The Grand History of Cannabis : les fresques cannabiques de Mossy Giant
En 2023, l’artiste hollandais Mossy Giant et le président français du cannabis social club de Barcelone La Crème Gràcia, Stefan Van Swieten, ont lancé un grand projet artistique. Ces passionnés de cannabis organisent chaque année une nouvelle exposition avec des grandes fresques et des tableaux sur l’histoire de la plante. La première fresque concernait l’histoire du cannabis en général. Leur deuxième fresque qui a été dévoilée pendant la « Spannabis week » 2024, intitulée « The Grand History of Cannabis; The Dutch » retrace l’histoire du cannabis aux Pays-Bas. Le journal Soft Secrets et son fondateur sont représentés sur cette fresque. Un livre sur le sujet a également été édité. Chaque année, une nouvelle fresque sur un pays ou un thème en particulier, accompagnés de tableaux seront exposés dans le club. Découvrez ci-dessous notre interview de Stefan Van Swieten.
SSFR : Que faisais-tu avant de t’occuper d’un cannabis club à Barcelone ?
Stefan Van Swieten : J’ai travaillé dans le domaine de la musique. J’ étais spécialisé dans la distribution et l’export de supports physiques, vinyles et CDs. J’étais export manager d’une entreprise indépendante qui distribuait en particulier les artistes de la « French Touch » comme Daft Punk, Bob Sinclar, Gotan Project, les labels Roulé et Versatile, qui avaient beaucoup de succès à l’époque. J’ai habité en Angleterre pendant 6 ans. J’avais monté une bureau de cette société. Puis les téléchargements illégaux sur internet ont commencé au début des années 2000 et j’ai du me reconvertir suite à cette crise. Je me suis donc intéressé au cannabis en pensant que les choses allaient évoluer dans le bon sens et que légalisation allait arriver, ce qui n’a pas été le cas en France.
Comment es-tu devenu président d’un cannabis social club La Crème Gràcia ?
Le CSC existe depuis 2014 et j’ai repris la direction il y a 7 ou 8 ans. J’ai été membre du club, puis secrétaire et enfin, président. Ça été une grande aventure. Je n’ai pas voulu prendre de risques et j’ai essayé de rester le plus proche possible de la ligne qu’il fallait suivre. C’est très difficile de monter un club.
Quel type de problèmes as-tu rencontré ?
Il y a beaucoup de problèmes à affronter. On a reçu des cocktails Molotov sur le club. Des gens voulaient le récupérer. Au départ, ils se sont présentés de manière très délicate. Ils m’ont dit que le club pouvait rapporter 10 fois plus. Ils m’ont proposé de me fournir la clientèle et les produits Et je devais leur reverser 30 %. Mais je n’étais pas intéressé. C’est le manque de légalité qui génère de type de problèmes. Mais je ne regrette pas du tout de m’être lance dans l’aventure.
Vous avez déjà eu des problèmes avec les autorités ?
Non car on se comporte bien. On a déjà eu des inspections de police mais ils savaient déjà qu’on se comportait bien. Pour une inspection, il se mettent devant la porte pendant plusieurs jours avec un compteur pour connaitre le nombre de personnes qui vient dans le club. Et ensuite, ils débarquent.
Les cannabis clubs sont-ils réellement à but non lucratif ?
Nous, on a jamais généré beaucoup d’argent. Il faut tout de même en gagner un peu pour payer les gens qui travaillent dans le club. Il faut aussi payer le local, le comptable, internet, les assurances… On est obligé de rentrer dans une dynamique un peu commerciale. Il y a des gens qui se mettent totalement dans cette dynamique comme s'ils étaient en Californie. Et il y a d’autres clubs, comme le notre, qui restent des clubs de quartier. Mais nous avons aussi des projets culturels. Ce n’est pas un club pour touristes. L’important est de ne pas déranger les voisins et les habitués du club. Il y a des membres qui viennent tous les jours et s’assoient au même endroit. Ce sont principalement des locaux. La cotisation est de 10 euros par an. Il faut avoir une carte de résident pour être membre du club mais il est possible de venir voir l’expo et de rencontrer Mossy sans être membre. D’ailleurs, ce n’est pas le même public qui vient pour acheter de l’herbe ou pour voir l’expo.
Combien avez-vous de membres ?
Nous avons environ 500 membres. Mais il y en a seulement 350 qui viennent toutes les semaines ou plus souvent.
Le cannabis est t-il cultivé par les membres du club ?
Oui, il est cultivé par des membres en indoor et en outdoor.
Quelles sont les variétés les plus appréciés ?
