Usage thérapeutique du cannabis: pas en France!
Dominique Loumachi condamné pour usage et détention de stupéfiant
Dominique Loumachi condamné pour usage et détention de stupéfiant
Alors que le recours au cannabis médical ou thérapeutique est de plus en plus répandu dans les pays développés, la France fait une nouvelle fois figure d'exception.
Mercredi 13 mars, le tribunal correctionnel de Belfort a refusé de reconnaître à un patient atteint de myopathie le droit de fumer du cannabis pour des raisons thérapeutiques, le condamnant à 300 euros d'amende avec sursis. Dominique Loumachi, âgé de 40 ans, comparaissait pour "usage et détention de stupéfiant" en décembre 2012. Les autorités avaient saisi des pieds de cannabis qu'il faisait pousser chez sa soeur.
Mise à jour, mercredi 13 mars: Dominique Loumachi a été condamné 300 euros d'amende avec sursis par le tribunal correctionnel de Belfort.
Une décision qui survient alors que la ministre de la Santé Marisol Touraine s'est prononcée en faveur de l'examen du dossier du Sativex, un médicament à base de dérivés du cannabis, le 28 février dernier.
"État de nécessité"
Dominique Loumachi se déplace en claudiquant, parfois à l'aide d'une canne. Atteint d'une maladie incurable depuis l'enfance, une myopathie caractérisée par l'inflammation et la dégénérescence des fibres musculaires, son quotidien est ponctué de douleurs, de séjours à l'hôpital et surtout de lourds traitements médicamenteux.
Mais il est un traitement qui le soulage, un traitement qu'il s'administre lui-même. Depuis 1992, Dominique Loumachi fume, infuse ou cuisine du cannabis.
"Je suis condamné, ma maladie est incurable et seul le cannabis me soulage," explique t-il. Déjà condamné, le malade l'est une seconde fois par la justice cette fois-ci. "L'article 122-7 du code pénal permet d'enfreindre la loi, en cas de nécessité et je me battrai pour le faire appliquer", plaide Dominique Loumachi, qui affirme qu'il continuera à fumer malgré tout.
Son avocat, Maître Jean-Charles Darey, a plaidé la relaxe, en s'appuyant sur l'arrêt de la cour d'appel de Papeete (Polynésie française) du 27 juin 2002, qui a relaxé un homme paraplégique utilisant du cannabis pour calmer ses douleurs.
"Je me battrai tant que cet état de nécessité n'aura pas été reconnu par la justice, quitte à aller devant la Cour européenne des droits de l'homme", a prévenu Dominique Loumachi. Compréhensif, le parquet n'a requis que 300 euros d'amende avec sursis, mais Dominique Loumachi entend bien faire valoir son droit de malade. Lors de l'audience, il a été soutenu par un médecin belfortain, le neurologue François Ziegler qui a attesté par écrit que le patient souffrait de "douleurs neurologiques pour lesquels du cannabis peut être bénéfique en traitement adjuvant de la douleur".
L'État peut-il légitimement interdire à un patient la consommation d'un produit dont les effets thérapeutiques lui sont bénéfiques? Non, estime son avocat maître Jean-Charles Darey qui a plaidé "l'état de nécessité" affirmant que son "client se trouve dans un état de douleur qui l'oblige à violer la loi sur les stupéfiants en consommant du cannabis pour moins souffrir", une disposition prévue par l'article 122-7 du code pénal.
Celle-ci admet qu'un individu peut enfreindre la loi pour "accomplir un acte nécessaire à (sa) personne", s'il fait "face à un danger actuel ou imminent". Mais maître Darey s'est aussi appuyé sur un arrêt de la cour d'appel de Papeete. En 2002, elle avait relaxé un homme paraplégique utilisant du cannabis pour calmer ses douleurs.
Prochaine étape pour Dominique Loumachi, la cour d'appel. "Je ne demande pas qu'on légalise le cannabis, qui reste une drogue, mais seulement qu'on tolère son usage thérapeutique, sur ordonnance, pour les malades."
Une exception française
Pas de légalisation du cannabis mais une simple autorisation, une disposition qui semble relever de l'évidence. Car l'usage thérapeutique du cannabis est autorisé dans plusieurs pays européens. C'est notamment le cas des Pays-Bas, de l'Allemagne, de l'Italie, du Royaume-Uni, mais aussi du Canada, de l'Australie et de certains Etats américains. Autant de décisions qui ont été appuyées par la recherche dont les études confirment les unes après les autres les bienfaits du cannabis thérapeutique.
Des études qui se suivent mais ne se ressemblent pas. Et pour cause, elles sont nombreuses, à l'image de la diversité des indications possible du cannabis thérapeutique.
Spasmes musculaires, sclérose en plaque, épilepsie, douleurs chroniques, pathologies neurologiques, stimulation de l'appétit ou prévention des nausées ou des vomissements, des dérivés comme le cannabidol pourraient même guérir certains cancers.
Alors comment expliquer les réticences du corps politique et médical? Selon le professeur Michel Reynaux, chef du service d'addictologie de l'hôpital Paul Brousse à Villejuif, le problème c'est "la représentation que le grand public se fait des dangers du cannabis".
Car la question se superpose à un autre débat, celui de la légalisation du cannabis relancé par les cannabis social clubs. Déclarés en préfecture depuis le 4 mars, ils revendiquent un usage responsable et modéré du cannabis, y compris thérapeutique.
Aux Etats-Unis, l'autorisation du recours au cannabis thérapeutique s'est de facto muée en légalisation qui ne dit pas son nom, créant un véritable business de la marijuana médicale que personne ne semble remettre en cause aujourd'hui.
En France, l'opinion française semble d'ailleurs avoir évolué sur cette question. En février, un sondage YouGov/Le HuffPost que les Français considèrent que l'alcool est une substance plus dangereuse que le cannabis.
Malgré cette évolution manifeste des mentalités, seul un dérivé cannabinoïde, le Marinol, peut actuellement être prescrit pour des douleurs douleurs chroniques en France. Toléré dans le cadre d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU), une procédure réservée à des pathologies pour lesquelles il n'existe pas de traitement approprié, beaucoup de médecins renonceraient même à le prescrire.
Signe d'ouverture, le 28 février dernier a été le témoin d'une légère avancée lorsque la ministre de la Santé, Marisol Touraine a demandé à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) d'étudier le dossier du Sativex, un spray à base de dérivés du cannabis, disponible dans la plupart des pays européens pour soulager des patients atteints de sclérose en plaque.
Mais son éventuelle mise sur le marché
ne demeurera qu'un vœu pieux si le décret interdisant l'utilisation des dérivés du cannabis à visée thérapeutique n'est pas modifié.
Source: http://www.huffingtonpost.fr/