Juin 1995 : publication du premier numéro du magazine Eléphant Rose
Dans les années 70, le magazine Actuel avait fait plusieurs de ses unes sur le cannabis mais en 1995, l’Eléphant Rose a été le premier magazine en kiosque entièrement axé sur le cannabis. La loi française interdit la présentation du cannabis « sous un jour favorable » et l’Elephant Rose a du cesser de paraître après quatre numéros et une lourde condamnation en justice.
La France est l’un des rares pays où il n’est pas possible de trouver de magazine cannabique dans les kiosques ou chez les marchands de journaux. En effet, l’article L-630 du code de la santé publique, en contradiction avec les lois sur la liberté de la presse et la liberté d’expression, permet de censurer les publications et les œuvres artistiques : « Est puni de de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait de provoquer, même lorsque cette provocation n'est pas suivie d'effet, à l'usage de substances présentées comme ayant les effets de substances ou plantes classées comme stupéfiants. Lorsque le délit prévu par le présent article est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »
Le journal bimestriel Elephant Rose a été l’une des victimes de cet article de loi, tout comme les groupes Billy The Kick et Matmatah. Sept ans avant l’arrivée de la version française de Soft Secrets, et à une époque ou internet n’en était qu’à ses débuts, Elephant Rose a été le premier magazine français destiné aux amateurs de cannabis.
Elephant Rose était publié pat Gérard Jubert et sa société Riot Editions. Le premier numéro a débarqué dans les kiosques en juin 1995 avec à la une : Amsterdam, stars fumeuses, mode, musique, BD et le dossier « Fumer rend t-il nigaud ? » Le magazine s’adresse clairement aux amateurs de cannabis et s’interesse à leur culture et à leur style de vie. En 1995, le cannabis est déjà tendance et les stoners se comptent par millions.
Mais la droite est toujours au pouvoir, après l’éléction de Jacques Chirac, et le gouvernement continue d’appliquer une politique prohibitionniste particulièrement stricte. Dés le premier numéro, Gérard Jubert, le directeur de la publication est convoqué à la brigade des stupéfiants « Je pensais que c’était normal, vu que le magazine parlait de cannabis, que les flics me fassent venir au quai des Orfèvres. Je pensais que c’était dans le cadre d’une enquête préliminaire, il n’y avait vraiment rien de grave, je ne pensais pas être mis en examen. Là, j’ai rencontré des gens tout à fait désagréables. » a expliqué Gérard Jubert dans une interview à l’Organe.
Mais c’est à partir du numéro 3, tiré à 100 000 exemplaires, que les choses se compliquent. A la une de ce numéro : le dossier « Sexe et cannabis », avec deux couvertures différentes, une pour les hommes et une pour les femmes. Un gendarme de Beaune-la-Rolande, une commune de 2000 habitants situé dans le Loiret, tombe chez un marchand de journaux, sur la couverture de l’Elephant Rose. La couverture mentionne un concours permettant de gagner une « galette de marijuana ». S’agit il d’un space cake ? Il s’agit en fait d’un disque « Marijuana in your brain » de Lords Of Acid.
Les gendarmes décident alors de saisir les exemplaires dans deux points de vente. « Ces numéros ont juste été retirés à titre expérimental, pour la forme, en un ou deux points de vente pour en montrer la teneur aux services judiciaires. Quand les gendarmes s'aperçoivent de quelque chose de louche comme ça, mieux vaut agir. La drogue est une matière tellement sensible. On a simplement attiré l'attention du procureur qui étudie la question » déclare le capitaine Gaffier, de la gendarmerie de Pithiviers. Le journal n’est pas interdit mais des exemplaires sont saisis arbitrairement partout en France.
La « commission paritaire » refuse de renouveler le numéro d’attribution de l’Elephant rose, dont bénéficient tous les journaux distribués en kiosques et qui permet d’obtenir une TVA à 2,1 % et une aide postale.
Gérard Jubert est par la suite inculpé d’incitation à l’usage et de présentation du cannabis sous un jour favorable. ,Le 10 mai 1996, le procureur requiert 300.000 francs d’amende et 18 mois d’emprisonnement. Après un quatrième et dernier numéro, Gérard Jubert décide de cesser la publication de l’Elephant Rose, sans attendre le résultat du jugement. Le 24 juin 1996, le journal Libération titre : « L’Éléphant rose se retire des kiosques. Il s’adressait aux fumeurs de cannabis, il renonce à sortir avant la condamnation. »
Le directeur de la publication Gérard Jubert est défendu par le célèbre avocat Francis Caballero. Selon l’avocat, « les poursuites et les peines réclamées par le parquet, visaient à mettre le journal à mort et non pas à censurer d'éventuels écarts qu'il aurait pu corriger. Tout cela fait partie d'un refus général du débat idéologique sur la place du cannabis dans la société française » Il est finalement condamné à 300.000 francs d’amende (45 000 euros) et 10 mois d’emprisonnement avec sursis
Olivier F