Cultiver du cannabis en République Tchèque
Le cannabis à des fins médicales a été légalisé en République Tchèque dès avril 2013. Beaucoup d'entre nous étaient curieux de voir si le cannabis médical allait faire ses preuves auprès des médecins et des patients et quelle serait l'ampleur réelle du marché médical de cette plante. Cependant, au lieu d'un décollage rapide de cette nouvelle industrie, des temps sombres ont suivi.
Par Mr José (Soft Secrets CZ)
Ce n'est qu'en 2018 que le cannabis médical tchèque est apparu pour la première fois dans les pharmacies. De plus, un seul producteur était autorisé à cultiver du cannabis médical et à approvisionner les pharmacies. Le 1er janvier 2022, une nouvelle modification de la loi est entrée en vigueur, permettant à pratiquement toute personne remplissant des critères légaux stricts de demander une licence pour cultiver, transformer et vendre aux pharmacies ainsi que pour exporter à l'étranger. Est-ce à dire que le secteur tchèque du cannabis a enfin réussi à décoller ?
Début cahoteux
La première licence autorisant une entreprise à cultiver, transformer et vendre du cannabis médicinal a été accordée en 2013 et beaucoup pensaient que cette entreprise avait touché le gros lot. Mais la réalité s'est avérée tout autre. La réticence des médecins à prescrire du cannabis et le petit nombre de pharmaciens disposés à en vendre aux patients à fortement freiné la consommation de cannabis médical. En plus de cela, il y avait des discussions pour savoir si le cannabis avait ou non la qualité requise.
Il a parfois dû être reconditionné et même détruit après la date de péremption. En ce qui concerne le seul producteur national, il y avait aussi le problème d'interdiction d'exportation qui ne permettait pas au cultivateur d'augmenter sa production et d'entrer sur les marchés étrangers.
En 2017, quatre ans après la légalisation du cannabis médical, les pharmacies tchèques ont distribué 1.227 grammes d'herbe séchée. Vous pouvez facilement produire une telle quantité sur un mètre carré en 12 mois et vous n'avez même pas besoin d'avoir beaucoup d'expérience
pour y arriver. Cela s'est beaucoup amélioré en 2021, quand la quantité de cannabis sur prescription est passée à 109 kilogrammes puis, en 2022, à 157 kilogrammes. C'est certainement un volume plus intéressant et c'est uniquement grâce à la nouvelle
couverture de l'assurance maladie publique (parue en janvier 2020) de 90 % pour 30 grammes par mois.
Pourtant, 150 kilogrammes par an est une quantité infime pour les gros producteurs qui doivent s'assurer que leurs installations de culture et de transformation respectent toutes les réglementations, ce qui coûte très cher. Comme nous l'avons dit, depuis janvier 2022, il peut y avoir un nombre illimité de producteurs nationaux de cannabis médical, mais ils doivent évoluer vers une production bien supérieure à la consommation tchèque actuelle afin d'avoir un sens économique.
En tout cas, la République tchèque a définitivement raté un début prometteur il y a neuf ans, lorsque les producteurs locaux auraient pu prendre un avantage sur ceux du Canada, etc. Au lieu de saisir cette chance et de soutenir l'industrie, une structure dysfonctionnelle s'est développée qui a empêché l'émergence d'un environnement concurrentiel normal, peut- être à cause de la peur d'une utilisation abusive des licences ou simplement une réticence à changer les mentalités.
Au lieu de laisser les entreprises locales saturer le marché tchèque et conquérir les marchés voisins, c'est le contraire qui s'est produit: les producteurs canadiens ont dominé le marché tchèque du cannabis médical pendant des années et les producteurs tchèques d'aujourd'hui doivent compter avec beaucoup de concurrence étrangère, même chez eux.
Rattraper le coup avec le CBD
Les deux à trois dernières années ont été marquées par une augmentation du nombre de cultivateurs indoors de variétés riches en CBD. Le plan était clair: optimiser le processus de production et attendre que les autorités commencent à délivrer des licences de culture de cannabis médical. En attendant, les producteurs espéraient financer leurs opérations à partir de la vente de fleurs et de produits CBD. Mais de nouveaux obstacles sont apparus sur la route.
