Les méfaits de la légalisation du cannabis
Par William Texier Depuis longtemps, pour certains d'entre nous presque toute une vie, nous attendons la légalisation de la plante de cannabis dans ses différents usages. Nombreux sont ceux qui ont payé un lourd tribut dans la tristement célèbre guerre contre la drogue. Combien de vies ruinées et de propriétés saisies ? Combien d'années de prison pour des personnes non-violentes, dont le seul crime était d'augmenter la biomasse de la planète. Pour quoi à la fin ? Pour la plupart des producteurs traditionnels, cette « légalité » nouvelle est un cauchemar. La côte ouest des Etats Unis est un bon exemple des problèmes causés par la légalisation du cannabis.
Cet article ne peut pas rendre l’ampleur du phénomène et de l’explosion des cultures depuis que les états de la côte pacifique ont légalisé l’usage récréatif du cannabis. Les chiffres du nombre de tonnes produites, des surfaces exploitées, de l’argent investi et le chiffre d’affaire global de l’industrie du cannabis sont tellement démesurés, qu’il est difficile de visualiser ce qu’ils représentent.
La situation en Californie est complexe. Le prix de vente au public des produits du cannabis dans les dispensaires est élevé, mais les producteurs sont mal payés. Certains cultivateurs sont légaux, d'autres non, et ils continuent d'être arrêtés pour avoir cultivé de la marijuana. La légalisation ne signifie pas que tout est légal du jour au lendemain. Vous devez avoir un permis pour cultiver du cannabis commercialement, et payer des impôts. Pour compliquer les choses, chaque comté peut établir ses propres règles en matière de licence de culture. D'ailleurs, une licence est requise pour presque toutes les étapes : la culture, l'extraction, le transport, la vente, et je suis sûr d’en oublier certaines.
Si l'idée de la légalisation visait à donner un statut légal au cultivateurs traditionnels, après des décennies d'une "guerre contre la drogue" improductive, alors c'est un échec. La plupart des producteurs vivent dans des régions éloignées, où ils ne peuvent obtenir de permis, tandis que d'autres vivent dans des collectivités où ils ne répondent pas toujours aux normes exigées par les municipalités. Certains d'entre eux font faillite, d'autres approvisionnent un marché noir, comme d'habitude. Les taxes augmentent les prix, créant de la place pour un marché noir. Cela dit, les dispensaires sont soumis à un contrôle strict.
La volatilité des prix est une autre cause de la faillite des producteurs. Si vous ne possédez pas de licence, vous ne pouvez pas vendre à un dispensaire, seulement au marché noir. Parfois, il est saturé et le prix est bien inférieur aux attentes du producteur. L'État voisin de l'Oregon en est un bon exemple. Quand l'Oregon a légalisé l’usage récréation, en 2015, beaucoup de gens ont commencé à cultiver du cannabis, pensant que c'était la poule aux œufs d'or. L'Oregon a une petite population, incapable de fumer toute cette herbe. N'oubliez pas que traverser la frontière d’état avec du cannabis est un crime, car il est toujours illégal au niveau fédéral (jusqu'à quand ?). C'est aussi une autre étrangeté de la situation : tous les États de l’ouest ont légalisé l’usage récréatif, mais il y a toujours cette frontière entre eux qu'ils ne peuvent pas franchir. C'est pourquoi, lorsque le Nevada a légalisé la consommation de cannabis, en juillet 2017, Las Vegas (environ 40 millions de touristes par an) a été en rupture en à peine plus d’une semaine. (Rassurez-vous, pour une courte période)
Qui cultive du cannabis de nos jours en Californie ? Eh bien, si vous avez assez d’argent pour acheter la bonne installation, faire les bons investissements, obtenir les licences, alors vous pouvez envisager de vous lancer dans cette entreprise, et beaucoup de gens le font. Les activités de culture et d'extraction appartiennent en grande partie à de riches investisseurs ou des groupes d'investissement.
