L’histoire de la prohibition en bande dessinée
La bande dessinée est souvent associée à la fiction mais depuis les années 90, la BD documentaire ou BD de reportage est en plein essor. En France, La Revue Dessinée est spécialisée dans ce genre de bande dessinée qui se caractérise par l’engagement de ses auteurs.
Par Olivier F
Box Brown est un auteur et dessinateur de bandes dessinées américain basé à Philadelphie. Sa bande dessinée « Cannabis : the illegalization of weed in America » a été traduite en Français et publiée par la maison d’édition québécoise La Pastèque.
Cette BD de 248 pages raconte en détail l’histoire de la prohibition du cannabis aux États-Unis. Alors que cette histoire touche à sa fin, le cannabis devant prochainement être légalisé au niveau fédéral, il est temps de faire le point sur cette guerre à la drogue couteuse et inutile et qui a brisé de nombreuses vies.
L’histoire commence en 1519 au Mexique. Le conquistador espagnol, Hernán Cortés part à la conquête de l’Empire aztèque. « Pendant les conquêtes espagnoles, Cortés, engagé dans une violente campagne coloniale, introduit la culture du chanvre. » Il s’agit au départ uniquement de chanvre industriel. « Au cours des siècles suivants, les cultivateurs notèrent l’apparition de fleurs ou de bourgeons sur certaines plantes. Un jour, ile se mirent à consommer des bourgeons. »
Au 19eme siècle, l’usage du cannabis s’est beaucoup répandu au Mexique et aux environs de 1850, on note pour la première fois l’usage de cigarettes de cannabis, les joints, par les mexicains. « A l’époque, fumer un joint n’était pas illégal même si l’église catholique désapprouvait cet usage. Les usagers inventèrent des mots d’argot : Rosa Maria, Maria Rosa ou… » Au début du 20eme siècle, suite à la révolution mexicaine et à l’afflux de travailleurs mexicains, les premiers articles anti-cannabis à connotation raciste sont publiés dans des journaux américains. Des crimes horribles sont attribués à la consommation de marijuana. Il s’agit en fait de fake news.
La ville d’El Paso au Texas a été la première à interdire la marijuana suite à une bagarre entre des texans et des immigrés mexicains. La marijuana rendrait les mexicains violents, selon la rumeur. « Les mexicains foncent vers vous et vous soufflent la fumée en plein visage. Ou pire !! Ils forcent les écoliers à en fumer. » Un sénateur texan fait alors une déclaration : « Tous les mexicains sont fous et c’est à cause de cette herbe !! »
La prohibition du cannabis a été motivé par le racisme envers les mexicains et les afro-américains. Les mexicains ont importé la marijuana et les ouvriers noirs ont commencé à en consommer eux aussi. « Rapidement, les législateurs américains s’attaquent au cannabis, perçu comme le vice des "races inférieures" »
Les musiciens ont été parmi les premiers à consommer de la marijuana. « Les quartiers rouges comptèrent parmi les rares endroits ou s’instaura une culture du cannabis utilisé à des fin récréatives. » Le célèbre Harry J. Anslinger, à la tête du bureau des narcotiques aux USA pendant 32 ans, est considéré comme le pire ennemi du cannabis. Les musiciens de jazz afro-américains ont eté les grandes victimes de la guerre contre le cannabis. Anslinger détestait le jazz. On se souvient en particulier de son acharnement à poursuivre la chanteuse Billie Holiday.
Dans les années 30, la campagne anti-marijuana est à son apogée avec la production de films comme Reefer Madness. En 1937, le Marihuana Tax Act est voté par le congrès. Cette nouvelle loi n’interdit pas le cannabis mais instaure de nouvelles taxes. En cas d’infraction, les sanctions sont très sévères : jusqu’à 2000 $ et 5 ans de prison ferme.
La convention unique contre les stupéfiants de l’ONU est signée en 1962. « On ne visait rien de moins que l’éradication de toutes les drogues illicites dans un horizon de 50 ans » Signe des grands changements en cours, le cannabis vient d’être déclassifié par l’ONU et n’est plus considéré comme une drogue dangereuse.
Box Brown, Cannabis : La criminalisation de la marijuana aux États-Unis. Éditions de la Pastèque, 248 pages, 20 €