Le premier était une baisse significative du prix des fleurs de CBD en raison d'une saturation totale du marché et le second, une augmentation significative des prix de l'énergie suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. En ce qui concerne les cultivateurs indoors de CBD, la seule nouvelle positive de ces dernières années a peut-être été la popularité croissante du HHC. Il est possible de produire du cannabis riche en CBD puis, de le pulvériser et de le vendre comme du cannabis légal, bien qu'il ait des effets enivrants. Ce n'est probablement pas le rêve de tous les producteurs, mais lorsque vous recevez une facture d'électricité astronomique chaque mois, vous devez fermer les yeux ou fermer votre entreprise.Mais selon mes sources, l'ère du HHC sans aucune réglementation sera bientôt révolue en Tchéquie.
Les premières licences délivrées et d'autres en attente
J'ai déjà mentionné que depuis janvier 2022, l'obtention d'une licence pour cultiver du cannabis médical est soumise à un certain nombre de conditions. Vous devez, entre autres, suivre un protocole de bonnes pratiques agricoles (GAPC) pour la culture: la Good Manufacturing Practice (GMP) pour la transformation et production, ainsi que la Good Distribution Practice (GDP). Selon l'un des premiers titulaires de licence, en vertu des nouvelles règles, l'obtention d'une licence est un processus exigeant. Tout d'abord, il a fallu environ six mois avant que l'arrêté ministériel soit publié, fournissant le cadre nécessaire pour que la loi fonctionne dans la pratique. Deuxièmement, les responsables qui géraient l'ensemble du processus pour la première fois étaient souvent assez mal informés et inexpérimentés en matière de culture de cannabis. Il a donc fallu beaucoup de temps – huit mois pour être précis – pour que la première licence soit délivrée. Et nous parlons d'une licence pour une seule entreprise.
D'autres attendent toujours et, en attendant, elles doivent payer leurs opérations ou faire des bénéfices en vendant du cannabis avec la limite légale de THC, qui est depuis janvier 2022 fixée à 1% en République Tchèque. Construire une installation de culture avec l'ambition d'obtenir une licence de production de cannabis médical nécessite un investissement financier important, mais surtout une dose massive de patience, de courage et de foi en un avenir meilleur. Aucun des producteurs tchèques avec qui j'ai eu l'occasion de parler ne dépend uniquement du marché intérieur. Ils fondent tous leurs espoirs sur leur immense et riche voisin, l'Allemagne – où 9.000 kilogrammes de cannabis médical et de produits dérivés ont été distribués par les pharmacies en 2021, ce qui représente une différence significative par rapport aux 100 à 150 kilogrammes de la Tchéquie par an. Cela signifie que la consommation allemande de cannabis médicinal par habitant est dix fois plus élevée qu'en République
tchèque. Pourtant, la quantité vendue par les pharmacies allemandes n'est pas assez importante pour soutenir tous les producteurs opérant actuellement en Europe et surtout en Amérique du Nord.
Cela signifie qu'en principe, les producteurs tchèques titulaires d'une licence n'ont que peu d'options. Ils peuvent essayer de concurrencer le cannabis médical importé dans les pharmacies tchèques ou pénétrer les marchés du cannabis médical dans les pays voisins et, enfin et surtout, espérer un démarrage rapide du marché réglementé du cannabis récréatif. Que ce soit en République tchèque ou, bien sûr, en Allemagne et peut-être dans d'autres pays. Je n'ai pas pu savoir auprès de sources publiques combien d'entreprises demandent actuellement des licences de culture de cannabis médical en République Tchèque. Personnellement, mon estimation est qu'il peut s'agir d'une dizaine d'entreprises, mais je peux me tromper. Ce qui est certain, c'est qu'aucune d'entre elles n'aura la vie facile sur ce marché, comme cela a déjà été prouvé aux USA et au Canada.
