Trafic de cannabis à la prison: deux surveillants condamnés à 18 mois avec sursis
Ils volaient le cannabis destinés aux détenus
Ils volaient le cannabis destinés aux détenus
Ils fumaient parfois jusque dans les miradors: deux surveillants de la maison d'arrêt de Douai (Nord), qui ont reconnu avoir volé le cannabis destiné aux détenus pour leur consommation personnelle, ont été condamnés mardi soir à dix-huit mois de prison avec sursis.
Le tribunal correctionnel de Douai a également prononcé à leur encontre, peu avant 22H00, une interdiction définitive d'exercer leur activité professionnelle, conformément aux réquisitions du procureur de la République Eric Vaillant, a-t-on appris de source judiciaire.
Les deux prévenus, âgés de 35 et 45 ans, les yeux cernés et le visage émacié, avaient expliqué à la barre en début d'après-midi avoir commencé à ramasser en 2009 les projections dans la cour de promenade, pour leur consommation personnelle, le plus jeune fumant trois joints par jour, et le plus âgé 12.
Collègues depuis 2006, les deux hommes s'étaient rapprochés car, "tous deux alcooliques", ils "buvaient lors de leur service de nuit à la maison d'arrêt", avaient-ils indiqué. Après des problèmes de santé -une pancréatite aiguë pour l'un, des problèmes de dos pour l'autre-, ils avaient laissé tomber l'alcool pour le cannabis, qu'ils volaient aux détenus par "peur de se faire prendre" s'ils en achetaient ailleurs, avait déclaré l'un des prévenus.
"On ramassait parfois jusqu'à 50 grammes. Tous les week-ends, il y a des projections en grosses quantités", avait-il décrit, la tête baissée et se tenant à l'aide d'une canne.
Leurs collègues avaient "senti des odeurs suspectes et ça a fait vite le tour de la prison", avait raconté le surveillant le plus jeune. Au bout de "deux ou trois ans", ce dernier s'était alors mis à voler le cannabis dans les cellules, en "procédant à l'odeur" et récupérant au total "100 grammes" selon lui.
"Pris dans l'engrenage", il avait ensuite accepté de fournir de la viande à un détenu de la maison d'arrêt en échange de cannabis, livré au domicile de son collègue car lui-même vivait dans un domaine militaire et avait "peur d'être repéré".
-Un "message" pour les autres surveillants-
L'enquête préliminaire, ouverte en mars à la suite de dénonciations émises par un détenu dans un courrier, avait permis de mettre au jour deux autres transactions, entre le gardien le plus âgé et une autre surveillante, l'une à la maison d'arrêt, l'autre à l'extérieur.
La femme de 31 ans, qui avait de "gros soucis financiers", quatre enfants à charge et un mari malade, a reconnu lors de l'audience avoir vendu du cannabis "par facilité" à son collègue car elle était "dans l'impasse".
Elle a également reçu l'interdiction définitive d'exercer son activité professionnelle et a été condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis, conformément aux réquisitions du représentant du ministère public.
La profession de surveillant de prison est "difficile, ingrate, mais noble et utile pour la société (...) Aucun de vous n'a sa place dans une maison d'arrêt", avait estimé le procureur dans son réquisitoire, se disant "particulièrement choqué de ce trafic de stupéfiants orchestré pendant plusieurs années, de votre consommation dans les miradors, mettant en danger vos collègues" et de "l'absence de barrière entre votre vie professionnelle et votre vie privée".
"Ces infractions, vous les avez commises les uns et les autres en uniforme (...). Dans vos excuses, il y a pour le premier l'usage thérapeutique du cannabis, pour le second la faute de la société. Vous aviez des possibilités de vous faire aider", avait lancé M. Vaillant, qui espère que la peine demandée serve "de message à tous vos collègues qui ont été salis par vos actes" et aux "moutons noirs de la maison d'arrêt, s'il en existe encore qui font du trafic de stupéfiants".
AFP