La production est diversifiée :
Le cannabis peut être produit en masse, dans de grands champs comme le blé (moins dense). Dans ce cas, les plantes ne sont pas correctement alimentées, la qualité est médiocre et le prix bas, mais le modèle économique est de toute façon basé sur une production de masse. Ce modèle est très répandu en Californie du Sud, notamment autour de Santa Barbara où se trouvent les plus grands champs. Ensuite, il y a d'autres investisseurs et des producteurs plus traditionnels qui cultivent d'énormes plantes de qualité à l'extérieur, ou des plus petites à l'intérieur dans des serres équipées d'une feuille de plastique noir amovible pour contrôler la lumière. Cette technique permet plus d'une récolte par an. Le plus remarquable, c'est la taille de ces plantes en plein air ; maintenant qu'il n'y a plus besoin de se cacher, les cultivateurs prennent plaisir à cultiver d'énormes plantes rarement vues auparavant. Leur produit se vend à un prix élevé. En dehors de ces deux catégories, il y a la production pour le marché noir, généralement de bonne qualité ; et puis il y a les hybrideurs, très nombreux. Ceux-là essaient d'améliorer les variétés produisant du THC, mais ils sont aussi à la recherche de meilleures plantes pour en extraire du CBD, que beaucoup pensent être la véritable poule aux œufs d'or des prochaines décennies.
Les modes de production sont principalement le sol pour l'extérieur et la culture hydroponique dans les bâtiments. Les fibres de coco et autres substrats à base de fibres gagnent du terrain.
Un autre aspect qui n'était pas prévu au moment de la légalisation est l'environnement. Dans certains endroits, l'explosion soudaine des champs de cannabis s'est transformée en cauchemar écologique. L'excès de consommation d'électricité et d'eau pèse lourdement sur les ressources locales. Les solutions nutritives, encore riches en minéraux, sont déversées dans l'environnement ; l'utilisation imprudente des pesticides contamine la nature environnante et les eaux souterraines. On trouve parfois sur le marché des fleurs avec des résidus de pesticides.
La plupart des cultures poussent sur des nutriments minéraux, la culture biologique est une exception. Après tout, quand vous achetez une e-cigarette, vous souciez-vous de la façon dont la plante a été cultivée ?
En résumé, à l'heure actuelle, tout ce secteur de la production est chaotique. Même si certaines personnes à différents niveaux essaient d'améliorer la situation, la mise en place de réglementations est lente, tant au niveau de l'État qu'à celui des comtés. Pour l'instant on peut dire qu’avec la légalisation, tout a changé mais rien n'est résolu.
Le mode de consommation évolue également. La plupart des utilisateurs préfèrent fumer des extraits dans les e-cigarettes plutôt que le « bud » traditionnel. En outre, toutes sortes de confiseries sont à la mode ; ils ont des doses assez faibles pour que les consommateurs ne se sentent pas submergés par leur effet. Les produits contenant du CBD sont très recherchés et pourraient même dépasser les ventes des produits riches en THC dans un avenir proche. Les progrès concernant les utilisations médicinales du cannabis s'accélèrent, d'importantes sommes d'argent étant investies dans la recherche.
Le Canada est le prochain Eldorado. Puisque le Canada va légaliser le cannabis au niveau fédéral, la plus grande partie de l'argent investi dans le cannabis l’est au Canada, et en quantités énormes. Lorsque la nouvelle législation sera en vigueur, cela aura des répercussions sur l'ensemble de la scène du cannabis en Amérique du Nord, et peut-être dans le monde entier.
Dans le cadre d'une belle initiative, de nombreux comtés annulent les condamnations liées à la marijuana. Cela aidera beaucoup de gens qui ont été exclus d'un emploi officiel en raison de leur casier judiciaire.
Pour "l’industrie d'approvisionnement", les engrais, les systèmes de culture, le terreau, l'éclairage, la ventilation, etc.... les temps changent également. Jim Hagedorn, PDG de Scotts Miracle-Gro veut dominer l'industrie du cannabis. Il a dit dans une interview de 2015 qu'il va dépenser 500 millions de dollars pour acheter cette branche de l'industrie du jardinage (aujourd'hui le chiffre des investissements est plus proche du milliard). À son crédit, il a réussi à convaincre un conseil d'administration plutôt tres conservateur de suivre son point de vue.