Le marché récréatif allemand sera-t-il assez grand ?
Tout d'abord, nous pourrions nous poser la question rhétorique de savoir si un marché récréatif légal émergera un jour en Allemagne et s'il sera capable de concurrencer le marché noir en termes de prix et de variété. Je crois que le gouvernement allemand réussira à faire changer les lois. Dans l'environnement tchèque, je n'en suis pas si sûr, mais j'espère que ce processus prometteur sera également atteint d'une manière ou d'une autre. Le changement d'attitude envers le cannabis, qui est manifestement moins addictif et moins dangereux pour la société que les drogues légales telles que l'alcool et l et tabac, devient une réalité partout dans le monde et ne peut plus être ignoré.
À l'heure actuelle, les producteurs tchèques de cannabis médical (et potentiellement récréatif) disposent en particulier de deux avantages concurrentiels. Les coûts de construction et d'exploitation sont toujours moins élevés financièrement qu'en Allemagne et ils ont une frontière commune. De plus, si les utilisateurs allemands préfèrent la haute qualité, les producteurs tchèques (bien sûr pas tous) pourraient y arriver. En ce qui concerne la taille du marché allemand du cannabis récréatif, les estimations varient entre 400 et 600 tonnes de fleurs séchées par an. C'est certainement une quantité énorme
et à première vue, il devrait y avoir de la place pour les producteurs tchèques.
Cependant, cela dépendra considérablement des conditions fixées par le gouvernement allemand et dans quelle mesure les importations seront autorisées. L'Allemagne est peut-être un grand pays mais nous ne pouvons pas oublier que l'offre de cannabis sur les marchés légaux en Amérique du Nord dépasse de loin la demande réelle. Ce n'est un secret pour personne qu'une partie de l'excédent est déjà acheminée par divers canaux vers le marché européen. Et de grandes quantités sont même détruites, comme vous l'avez peut-être déjà lu dans Soft Secrets.
Une réforme juridique incertaine
Au moment d'écrire ces lignes, des discussions sont en cours sur ce à quoi pourrait ressembler un marché réglementé du cannabis destiné aux adultes en République tchèque. Autoriser la culture à domicile, les clubs sociaux de cannabis et, bien sûr, la vente dans les magasins agréés - ce sont trois piliers potentiels. L'objectif est d'aboutir à un projet de loi d'ici la fin du mois de mars afin que le processus législatif consistant en des discussions parlementaires, en amendant le projet et en trouvant un soutien suffisant puisse commencer. Et il n'est nullement certain que le projet de loi soit adopté et qu'il devienne une loi. Le gouvernement actuel est composé de cinq partis au sein d'une coalition. Il dispose d'une majorité relativement confortable dans les deux chambres du Parlement tchèque, mais il n'est pas certain que tous les partis de la coalition soient favorables au cannabis récréatif. Un gros nuage plane sur l'opinion des chrétiens-démocrates. À cause d'eux les parrains du projet de loi pourraient bien devoir chercher l'appui de députés de l'opposition. Et cela risque de ne pas être facile, surtout après des élections présidentielles tendues qui ont creusé les divisions entre la coalition au pouvoir et l'opposition. L'opposition actuelle est essentiellement composée de deux partis populistes. Il est difficile d'imaginer à ce stade que quiconque de l'opposition accepterait le plan de la coalition à cinq pour réglementer le cannabis.
Malgré le fait que la majorité des Tchèques soient favorables à la réglementation du cannabis, la question reste très sensible pour certaines personnalités politiques et clairement taboue pour de nombreux électeurs des partis populistes. En 2024, il y aura des élections sénatoriales et régionales en République tchèque. Cette année est donc idéale et peut-être la seule chance de faire passer la réforme avant que ne commencent les impitoyables campagnes pré-électorales. Je souhaite sincèrement à tous les producteurs de cannabis tchèques que le projet de loi sur la légalisation soit approuvé et devienne une loi.