24 Avril 1954, fermeture de la Régie des Kifs et Tabacs

Soft Secrets
02 Jul 2018

Dans cette rubrique, nous évoquons les dates importantes qui ont marqué l’histoire du cannabis. La plupart d’entre nous n’ont connu que la prohibition du cannabis mais la plante n’a pas toujours été interdite. Entre 1912 et 1954, le gouvernement a organisé et contrôlé le commerce du cannabis au Maroc sous protectorat français avec la Régie des Kifs et des Tabacs.


Par Olivier F

Le cannabis psychoactif est couramment appelé kif au Maroc. Ce mot d’origine arabe signifie « bonheur ou plaisir suprême » décrivant ainsi les effets du cannabis. Il se distingue du chanvre textile appelé « qannab ». Le mot kif désigne aussi le mélange de cannabis et de tabac couramment consommé par les marocains.

Usage traditionnel

Selon certains spécialistes, le cannabis aurait été importé au Maroc dès le 7eme siècle. C’est à cette époque que les envahisseurs arabes auraient ramené au Maroc des graines de cannabis d’origine asiatique et moyenne orientale. Selon les historiens, c’est au cours du 15eme siècle que l’usage du cannabis s’est généralisé au Maroc.
A cette époque, le cannabis est cultivé à petite échelle sur l’ensemble du territoire marocain notamment dans le Haouz et le Gharb. Au 18eme siècle, le Rif devient la principale zone de culture au Maroc. Le« Makhzen » (pouvoir central) détient le monopole du kif à partir du 19eme siècle (Mouna, 2009).
Le cannabis est notamment cultivé pour la fabrication de tissus et de préparations médicales : « Vers la fin du dix-neuvième siècle, 90% des besoins de la France en cannabis pharmaceutique provenaient du Rif marocain » (Stefan Haag, 1996)
Au Maroc, le kif est consommé dans une petite pipe en terre appelée sebsi. Les usagers préparent eux-mêmes leur mélange « Le kif de bonne qualité était constitué de sommités fleuries femelles et de leurs bractées, séchées et hachées, mélangées à du tabac à raison de 9/10 de kif pour 1/10 de tabac ou de 2/3 de kif pour 1/3 de tabac. »
Le kif le plus réputé était alors le « Ktamia « , produit à Ketama dans le Rif central. Sa notoriété a commencé dès le 17eme siècle. (Brunel, 1955)

Le protectorat français

Du 16 janvier au 7 avril 1906, la conférence d'Algésiras s'est tenue à Algeciras (Algésiras) sous l'égide des États-Unis. A l’issue de cette conférence, il est décidé que l’Espagne et la France auront des droits particuliers sur le territoire chérifien (Maroc).
Le 30 mars 1912, le traité franco-marocain est conclu à Fès entre la Troisième République française et le sultan marocain, Moulay Abd El Hafid. L’Espagne gagne quelques territoires dans le nord du Maroc dont la région du Rif.
C’est à cette époque que le gouvernement français organise le monopole de la culture et de la vente du cannabis et du tabac. Ces cultures représentent une manne financière et ce monopole permet de garder un contrôle sur la population.

La Régie

La Régie des kifs et des tabacs a obtenu le monopole industriel et commercial du kif et du tabac dans le protectorat français. Plusieurs « dahirs » (décrets royaux) établissent un ensemble de normes juridiques qui réglementent la culture, le transport, la vente et l’usage du cannabis dans la zone française.
La Régie autorise le développement de la culture de cannabis dans des lieux spécifiques : Moyen Atlas (Marrakech), Gharb (Kenitra)… À l’époque, les qualités varient en fonction des lieux de production : zerwalî produit par les Beni Zeroual dans la région Jebala et Gnawî produit dans la région de Marrakech. Pour fabriquer le mélange de kif et de tabac, des usines sont installés à Tanger, Casablanca et Kenitra. Le cannabis est uniquement vendu mélangé avec du tabac. La consommation ne concerne que les autochtones et le kif est rarement exporté.
A cette époque, le cannabis est donc légal dans le protectorat mais certains usagers préfèrent continuer à l’acheter au marché noir. Le cannabis légal est alors plus cher et moins puissant : « Quelques pipes ne suffisent plus, 30 à 40 sont nécessaires, ce qui représente un paquet de kif de la Régie du poids de 10 grammes et du prix de 0,75 Fr. » (Guichard, 1919).

Fin du cannabis légal

Le 12 Novembre 1932, un nouveau dahir approuvé par le gouvernement français et le sultan du Maroc instaure une nouvelle réglementation pour se conformer aux traités internationaux : « Art.43. – La culture du chanvre a kif est prohibée dans toute l’étendue de la zone française de l’Empire Chérifien. Toutefois, la régie pourra faire cultiver du chanvre à kif pour ses propres besoins, en délivrant, a cet effet, des permis spéciaux à tels agriculteurs qu’il lui plaira de designer. »
Le décret du 24 avril 1954 met définitivement fin à cette période de légalisation en rendant invalides tous les articles qui concernent le cannabis. Seul le tabac reste autorisé à la culture. En 1956, le Maroc retrouve sa souveraineté. La culture de cannabis continue pourtant de se développer dans l’illégalité et à partir des années 60, le Maroc devient une destination prisée des jeunes européens.
Le haschich commence à être fabriqué dans les années 70 et le Maroc commence à cultiver dans des quantités industrielles. Malgré la prohibition, le Maroc devient dans les décennies suivantes le premier exportateur mondial de résine de cannabis.
 

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