Scotts Miracle-Gro est une multinationale basée à Marysville, Ohio. La compagnie a commencé en 1868 en tant qu'entreprise familiale vendant des semences. En 1995, elle a fusionné avec Miracle-Gro pour former le Scotts Miracle-Gro Group, aujourd’hui, leader dans le domaine de la pelouse, et plus généralement dans celui du jardinage. Ils disposent d'une large gamme de produits, l‘engrais poudre classique "Miracle Gro" et une gamme de pesticides fongicides et herbicides plus controversés. Ils sont également le distributeur exclusif du tristement célèbre Round Up, dont ils ont acheté la licence à Monsanto. Ils possèdent tellement de marques que si vous êtes jardinier, il y a de fortes chances que vous ayez un produit Scotts dans votre remise ou votre garage. Au fil des ans, la petite entreprise familiale est devenue un monstre qui distribue ces produits dans le monde entier. En 2017, leurs ventes brutes approchaient le milliard, avec un bénéfice net avant impôts de 314 millions de dollars. Et actuellement ils annoncent un chiffre d’affaires de 2,8 milliards de dollars (scottsmiraclegro.com). Il n'y a rien de mal à gagner de l'argent (god bless America), mais c'est un euphémisme de dire que le groupe n'a aucun sens de l'urgence écologique dans laquelle nous sommes.
Juste un exemple : de novembre 2005 à mars 2008, Scotts Miracle-Gro a vendu 73 millions de dollars de semences d'oiseaux enrobées d'un pesticide connu pour être mortel pour les oiseaux et les poissons. En 2012, ils ont plaidé coupables et ont payé 4,5 millions de dollars d'amendes. Au total, ils ont perdu 8 cas pour des violations de la protection de l'environnement, pour un total de 12,519 millions de dollars.
Assez d'histoire ancienne. En 2015, SMG achète General Hydroponics et Vermicrop en Californie, et en 2016 Agritech (Botanicare) et 75 % de Gavita par l'intermédiaire de sa filiale Hawthorne. Ils possèdent ainsi les principaux engrais et systèmes hydroponiques, le sol, l'éclairage, les suppléments organiques et divers accessoires de culture. À l'automne 2017, ils ont renforcé leur présence dans le monde du cannabis avec l'acquisition de CanFilter (72,2 millions de dollars), portant l'investissement total à 565 millions de dollars, depuis le début du processus en 2015. Début 2018, ils ont acquis Sunlight Supply, l'un des deux principaux distributeurs aux Etats-Unis, pour 450 millions de dollars, soit un investissement total de plus d'un milliard de dollars.
Il n'y a pas eu beaucoup de résistance. Une société, Fox Farm, a retiré sa distribution à Sunlight Supply, et sera distribuée uniquement par Hydrofarm, l'un des plus importants distributeurs en Amérique du Nord. Celui-ci n'appartient pas à SMG, mais a été acheté par un groupe d'investisseurs privés canadiens, Serruya.
Maintenant que la légalisation est en marche, toute l'industrie est en train de revenir aux mains de multinationales qui n'auraient pas touché les affaires liées au cannabis avec des pincettes il y a quelques années seulement. Nous devons être vigilants pour éviter une situation similaire en Europe lorsque la loi va changer. Pour l'instant en Europe, seule Gavita appartient à SMG. Can Filter Europe n’est pas concerné, pas plus que la branche européenne de General Hydroponique (GHE), qui reste une société indépendante et qui, de ce fait, va changer son nom pour "Terra Aquatica" pour se dissocier clairement.
Ironiquement, SMG n’a pas fait un investissement aussi juteux qu’il le pensait. Tout d'abord, leurs actions ont pris de la valeur après ces acquisitions, mais rapidement les résultats n'ont pas été à la hauteur des attentes. Comme tout le monde, ils n'avaient pas anticipé les changements que la légalisation entraînerait. Nouveaux producteurs, autres types de production, moins à l'intérieur ; les besoins des agriculteurs ne sont plus les mêmes, certaines des entreprises qu'ils ont achetées sont presque désuètes, et certainement pas en phase avec le marché actuel.
