La médecine naturelle au cannabis: une course d'obstacles

Soft Secrets
01 Dec 2014

La situation allemande


La situation allemande

De nombreux pays de l’UE autorisent à présent le Sativex mais ses indications demeurent très limitées en Allemagne. Il en va de même pour le Dronabinol (Marinol), pour lequel la prise en charge de la substance qui intervient dans la préparation de THC-Pharm est généralement refusée par les organismes d’assurance maladie. Le Dronabinol étant encore beaucoup plus cher pour les patients allemands que les têtes de chanvre médicinal, elles-mêmes déjà excessivement coûteuses en république fédérale, il ne peut souvent pas se poser comme une alternative à l’herbe cultivée chez soi ou issue du marché noir.

Tout juste trois cents patients traités avec du cannabis et domiciliés en Allemagne disposent d’une dérogation leur permettant d’importer des têtes de cannabis médicinal néerlandais produites chez Bedrocan. Aux Pays-Bas, ces têtes coûtent aux patients entre six et sept euros en fonction de la pharmacie dans laquelle on les achète. En Allemagne, le même médicament revient de 15 à 20 euros le gramme. Bien entendu, la caisse d’assurance maladie ne le prend pas en charge, car il ne s’agit pas là d’une préparation autorisée, mais d’une dérogation accordée pour un médicament non autorisé en Allemagne.

À l’exception de l’autorisation du Sativex, la politique allemande a également montré qu’elle n’était pas disposée à faire des compromis de son propre gré. Tous les droits dont disposent actuellement les patients traités au cannabis ont dû faire l’objet d’actions en justice au cours de ces dix dernières années. Les tribunaux vont devoir continuer à traiter les affaires liées à la culture individuelle pratiquée par les patients dans la mesure où il est évident que l’office fédéral des narcotiques ira en appel contre Günter Weiglein et deux autres patients. Cela signifie que les intéressés n’ont toujours pas les moyens d’acheter leur médicament et ne sont pas autorisés à le cultiver eux-mêmes, malgré le jugement positif rendu cet été.

Les coûts des têtes de cannabis médicinal ne sont par ailleurs toujours pas pris en charge et de nombreux patients se plaignent de difficultés de livraison. Ainsi, la variété Bediol, qui présente une teneur en CBD élevée, sera à nouveau disponible pour les patients allemands au plus tôt à la fin de l’année. L’Allemagne ne dispose pas non plus d’une agence du cannabis alors même que celle-ci est censée être mise en place par les Länder bénéficiant d’un programme de cannabis thérapeutique. Il existe bien des dispositions administratives pour les patients traités avec du cannabis, mais il n’y a pas de procédure standardisée permettant d’obtenir une dérogation pour les têtes de cannabis médicinal. Le chemin que les patients potentiels doivent emprunter est intrinsèquement long et semé d’embûches mais il est nécessaire de le suivre. Ce bref aperçu doit être vu comme un compte-rendu de la situation actuelle et une réponse aux questions les plus urgentes, qui n’ont cessé de se poser dans le cadre du premier rassemblement de patients à Berlin.

Sur ordonnance : Dronabinol & cie

 Les médecins de toutes spécialités peuvent prescrire le Dronabinol (« Marinol »), le Nabilon et le Nabiximols (« Sativex ») sur une ordonnance de stupéfiants. En principe, les médicaments à base de cannabis peuvent être prescrits pour toutes les maladies pour lesquelles le médecin et le patient s’attendent à un succès thérapeutique.

Pour le Cannabidiol (CBD), l’ordonnance de stupéfiants n’est pas nécessaire. Le CBD est commercialisé comme substance intervenant dans les préparations pharmaceutiques par l’entreprise de Francfort THC-Pharm et il peut être prescrit sur simple ordonnance. Mais là encore, la prise en charge par les caisses d’assurance maladie est inexistante et la question demeure en suspens quant à son avenir.

 De même pour les autres médicaments, sauf le Sativex dans le cas d’une sclérose en plaques, la prise en charge constitue l’exception plutôt que la règle. Dans le cas du Dronabinol en particulier, pour lequel il existe trois indications officiellement reconnues (la perte d’appétit liée au HIV, à la sclérose en plaques et au cancer), les caisses de maladie avancent volontiers l’argument d’une utilisation hors indication (« Off-Label Use ») quand il est question d’une prise en charge pour les patients souffrant de douleurs qui ne présentent aucune des trois indications. Beaucoup de médecins ont peur de prescrire des préparations au cannabis sur ordonnance remboursable, car une fois la prise en charge effectuée, la caisse se retournerait ensuite contre le médecin.

