacao. Si le fruit n’est pas ouvert via une intervention animale ou humaine, il pourrit alors directement sur l'arbre sans pouvoir les répandre.
Bien qu’il existe une multitudes de variétés de Cacaoyer, il est communément divisé en 3 groupes :
- Le criollo : originaire d’Amérique centrale et du mexique, il offre des cacaos très fins et très recherchés, mais reste le plus sensible aux maladies.
- Le forestero : développé en Amazonie et en Afrique du sud, il est le plus consommé au monde.
- Le trinitario : genre spécifique obtenu par l'hybridation de deux variétés suite à une catastrophe naturelle sur l'île de Trinidad en 1727. Ce croisement a donné naissance à un cacao combinant résistance aux maladies, rendement et goût raffiné.
Au-delà de sa délicieuse contribution à la culture mésoaméricaine et à notre alimentation actuelle, le cacao demeure une plante ancestrale aux caractéristiques uniques. C'est un arbre cauliflore : ses fleurs (et ses fruits) poussent en bouquet directement sur le tronc. Possédant des organes mâles et femelles, le Cacaoyer est diploïde, et il est également hermaphrodite ! Ses fleurs contiennent à la fois des organes mâles (ses étamines produisent le pollen) et des organes femelles (le pistil contient l'ovule). Néanmoins, l'évolution à doté cette plante du phénomène de dichogamie : Afin d'éviter l'autofécondation et ainsi de nuire à sa diversité génétique, le pistil de la fleur devient réceptif à la fécondation avant que son propre pollen ne soit libéré. Cette stratégie d'évitement de l'autofécondation favorise la diversité génétique et encourage la pollinisation croisée. Par ailleurs, sa fécondation est également conditionnée par la mouche Forcipomyia. Ce diptère (insecte à deux ailes) est un des seuls insectes pollinisateurs capable de pénétrer aux cœur des nombreuses petites fleurs du Cacaoyer. Ainsi, malgré une floraison très importante (plus de 100 000 fleurs par arbre !) seulement 1 % d'entre elles seront pollinisées et permettront la production de cabosses viables.
Enfin, la fermentation de la cabosse est une étape cruciale dans la préparation après récolte du cacao. Elle est essentielle pour développer l'arôme du cacao et afin de réduire l'amertume et l'astringence en dégradant une partie des polyphénols. Ce procédé naturel fait monter la température interne de la cabosse à plus de 50°, il s’appuie sur divers micro-organismes qui vont participer à la dégradation du mucilage. Cette transformation est notamment influencée par la présence de divers insectes, comme les mouches du vinaigre Drosophila melanogaster. Ces dernières, en se nourrissant et en ensemençant les fèves, contribuent au développement des levures essentielles à sa fermentation. Cela entraîne une production d’acide aminés libres, composés organiques précurseurs de l'arôme du cacao, qui procureront au grain ses qualités et son goût amer si spécifique.
Par ailleurs, non seulement le cacao et le Cannabis sont hermaphrodites, mais ils partagent d'autres similitudes : Tous deux produisent une molécule commune, l'anandamide. Ce neurotransmetteur cannabinoïde hérite son appellation du Sanskrit “ananda”, qui signifie béatitude. Présent en plus faible quantité dans le cacao, l'anandamide agit de manière similaire au THC : tous deux jouent un rôle sur notre consommation alimentaire et sur la génération de motivation et de plaisir. Au-delà de ces propriétés énergisante, le cacao est également une source d’antioxydants et un remède pour calmer la toux. Il aide à diminuer la pression artérielle et à apaiser l’anxiété, il renforce les muscles et les os et stimule le foie et la vésicule biliaire. De plus, il facilite la digestion et la circulation sanguine. Le cacao est consommé de bien des manières : les feuilles et la cabosse peuvent même se fumer. Toutes les parties de cette dernière ( l'écorce, les extraits et la poudre) sont encore utilisées aujourd’hui dans la production du tabac : on en retrouve entre 0,3 et 1% dans les cigarettes !
Il semblerait que les Mayas aient discerné avec justesse les bienfaits médicinaux du cacao. Bien que nous connaissions certaines de ses vertus thérapeutiques, à l'instar de celles partagées avec le cannabis, il subsiste cependant plusieurs énigmes. Qui sait quelles autres propriétés nous restent-t il encore à découvrir, affiurmant son statut de "nourriture des dieux” ?