Beaucoup d'entre nous attendent depuis presque toute une vie la fin de cette prohibition particulièrement stupide. Il semble que nous ayons eu une sorte de vision naïve à ce sujet : le cannabis devient légal, le bon sens et la justice sont restaurés, point final. Il y a beaucoup plus que cela, et l'exemple de la Californie montre que pour revenir sur des décennies d'âge des ténèbres, une certaine planification s'impose et un cadre doit être conçu à l'avance. Espérons que l'Europe tirera les leçons de la situation en Amérique du Nord pour concevoir l’inévitable’ légalisation d'une manière plus réfléchie.
Si l'idée de la légalisation visait à donner un statut légal au cultivateurs traditionnels, après des décennies d'une "guerre contre la drogue" improductive, alors c'est un échec. La plupart des producteurs vivent dans des régions éloignées, où ils ne peuvent obtenir de permis, tandis que d'autres vivent dans des collectivités où ils ne répondent pas toujours aux normes exigées par les municipalités. Certains d'entre eux font faillite, d'autres approvisionnent un marché noir, comme d'habitude. Les taxes augmentent les prix, créant de la place pour un marché noir. Cela dit, les dispensaires sont soumis à un contrôle strict.
La volatilité des prix est une autre cause de la faillite des producteurs. Si vous ne possédez pas de licence, vous ne pouvez pas vendre à un dispensaire, seulement au marché noir. Parfois, il est saturé et le prix est bien inférieur aux attentes du producteur. L'État voisin de l'Oregon en est un bon exemple. Quand l'Oregon a légalisé l’usage récréation, en 2015, beaucoup de gens ont commencé à cultiver du cannabis, pensant que c'était la poule aux œufs d'or. L'Oregon a une petite population, incapable de fumer toute cette herbe. N'oubliez pas que traverser la frontière d’état avec du cannabis est un crime, car il est toujours illégal au niveau fédéral (jusqu'à quand ?). C'est aussi une autre étrangeté de la situation : tous les États de l’ouest ont légalisé l’usage récréatif, mais il y a toujours cette frontière entre eux qu'ils ne peuvent pas franchir. C'est pourquoi, lorsque le Nevada a légalisé la consommation de cannabis, en juillet 2017, Las Vegas (environ 40 millions de touristes par an) a été en rupture en à peine plus d’une semaine. (Rassurez-vous, pour une courte période)
Qui cultive du cannabis de nos jours en Californie ? Eh bien, si vous avez assez d’argent pour acheter la bonne installation, faire les bons investissements, obtenir les licences, alors vous pouvez envisager de vous lancer dans cette entreprise, et beaucoup de gens le font. Les activités de culture et d'extraction appartiennent en grande partie à de riches investisseurs ou des groupes d'investissement.
La production est diversifiée :
Le cannabis peut être produit en masse, dans de grands champs comme le blé (moins dense). Dans ce cas, les plantes ne sont pas correctement alimentées, la qualité est médiocre et le prix bas, mais le modèle économique est de toute façon basé sur une production de masse. Ce modèle est très répandu en Californie du Sud, notamment autour de Santa Barbara où se trouvent les plus grands champs. Ensuite, il y a d'autres investisseurs et des producteurs plus traditionnels qui cultivent d'énormes plantes de qualité à l'extérieur, ou des plus petites à l'intérieur dans des serres équipées d'une feuille de plastique noir amovible pour contrôler la lumière. Cette technique permet plus d'une récolte par an. Le plus remarquable, c'est la taille de ces plantes en plein air ; maintenant qu'il n'y a plus besoin de se cacher, les cultivateurs prennent plaisir à cultiver d'énormes plantes rarement vues auparavant. Leur produit se vend à un prix élevé. En dehors de ces deux catégories, il y a la production pour le marché noir, généralement de bonne qualité ; et puis il y a les hybrideurs, très nombreux. Ceux-là essaient d'améliorer les variétés produisant du THC, mais ils sont aussi à la recherche de meilleures plantes pour en extraire du CBD, que beaucoup pensent être la véritable poule aux œufs d'or des prochaines décennies.