Un médecin de Potsdam, qui a sauvé la vie d’un patient atteint d’un cancer de la langue avec du Dronabinol, a dû un jour rembourser 70 000 euros à la caisse, avant de gagner le procès qui a duré des années contre l’assurance. Cette incertitude sur les ordonnances remboursables, qui peut leur coûter très cher, dissuade également de nombreux médecins de prescrire des préparations au cannabis sur des ordonnances de médicaments pris en charge par l’assurance-maladie. Pour faciliter la prise de décision du médecin qui est prêt à prescrire une préparation au cannabis, il faut lui demander une ordonnance de médicaments non remboursés. On prend alors les frais à sa charge et l’on peut également demander le remboursement à la caisse.

Préparation prête à l’emploi ou têtes – l’important est le fait d’avoir épuisé tous les traitements possibles

 Au fil des ans, de nombreux patients ont toutefois remarqué que, dans leur cas personnel, le produit naturel fonctionne mieux que le médicament à base d’extrait. Les premiers patients ont dû quémander une autorisation d’importation ; il existe désormais une procédure bien définie pour la délivrance d’une telle autorisation. Une demande de dérogation doit être faite conformément au chapitre 3 alinéa 2 de la loi fédérale sur les stupéfiants (BtMG).

Malheureusement, à ce jour, pratiquement aucun médecin ne s’est lancé dans cette course d’obstacles bureaucratiques. Lorsqu’il évoque le cannabis auprès du médecin de famille, il arrive souvent que le patient ne soit pas pris au sérieux. Il est difficile de trouver un médecin qui connaisse le cannabis en tant que médicament et forme de thérapie alternative, et qui sache également qu’il est possible de prescrire facilement du Dronabinol, du Nabilon ou du Sativex. Dans le cas de certains signes cliniques, il peut être prescrit immédiatement, tandis que pour des diagnostics tels que des douleurs chroniques ou l’épilepsie, le patient doit être considéré « incurable ». « Incurable » signifie que l’utilisation des médicaments conventionnels s’est révélée peu efficace, voire sans aucun effet. Le patient doit en outre montrer sur une durée de trois mois dans quelle mesure l’efficacité de la médecine traditionnelle s’est révélée insuffisante. Pour ce faire, le médecin et le patient dressent un procès-verbal de la douleur ou de la fréquence des crises. Si l’on juge que le patient a épuisé tous les traitements, le médecin peut alors également prescrire des préparations au cannabis pour d’autres indications que celles officiellement reconnues.

Demande de dérogation pour les têtes de cannabis thérapeutique en provenance des Pays-Bas

De nombreux médecins ayant déjà travaillé avec le Dronabinol ou le Sativex ignorent même l’existence de la « dérogation prévue au chapitre 3 alinéa 2 de la loi fédérale sur les stupéfiants (BtMG) pour l’acquisition et l’utilisation de têtes de cannabis dans le cadre d’une auto-thérapie faisant l’objet d’un suivi et d’un accompagnement médical » évoquée précédemment. L’assistance apportée à un patient lors de la demande constitue aussi une expérience totalement nouvelle pour les médecins, expérience qui les effraie encore un peu plus.
Les patients potentiels devraient présenter la demande imprimée au médecin. La lecture de l’article intitulé « Le pouvoir thérapeutique du cannabis et des cannabinoïdes » du journal médical Ärzteblatt peut également être utile. Un article médical spécialisé est généralement plus efficace qu’un long travail de persuasion de la part d’un patient.

Dans quels cas le cannabis est-il utile comme médicament ?

