Dispensé de peine. Mais condamné quand même. «Je suis coupable… de quoi ? Coupable de vouloir survivre !» s’est étranglé lundi, Bertrand Rambaud à la sortie du tribunal de Strasbourg. Il fera appel, espérant obtenir la relaxe. L’homme, séropositif depuis trente ans, comparaissait pour usage, détention et production de cannabis (lire Libération de lundi). Les policiers avaient saisi sa culture à son domicile début avril, soit une vingtaine de plants, ainsi que 600 grammes d’herbe : des fleurs et des feuilles qu’il utilise en phytothérapie.
A l’audience, son avocat, Me Breham, martèle avec force : «Bertrand Rambaud a consommé, consomme et consommera du cannabis.» Car la substance lui permet de supporter les effets secondaires de la trithérapie, de soulager les douleurs. «Le cannabis est un traitement indispensable pour sa survie […]. Il fait partie intégrante de son traitement et de façon déterminante», témoignait par écrit son médecin traitant. C’est «une démarche naturelle et humaniste de revendication d’accès aux soins», écrivait quant à lui Daniel Vaillant, député socialiste de Paris et ancien ministre de l’Intérieur, qui défend une «légalisation contrôlée» du cannabis en France. Onze témoignages ont ainsi été versés. A la barre, un malade, membre de l’association présidée par Bertrand Rambaud, l’UFCM-I Care. Séropositif également, il raconte à la cour que c’est «un médecin des urgences de la Pitié-Salpêtrière» qui lui a conseillé, lors d’une énième hospitalisation, d’«essayer le cannabis parce que ça soulage les spasmes».
«Les faits sont reconnus et même revendiqués, […] mais en l’état actuel de la loi, c’est un délit puni de dix années d’emprisonnement […] et il n’appartient pas aux juridictions d’élargir la pharmacopée», lance le procureur avant de réclamer trois mois d’emprisonnement avec sursis. Auparavant, dans son réquisitoire, il a écarté la dispense de peine, estimant que «ce serait une dépénalisation de fait» du cannabis. Me Breham a plaidé la relaxe, arguant de l’état de nécessité de son client (art. 122-7 du code pénal). «Soit il respecte la loi et meurt. Soit il la viole et ne meurt pas […]. La relaxe n’est pas un mépris de la loi, le mépris, c’est de condamner sur la base d’une loi inapplicable.» Le texte de 1970 qui appartient au code de la santé publique et sur le fondement duquel Bertrand Rambaud a donc été condamné.