Les modes de production sont principalement le sol pour l'extérieur et la culture hydroponique dans les bâtiments. Les fibres de coco et autres substrats à base de fibres gagnent du terrain.
Un autre aspect qui n'était pas prévu au moment de la légalisation est l'environnement. Dans certains endroits, l'explosion soudaine des champs de cannabis s'est transformée en cauchemar écologique. L'excès de consommation d'électricité et d'eau pèse lourdement sur les ressources locales. Les solutions nutritives, encore riches en minéraux, sont déversées dans l'environnement ; l'utilisation imprudente des pesticides contamine la nature environnante et les eaux souterraines. On trouve parfois sur le marché des fleurs avec des résidus de pesticides.
La plupart des cultures poussent sur des nutriments minéraux, la culture biologique est une exception. Après tout, quand vous achetez une e-cigarette, vous souciez-vous de la façon dont la plante a été cultivée ?
En résumé, à l'heure actuelle, tout ce secteur de la production est chaotique. Même si certaines personnes à différents niveaux essaient d'améliorer la situation, la mise en place de réglementations est lente, tant au niveau de l'État qu'à celui des comtés. Pour l'instant on peut dire qu’avec la légalisation, tout a changé mais rien n'est résolu.
Le mode de consommation évolue également. La plupart des utilisateurs préfèrent fumer des extraits dans les e-cigarettes plutôt que le « bud » traditionnel. En outre, toutes sortes de confiseries sont à la mode ; ils ont des doses assez faibles pour que les consommateurs ne se sentent pas submergés par leur effet. Les produits contenant du CBD sont très recherchés et pourraient même dépasser les ventes des produits riches en THC dans un avenir proche. Les progrès concernant les utilisations médicinales du cannabis s'accélèrent, d'importantes sommes d'argent étant investies dans la recherche.
Le Canada est le prochain Eldorado. Puisque le Canada va légaliser le cannabis au niveau fédéral, la plus grande partie de l'argent investi dans le cannabis l’est au Canada, et en quantités énormes. Lorsque la nouvelle législation sera en vigueur, cela aura des répercussions sur l'ensemble de la scène du cannabis en Amérique du Nord, et peut-être dans le monde entier.
Dans le cadre d'une belle initiative, de nombreux comtés annulent les condamnations liées à la marijuana. Cela aidera beaucoup de gens qui ont été exclus d'un emploi officiel en raison de leur casier judiciaire.
Pour "l’industrie d'approvisionnement", les engrais, les systèmes de culture, le terreau, l'éclairage, la ventilation, etc.... les temps changent également. Jim Hagedorn, PDG de Scotts Miracle-Gro veut dominer l'industrie du cannabis. Il a dit dans une interview de 2015 qu'il va dépenser 500 millions de dollars pour acheter cette branche de l'industrie du jardinage (aujourd'hui le chiffre des investissements est plus proche du milliard). À son crédit, il a réussi à convaincre un conseil d'administration plutôt tres conservateur de suivre son point de vue.
Scotts Miracle-Gro est une multinationale basée à Marysville, Ohio. La compagnie a commencé en 1868 en tant qu'entreprise familiale vendant des semences. En 1995, elle a fusionné avec Miracle-Gro pour former le Scotts Miracle-Gro Group, aujourd’hui, leader dans le domaine de la pelouse, et plus généralement dans celui du jardinage. Ils disposent d'une large gamme de produits, l‘engrais poudre classique "Miracle Gro" et une gamme de pesticides fongicides et herbicides plus controversés. Ils sont également le distributeur exclusif du tristement célèbre Round Up, dont ils ont acheté la licence à Monsanto. Ils possèdent tellement de marques que si vous êtes jardinier, il y a de fortes chances que vous ayez un produit Scotts dans votre remise ou votre garage. Au fil des ans, la petite entreprise familiale est devenue un monstre qui distribue ces produits dans le monde entier. En 2017, leurs ventes brutes approchaient le milliard, avec un bénéfice net avant impôts de 314 millions de dollars. Et actuellement ils annoncent un chiffre d’affaires de 2,8 milliards de dollars (scottsmiraclegro.com). Il n'y a rien de mal à gagner de l'argent (god bless America), mais c'est un euphémisme de dire que le groupe n'a aucun sens de l'urgence écologique dans laquelle nous sommes.