En ce qui concerne les indications, on distingue en principe les maladies pour lesquelles :
  • le cannabis thérapeutique a fait l’objet de recherches poussées ;
  • il existe déjà des dérogations pour les diagnostics ;
  • des utilisations plausibles peuvent être démontrées, pour lesquelles on ne disposait jusqu’à présent que de données empiriques.
Pour certaines maladies, l’utilisation du THC ou du CBD de façon combinée est efficace ; pour d’autres au contraire, seul l’un des deux composants agit efficacement sur les symptômes. Le Dr Franjo Grotenhermen, Président de l’association pour le cannabis en médecine, invoque les diagnostics suivants : spasticité, troubles moteurs, états de douleur, perte d’appétit et amaigrissement, nausées et vomissements, glaucome, épilepsie, symptômes de sevrage, asthme, maladie d’Alzheimer, dépressions, inflammations, allergies, démangeaisons, ainsi que les troubles de l’attention TDAH et TDA. Le magazine et le site Internet de l’ACM (« Arbeitsgemeinschaft Cannabis als Medizin », association pour l’usage du cannabis en médecine) publient en permanence des informations mises à jour sur les dernières avancées de la médecine à base de cannabinoïdes.

Quels diagnostics justifient la dérogation ?

 La plupart des patients qui possèdent une dérogation souffrent de : douleurs chroniques, sclérose en plaques, syndrome de Gilles de la Tourette, troubles dépressifs, TDAH ou d’épilepsie. Les diagnostics tels que la maladie de Crohn ou le glaucome sent encore relativement rares. Une liste de tous les diagnostics servant jusqu’à présent de base pour les autorisations d’importation de cannabis Bedrocan se trouve dans le Rapport alternatif sur les drogues (Alternativen Drogenbericht) de l’association akzept e.V.

Exactement comme pour la prescription de préparations au cannabis, la dérogation qui concerne les têtes de cannabis thérapeutique est en principe possible dans le cas de nombreuses maladies. La justification doit être faite par le biais de la littérature scientifique correspondante prouvant l’efficacité du médicament, ou par des documents présentant les effets thérapeutiques sur le plan individuel. L’« amélioration de l’état subjectif » peut également représenter un avantage sur le plan médical, dans la mesure où l’on peut le prouver par un document. Dans le cas de maladies rares et peu explorées, il est souvent difficile de produire un justificatif. Un médecin spécialisé et un spécialiste de la médecine à base de cannabinoïdes doivent alors travailler ensemble sur la demande, l’autorité qui délivre l’autorisation réclamant une évaluation du bénéfice et du risque liés à l’utilisation du cannabis. L’institut fédéral pour les dispositifs médicaux et les produits pharmaceutiques (BfArM) doit pouvoir comprendre, en s’appuyant sur la documentation fournie, pourquoi le cannabis est le seul médicament produisant un effet positif sur la maladie de l’individu, faute de solutions thérapeutiques alternatives appropriées et disponibles.
Toutes les informations utiles aux patients, aux médecins et aux pharmaciens lors du dépot de la demande ainsi que pour la prescription des médicaments au cannabis tels que le Dronabinol, le Nabilon et le Sativex se trouvent dans la « note explicative sur la demande de dérogation pour l’utilisation de cannabis à des fins thérapeutiques auprès de l’office fédéral des narcotiques » du Dr Franjo Grotenhermen.

Conclusion

Suivant l’indication, il est moyennement difficile d’obtenir sur prescription des préparations à base de cannabis prêtes à l’emploi. Lorsque la variante végétale entre en jeu, cela devient compliqué, mais pas impossible. Plus que jamais, l’Allemagne doit bon gré mal gré approvisionner les patients en cannabis, certains patients s’étant plaints. Le transport et la distribution en Allemagne coûtant entre 9 et 14 euros le gramme, l’importation est onéreuse et finit même par surpasser le prix des têtes de cannabis elles-mêmes. Le gouvernement allemand refuse depuis des années de produire le médicament sur le territoire national, parce qu’on ne veut pas mettre en place une agence du cannabis. Une agence du cannabis implique en effet la réglementation et surtout la normalisation des médicaments naturels au cannabis. Et pour un pays comme l’Allemagne où le lobby pharmaceutique est le plus puissant de l’UE, ceci n’est pas souhaitable. C’est pourquoi le modèle de l’importation, y compris la monstruosité bureaucratique que l’on appelle « dérogation prévue au chapitre 3 alinéa 2 de la loi fédérale sur les stupéfiants (BtMG) », a été créé. On se protège ainsi de nouvelles plaintes d’autres patients et l’on veille à ménager des obstacles énormes, que de nombreux malades ne peuvent surmonter seuls. Du moins jusqu’à maintenant.

 Source : http://sensiseeds.com/

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