L’hydroponie biologique ou bioponie
Il existe plusieurs définitions au terme «agriculture biologique». Tout le monde est d’accord sur quelques principes de base tels que: pas de pesticides chimiques ni d’herbicides, et des procédures qui respectent la nature et nécessitent moins d’investissement en énergie.
Par William Texier
concept de «Terre Liquide»
En ce qui concerne l’engrais, c’est simple: pour être reconnu comme biologique il doit être d’origine naturelle (pas d’adjonction de sels minéraux raffinés). Il faut aussi que les éléments minéraux soient introduits sous forme de molécules organiques complexes qui ne sont pas immédiatement disponibles pour la plante, mais qui nécessitent un processus biologique de dégradation pour être transformées en ions. Ceux-ci, une fois dissous dans l’eau, deviennent assimilables.
Par opposition, les engrais minéraux sont directement assimilables. Cette différence est essentielle en culture de plein champs car le principal reproche fait aux engrais minéraux c’est que les sels non absorbés rapidement sont entraînés dans la nappe phréatique par les eaux d’irrigation ou de pluie.
En terre, les bactéries et champignons contenus dans la couche d’humus découpent en 2 parties les molécules organiques: le carbone dont elles se nourrissent, et les minéraux qui sont alors utilisables par la plante, en présence d’eau. Nous sommes bien loin de l’hydroponique avec ses sels minéraux purifiés, dissous, et directement assimilables.
Le nom proposé pour la technologie est «Bioponique». L’idée est de reproduire à l’identique la dégradation qui s’opère naturellement dans le sol en utilisant un certain type d’engrais avec un mélange particulier de bactéries et de champignons pour le digérer. Ces micro-organismes séparent le carbone et s’en nourrissent, comme dans le sol, et libèrent les minéraux qui sont immédiatement dissous dans l’eau sous forme d’ions assimilables.
Dans les cultures à racines nues (aeroponie et aero-hydroponie), ils vivent dans un filtre biologique qui leur procure l’oxygène et le substrat appropriés à leur reproduction. Dans un substrat organique comme la fibre de coco, ils vivent directement dans la zone racinaire. Le brevet pris par Terra Aquatica recouvre l’utilisation de micro-organismes et la formulation d’engrais nécessaire au fonctionnement du système. Le principe va bien au-delà d’un simple changement d’engrais.
La Bioponique est le résultat de plusieurs années de recherches autour d’un concept, celui de «Terre Liquide». En effet, l’engrais biologique n’était que le chaînon manquant. En le combinant avec certains produits déjà disponibles dans le commerce, on peut recréer dans une solution nutritive tout ce que la terre contient d’utile pour la plante : - L’engrais apporte la fraction d’humus et les molécules organiques contenues dans le sol - Les micro-organismes apportent la vie microbienne et participent au cycle du carbone. - L’eau est là bien sûr, et l’oxygène aussi en abondance, si le système est bien conçu.
Il faut y rajouter: - Un acide humique ou fulvique disponible sous forme liquide auprès de nombreuses compagnies. - Silicate, un produit Terra Aquatica, qui apporte de la silice et l’ensemble des métaux et traces éléments de toutes sortes contenus dans le sol. On obtient alors une solution nutritive qui est exactement équivalente à une bonne terre légère, aérée, riche en nutriment et en vie microbienne. Il n’y manque rien qui ne soit utile, juste un substrat inerte qui a le rôle de nos billes d’argile en hydro.
Evidement il est indispensable d’utiliser un engrais spécialement formulé pour cette utilisation étrange : faire du biologique sans terre. (Attention: les engrais biologiques formulés pour la terre ne sont pas utilisables en Bioponique. A l’inverse, un engrais bioponique donnera aussi d’excellents résultats en terre). Si l’hydroponique regroupe déjà sous un seul vocable un ensemble de technologies parfois très différentes, la bioponique se démarque de toutes les autres formes de culture hors sol. Des paramètres aussi primordiaux que la conductivité et le pH deviennent secondaires.
Parce qu’on a transformé la solution nutritive de minérale en biologique et parce qu’on y a introduit la vie, la gestion de la culture est plus difficile. Les rendements ne sont pas non plus les mêmes qu’en hydroponique traditionnelle. Le rapport est à peu près le même qu’entre culture biologique et culture minérale en sol : de l’ordre de 25 à 30 % de rendement en moins. Mais pour compenser, on obtient une forte augmentation de la teneur en sucre et en principes actifs. Il existe un aspect très intéressant à cette culture: on crée très peu de masse végétale par rapport au rendement. Pour un même rendement, disons 1kg de tomate, la quantité de feuilles et de tiges est très inférieur à celle qu’il faut pour récolter 1kg de tomates en hydroponique classique (et même en terre!). Cela en fait une culture très économique car les consommations en eau et en engrais sont beaucoup plus faibles que pour n’importe quel autre type de culture.