Juste un exemple : de novembre 2005 à mars 2008, Scotts Miracle-Gro a vendu 73 millions de dollars de semences d'oiseaux enrobées d'un pesticide connu pour être mortel pour les oiseaux et les poissons. En 2012, ils ont plaidé coupables et ont payé 4,5 millions de dollars d'amendes. Au total, ils ont perdu 8 cas pour des violations de la protection de l'environnement, pour un total de 12,519 millions de dollars.
Assez d'histoire ancienne. En 2015, SMG achète General Hydroponics et Vermicrop en Californie, et en 2016 Agritech (Botanicare) et 75 % de Gavita par l'intermédiaire de sa filiale Hawthorne. Ils possèdent ainsi les principaux engrais et systèmes hydroponiques, le sol, l'éclairage, les suppléments organiques et divers accessoires de culture. À l'automne 2017, ils ont renforcé leur présence dans le monde du cannabis avec l'acquisition de CanFilter (72,2 millions de dollars), portant l'investissement total à 565 millions de dollars, depuis le début du processus en 2015. Début 2018, ils ont acquis Sunlight Supply, l'un des deux principaux distributeurs aux Etats-Unis, pour 450 millions de dollars, soit un investissement total de plus d'un milliard de dollars.
Il n'y a pas eu beaucoup de résistance. Une société, Fox Farm, a retiré sa distribution à Sunlight Supply, et sera distribuée uniquement par Hydrofarm, l'un des plus importants distributeurs en Amérique du Nord. Celui-ci n'appartient pas à SMG, mais a été acheté par un groupe d'investisseurs privés canadiens, Serruya.
Maintenant que la légalisation est en marche, toute l'industrie est en train de revenir aux mains de multinationales qui n'auraient pas touché les affaires liées au cannabis avec des pincettes il y a quelques années seulement. Nous devons être vigilants pour éviter une situation similaire en Europe lorsque la loi va changer. Pour l'instant en Europe, seule Gavita appartient à SMG. Can Filter Europe n’est pas concerné, pas plus que la branche européenne de General Hydroponique (GHE), qui reste une société indépendante et qui, de ce fait, va changer son nom pour "Terra Aquatica" pour se dissocier clairement.
Ironiquement, SMG n’a pas fait un investissement aussi juteux qu’il le pensait. Tout d'abord, leurs actions ont pris de la valeur après ces acquisitions, mais rapidement les résultats n'ont pas été à la hauteur des attentes. Comme tout le monde, ils n'avaient pas anticipé les changements que la légalisation entraînerait. Nouveaux producteurs, autres types de production, moins à l'intérieur ; les besoins des agriculteurs ne sont plus les mêmes, certaines des entreprises qu'ils ont achetées sont presque désuètes, et certainement pas en phase avec le marché actuel.
Beaucoup d'entre nous attendent depuis presque toute une vie la fin de cette prohibition particulièrement stupide. Il semble que nous ayons eu une sorte de vision naïve à ce sujet : le cannabis devient légal, le bon sens et la justice sont restaurés, point final. Il y a beaucoup plus que cela, et l'exemple de la Californie montre que pour revenir sur des décennies d'âge des ténèbres, une certaine planification s'impose et un cadre doit être conçu à l'avance. Espérons que l'Europe tirera les leçons de la situation en Amérique du Nord pour concevoir l’inévitable’ légalisation d'une manière plus réfléchie.
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