31 décembre 1970, la grande loi anti-cannabis

Soft Secrets
15 Jan 2018

Dans cette rubrique, nous évoquons les dates importantes qui ont marqué l’histoire du cannabis. Le 12 juillet 1916, une première loi limitait l’usage et la vente des stupéfiants dont le cannabis. Mais c’est le 31 décembre 1970 qu’a été votée à l’assemblée nationale la grande loi prohibitionniste, particulièrement sévère et toujours en vigueur, qui interdit totalement la consommation de cannabis et des autres drogues même dans un cadre privé.


Par Olivier F

La loi de 1916 restreint la vente et l’usage en réunion de produits stupéfiants. La loi du 13 juillet 1922 et le décret-loi du 29 juillet 1939 sont venus renforcer l’arsenal législatif faisant déjà de la France un pays plutôt répressif dans le domaine des drogues. La loi du 24 décembre 1953 intègre pour la première fois un volet sanitaire dans la législation anti-drogue avec l’astreinte de désintoxication.

En France au milieu du 20eme siècle, le cannabis est très peu consommé. « L’utilisation du cannabis comme une drogue est rare dans l’immédiat après-guerre, exclusion faite des minorités culturelles, ethniques ou religieuses traditionnellement consommatrices. Ainsi, dénombrait-on moins de 10 usagers dans le Paris des années 40… » (Que sais-je ? Le cannabis, 1996) En 1954, le film d’Henri Decoin, Razzia sur la chnouf avec Jean Gabin présente de façon très réaliste le trafic de drogue à Paris. Fidèlement adapté du roman d’un spécialiste de la pègre, Auguste Le Breton, le film ressemble à un reportage en nous faisant visiter des lieux ou le trafic de drogue s’est réellement déroulé. A la fin du film, un séquence nous emmène dans un bar parisien ou des hommes d’origine africaine consomment de la marijuana et où tous les consommateurs sont finalement arrêtés par la police. Le cannabis s’est rependu dans le monde occidental grâce à la contre culture américaine.

En France, au milieu des années 60, les jeunes sont fascinés par la scène hippie de San Francisco, se laissent pousser les cheveux et essayent toutes sortes de drogue, dont le cannabis qui revient sur le devant de la scène. Les jeunes font toutes sortes d’expérience et on les appelle alors les beatniks. A cette époque, les amphétamines font partie des drogues les plus consommées et pour la "descente", les opiacés et les barbituriques sont utilisés.

En 1969, plusieurs overdoses d’héroïne sont rapportées par la presse et la drogue devient le fléau N°1, qui menacerait la jeunesse française. Durant l’année 1970 les quantités de drogue saisis en France sont les suivantes : 584 kg d'opium, 208 kg de morphine-base, 149 ampoules de morphine, 69 kg d'héroïne, 499 kg de haschisch, 5.715 doses de LSD. Selon les autorités, les saisies représentent 20 % du marché illicite. En 1970, le docteur Olivenstein, médecin assistant à l'hôpital psychiatrique de Villejuif, évalue à 20.000 le nombre des jeunes qui consomment de la drogue. Le nombre total de consommateurs interpellés est passé de 42 en 1965 à 879 en 1969. Le 3 novembre 1970, M Bernard Lemarié, le rapporteur de la commission des affaires sociales alerte les sénateurs sur les dangers de la drogue pendant l’examen du nouveau projet de loi. « Un intoxiqué consommera facilement de 30 à 50 francs d'héroïne par jour, ou 15 francs de cannabis, ou, s'il est adepte du LSD, 20 à 30 francs par "voyage" »

Comme les free-parties actuelles, les soirées ou après-midi dansantes sont montrées du doigt : « Les "surboums", les surprises-parties sont assez souvent l'occasion de faire des expériences en commun et on peut même se demander si certaines de celles-ci ne sont pas parfois suscitées ou "téléguidées" dans le but intéressé de créer d'éventuels clients ou de contribuer sciemment à la dégradation de notre société. » Suite aux événements de mai 68, le gouvernement a imaginé cette loi anti-drogue pour contrer ces mouvements contestataires et lutter contre ce qu’ils appelaient de façon générale la "dissolution des mœurs".

La préparation de cette loi a donné lieu à certains désaccords. Le ministre de la santé Robert Boulin et plusieurs députés étaient opposés à l’interdiction de l’usage en privé qu’ils trouvaient liberticide mais le ministre de la justice Raymond Marcellin a finalement imposé son point de vue. La loi a été votée le 31 janvier 1970 devant une assemblée quasi déserte, signé par le président Pompidou et les différents ministres et publié au journal officiel le 3 janvier 1971.

Il s’agit d’une loi d’exception comparable aux lois anti terroristes (garde à vue de 96 heures, perquisition à toute heure…) et qui ne fait pas de différence entre les drogues. En théorie, l’usage ou le trafic de cannabis, de cocaïne ou d’héroïne sont sanctionnés de la même façon. Elle comporte un volet sanitaire avec l’injonction thérapeutique et un volet très répressif. Rappelons que l’usage simple peut être sanctionné par un an de prison ferme, la culture ou le trafic de cannabis par 20 ans. Cette loi comporte également l’article L-630 qui punit jusqu’à 5 ans de prison la présentation du cannabis sous un jour favorable, censure les œuvres artistiques et empêche la distribution d’un magazine comme Soft Secrets dans les kiosques.

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