Notre club est situé dans le quartier Gràcia dans le centre de Barcelone. C’est un quartier à la fois populaire et bohème avec beaucoup d’artistes. La plupart des membres cherchent des variétés classiques pas trop chères pour une consommation régulière et pas seulement des variétés à la mode comme la Gelato. Il aiment des variétés comme l’Amnesia ou la Critical. Nous avons aussi des variétés un peu plus chères ainsi que du hasch et des extractions.
Combien d’employés y a t-il dans ton club ?
Il y a au total 5 employés. J’en fait partie car je m’occupe du club le week-end. L’artiste Mossy Giant fait aussi partie des employés. The Grand History of Cannabis est un projet qui doit durer au moins 10 ans et on a voulu lui donner de la stabilité.
Comment avez-vous eu l’idée de créer des fresques historiques sur le cannabis ?
On était juste en train de se remettre du Covid et il y eu les inspections de police ! On cherchait un nouveau concept. Avec Mossy, on se connait depuis longtemps et on s’entend très bien. On se connecte bien artistiquement et on a commencé à travailler sur la Grande histoire du cannabis. On s’est dit que c’était un thème qui nous intéressait. Ça intéressait Mossy en tant qu’artiste. Et moi, j’adore l’histoire et bien sûr, le cannabis. On s’est dit qu’il y avait un truc à faire. On a eu l’idée ensemble. Je voulais faire autre chose que de vendre de l’herbe même si j’adore ça. Et on avait besoin de travailler tous les deux.
Votre première fresque a été réalisée en 2023…
L’objectif de notre première fresque était de dévoiler nos intentions. La fresque couvrait une période allant du big bang jusqu’à aujourd’hui : 4 milliards d’années sur une longueur de 8 mètres. On a tout de suite été enthousiasmé.Et ça a bien marché. On a rapidement eu de l’attention. Il faut faire des expos pour communiquer de manière positive.
C’est donc un projet sur le long terme ?
On s’est dit qu’on allait, chaque année, enrichir une collection d’art sur l’histoire globale du cannabis : tout temps, tout lieu, toute culture ! Ça commence à la préhistoire jusqu’à nos jours et on va essayer de développer des thématiques continent par continent. La deuxième fresque exposée cette année et le livre qui l’accompagne sont sur l’histoire du cannabis en Hollande. L’année prochaine, ce sera sur les Amériques. On a des années de travail devant nous. Nous voulons créer une collection d’art qui tient debout. Les œuvres concernent tous les aspects de l’histoire du cannabis. On s’est focalisé la-dessus. Je trouve que c’est une histoire totalement fascinante et très peu connue même des consommateurs eux-mêmes.
Tu participes toi-même à la conception des fresques ?
Absolument. Nous travaillons ensemble. Mon rôle est de nourrir intellectuellement Mossy et lui, dessine. Je compose des listes d’événements et de personnages intéressants. Je recherche les côtés fascinants ou méconnus de l’histoire. Il faut aussi trouver des choses intéressantes à dessiner. C’est le côté graphique. Quand j’ai fini les recherches, Mossy commence à dessiner et moi, je commence à écrire pour le livre qui accompagne la fresque.
Il y aura donc un livre qui accompagnera chaque fresque ?
Oui, j’ai écrit le livre sur le cannabis en Hollande et il a été révisé par le journaliste hollandais spécialiste du cannabis Derrick Bergman. Il a des compétences que je n’ai pas et il s’est beaucoup investi dans le projet. Sur le shop en ligne de Mossy Giant, on peut acheter le livre et des posters de la fresque. Et il toujours possible de venir voir l’exposition au CSC.
Peux-tu nous citer quelques personnages autour du Soft Secrets sur la fresque sur la Hollande ?
Il y Mila, Wernard Bruining (NDR : fondateur de Soft Secrets), Ed Rosenthal, Ben Dronkers, Sam The Skunkman, Karel Schelfhout, Nevil Schoenmakers, Henk de Vries du coffeeshop The Bulldog. Les deux personnes en bas sont les anciens ministres de la santé et de la justice à l’origine de la révision de la loi sur l’opium en 1976. Ils voulaient la légalisation et ils ont obtenu la tolérance. On peut voir aussi le premier coffeeshop, le Mellow Yellow de Wernard Bruining.
Les ennemis du cannabis sont-ils également représentés ?
Oui, il y a quelques ennemis. Sur la première fresque, il y Harry J. Anslinger, les présidents Reagan, Nixon, Hoover… Sur la fresque hollandaise, il y a même Jacques Chirac qui s’était opposé aux hollandais sur la question des coffeeshops.
Connais-tu les prochains thèmes que vous allez aborder ?
Chaque année, nous allons faire plusieurs tableaux dont une fresque principale qui sera accompagné d’un livre et que nous allons dévoiler pendant la Spannabis. Le prochain pour 2025 sera les Amériques. Ensuite, il y aura, l’Eurasie, que je considère comme un seul continent, l’Espagne, les religions, la prohibition...
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