Pour réussir une culture Bioponique il faut au moins 3 éléments :
1. Un filtre sur la pompe. C’est très important, surtout quand vous êtes en situation de racines nues directement suspendues dans la solution nutritive. En effet, il faut bien filtrer les plus grosses particules contenues dans l’engrais car elles pourraient asphyxier les racines, surtout par forte chaleur. Il est toujours préférable de n’avoir que des ions assimilables dans la zone racinaire.
2. Des organismes vivants Leur présence permet de reproduire le processus de décomposition du sol. Leurs conditions de vie dans l’eau ne sont pas très confortables car ils n’ont pas autour d’eux la capacité de tampon du sol pour les protéger de brusques changements de température ou de pH. Ils ont aussi besoin de se « fixer » et ne peuvent survivre et se multiplier simplement au fil du courant. Ils ont besoin d’un lieu très oxygéné loin des courants créés par la circulation de la solution nutritive. Ils doivent aussi impérativement rester humides. Secs, ils meurent. En hydroponique on peut utiliser plusieurs types de substrats, dont les plus naturels sont la bille d’argile et la fibre de coco. Si les bactéries peuvent vivre confortablement en fibre de coco, il n’en est pas de même avec les billes d’argile. Elles y sont généralement trop au sec. Dans ce cas, il faut utiliser un BioFiltre qui est tout simplement un filtre du type « aquarium » que l’on place sur le réservoir. Une petite turbine pompe l’eau du réservoir dans le filtre, puis l’eau retourne dans le réservoir. Ce filtre est agencé différemment d’un filtre destiné à l’aquariophilie. Il contient un pré filtre, un substrat approprié, et un mélange spécifique de micro-organismes pour l’ensemencer. 3.
Un engrais adapté. Comme je l’ai dit, n’importe quel engrais biologique n’est pas adapté à ce type de culture. Ils sont en général formulés pour se dégrader lentement en terre, et certains de leurs éléments pourriraient dans l’eau en dégageant une odeur très désagréable; enfin, ils boucheraient les filtres et les injecteurs. Un engrais bioponique doit être liquide ou parfaitement soluble. Il ne doit pas contenir de trop grosses particules et doit être très rapidement dégradable.
Gestion d’une culture en Bioponique
La gestion de la culture bioponique demande de la part du cultivateur beaucoup plus d’attention que pour une culture hydroponique traditionnelle. Non pas en terme de temps passé mais en terme d’examen visuel. La culture bioponique se pilote autant «à l’œil» qu’en suivant des paramètres tels que pH et conductivité. Néanmoins, ceux-ci restent une information importante.
• Le pH Le pH est plus difficile à stabiliser qu’en hydroponique minérale car d’excellents tampons ne sont pas repris sur la liste des produits certifiables bio (les règles de certification étant, dans certains cas, bien arbitraires !). Le pH aura toujours tendance à monter. Toutefois, il n’a pas la même importance en bioponique. On peut le laisser dériver jusque vers 7,5 sans constater de problème. Ensuite il faut que le pH soit rajusté aux alentours de 6, mais progressivement, sur une période de quelques jours. Pour être parfaitement biologique, il faut que le rectificateur de pH soit également biologique. Les pistes sont nombreuses. Un produit est à l’étude qui sera très bientôt sur le marché. En attendant, tolérez quelques ml d’un acide purifié, franchement ça n’altérera pas beaucoup le résultat final. Le pH- liquide de Terra Aquatica contient des tampons organiques. A éviter absolument : acide chlorhydrique et acide acétique (vinaigre, etc.…)
• Les micro-organismes Qu’ils soient dans un BioFiltre ou dans le substrat, ils ne posent généralement pas de problème tant que leur milieu est oxygéné et humide. Il est bon, bien sûr, pour les protéger, d’éviter tout changement brusque dans le système, qu’il s’agisse de température ou de pH. Plus ils seront nombreux et heureux, mieux vos plantes seront nourries. Attention, une baisse importante de pH est un signal d’alarme qui indique avec certitude la mort d’un grand nombre d’organismes. Dans ce cas il faut en trouver la cause, la traiter et réensemencer.
• La conductivité C’est la partie la plus complexe car les molécules organiques n’ayant pas de charge électrique, elles ne sont pas visibles pour votre lecteur de conductivité. Quand vous diluez votre engrais dans l’eau, une toute petite fraction va être immédiatement transformée en ions, donnant une légère conductivité. Avec une dose de 4 à 5 ml/l d’engrais et la conductivité normale des eaux de réseau, on obtient en général une valeur aux alentours de 0,65 (de 0.6 à 0.7). Cette conductivité très basse est généralement suffisante. On ne rajoutera de l’engrais que quand la conductivité baissera en dessous de cette valeur. Au fur et à mesure que des éléments sont libérés, d’autres sont absorbés. La conductivité tend à rester en équilibre autour de ces valeurs. Quand les réserves en matières organiques sont insuffisantes, elle baisse. C’est le moment de rajouter de l’engrais. Ça a l’air simple, mais pour obtenir un résultat optimal, il faut anticiper cette baisse de conductivité et assurer une provision constante de matière organique. D’un autre côté, il ne faut pas en mettre trop car leur dégradation est fonction de la chaleur. Les micro-organismes agissent à des vitesses incroyablement différentes en fonction de la température. S’il y a trop de matière organique dans le système, une montée de température pourrait augmenter la conductivité à un niveau qui tuerait la plante. Il n’est pas toujours simple de trouver le juste milieu, et c’est là que l’œil du cultivateur averti fait la différence.
• La filtration Une simple mousse sur l’entrée de la pompe est suffisante L’engrais ne bouche pas le filtre, mais un bon entretien est nécessaire. Le filtre doit être rince au moins une fois par semaine. Il faut bien entendu arrêter le système lorsqu’on le nettoie.
Conclusion:
La Bioponique et «Terre Liquide» sont le résultat de longues années de recherches et d’études. Le but était simplement de recréer dans des conditions de hors-sol, un processus normal, qui se produit naturellement dans le sol, et qui est à la base de la vie.
Mais, quels sont les avantages, dans ce cas, à éliminer la terre? En fait ils sont assez nombreux:
1. On conserve les avantages de l’hydroponique: Meilleur contrôle de la nourriture, meilleur contact entre les nutriments et les racines, meilleure oxygénation, meilleure répartition de l’eau, accès aux racines pour un examen visuel qui permet de déceler au plus tôt les problèmes racinaires.
2. Pour des citadins, des personnes âgées, ou des gens pratiquant leurs cultures dans des espaces réduits, éliminer la terre représente une économie évidente d’énergie, d’espace, et de sacs de terreau à monter (et descendre!) dans les escaliers.
3. Réduction de la consommation d’eau.
4. Haute teneur en principes actifs. Dans de nombreux endroits de la planète, il n’y a pas assez de terres arables pour nourrir la population. Les sols sont trop acides, trop pauvres, et les ravageurs comme les nématodes y sont trop nombreux. Dans certaines régions il y a surpopulation par rapport aux possibilités de production. C’est le cas de nombreuses îles et petits pays touristiques. C’est dans ces cas-là que l’hydroponique apporte une alternative indispensable à l’importation de légumes et de fruits.
Malheureusement, cette alternative ne pouvait pas jusqu'aujourd’hui satisfaire la clientèle qui réclame des produits d’origine biologique. L’idée d’hydroponique biologique existe depuis de longues années, mais personne ne trouvait le moyen de la mettre en pratique. Par sa nature même, la culture hydroponique se pratiquait toujours avec un engrais minéral. Ceci représentait un frein très sérieux au développement de cette technologie, dans la mesure où il y a de plus en plus de demande pour des produits issus de l’agriculture biologique.
La Bioponique permet ainsi d’ouvrir la culture hors sol vers un nouveau marché potentiel en pleine expansion. Elle permet aussi de réconcilier enfin l’agriculture la plus traditionnelle avec les technologies de pointes utilisées aujourd’hui en serre. Cela pourrait ouvrir la voie à une production horticole mieux raisonnée, tel qu’on commence à le pratiquer dans l’agriculture de plein champs aujourd’hui. En associant la Bioponique à des techniques de luttes intégrée pour lutter contre les insectes ravageurs, on peut espérer dans le futur, une horticulture moins polluante, plus tournée vers la qualité que sur la productivité, avec néanmoins des rendements capables de nourrir une population en expansion continue.
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William Texier est l'auteur de la bible de la culture hydroponique L'hydroponie pour tous (Mama Editions)