Pourquoi le Cannabis nous rend high ?
La découverte des récepteurs de cannabinoïdes et du système des endocannabinoïdes (ECS) a permis de mieux comprendre le rôle du Cannabis dans le domaine médical
La découverte des récepteurs de cannabinoïdes et du système des endocannabinoïdes (ECS) a permis de mieux comprendre le rôle du Cannabis dans le domaine médical
Même ce mignon koala peut se retrouver high (Photo: Yenhoon) |
Lorsqu'on parle des développements récents dans le domaine médical, il est important de se rappeler que les recherches modernes en matière de Cannabis en sont toujours à leurs débuts même si elles avancent rapidement depuis que le THC a été découvert pour la première fois en 1964. La découverte des récepteurs de cannabinoïdes dans le corps humain et le système des endocannabinoïdes (ECS) a permis de mieux comprendre le rôle des endocannabinoïdes dans la régulation de notre corps et, bien entendu, du potentiel médical du Cannabis dans le traitement de nombreuses maladies.
Le Dr. Raphaël Mechoulam a identifié deux récepteurs de cannabinoïdes présents dans le corps humain dans les années 1980. Le récepteur CB-1 qui se situe principalement dans le cerveau mais que l'on trouve aussi dans d'autres parties du corps telles que différentes graisses et cellules musculaires, dans le foie, les poumons, le système digestif et les reins. Il a diverses fonctions dont celle de transformer les graisses dans le foie. Le récepteur CB-2 est principalement situé dans le système immunitaire et largement répandu dans le cerveau et le système digestif où on pense qu'il réduit les inflammations.
Bien que cela puisse amener à penser que la présence de ces récepteurs est un signe clair que l'humain est fait pour consommer du Cannabis, il faut savoir que les mêmes récepteurs se trouvent chez la plupart des espèces animales et même dans le concombre de mer - ce qui démontre que son rôle dans notre corps est bien plus important que de nous rendre high. Il est clair que le corps humain produit des substances chimiques qui sont connectées à ses récepteurs: ce sont les endocannabinoïdes. On en a identifié cinq jusqu'à ce jour: l'arachidonylethanolamide (AEA; anandamide), le 2-arachidonoyl glycérol (2-AG), l'éther 2-arachidonyl glycérie (éther noladin), la virodhamine et la N-arachidonoyl-dopamine (NADA).
L'anandamide affecte les deux récepteurs cannabinoïdes du corps humain et est assez similaire au THC. Il a été démontré que cet endocannabinoïde détériore le fonctionnement de la mémoire chez les rats et qu'il s'agit d'un élément clé dans la stimulation de l'appétit et la régulation de l'humeur. Nous savons également qu'il a le potentiel d'inhiber la prolifération du cancer du sein chez l'humain. Le 2-AG est un récepteur de CB-1 'agoniste' (c'est-à-dire, qui provoque une réaction biologique sur la fixation du récepteur) qui est présent en abondance dans le système nerveux central. Il a été démontré que ce composant a un pouvoir analgésique produit en relation avec le stress causé par la douleur (comme des blessures provoquées par le sport) afin de protéger le corps temporairement. La fonction de l'éther Noladin dans le corps humain n'a pas encore été déterminée. De même que la Virodhamine qu'on trouve dans le cerveau n'a pas encore été étudiée en profondeur. La NADA est agoniste du récepteur CB-1.
420+ composés chimiques… juste une coïncidence, pas vrai? (Photo: Deedee) |
Aujourd'hui, l'étude du ECS attire plus l'attention non seulement pour comprendre le rôle qu'il joue dans la régulation du métabolisme mais également pour comprendre les effets psychoactifs des cannabinoïdes sur les individus et la manière dont ils fonctionnent en combinaison. Malgré les restrictions importantes qui limitent les recherches en matière de cannabis, la compréhension de la manière dont ces éléments contenus dans la plante affectent le corps humain a bien progressé. A ce stade, 421 éléments chimiques ont été identifiés, y compris 85 cannabinoïdes différents dont on cherche toujours les effets précis sur le corps humain.
En se concentrant sur les cannabinoïdes naturels les plus répandus - THC, CBD et CBN, nous avons atteint une bonne compréhension de l'interaction entre eux et notre propre ECS. Le THC (tétrahydrocannabinol) est l'élément psychoactif premier du cannabis responsable du high que l'on ressent quand on l'ingère. Il a été démontré qu'il est efficace pour réduire la douleur et se connecte de manière égale aux récepteurs CB-1 et CB-2.
Le CBD (cannabidiol) est un composant non-psychoactif qui ne se connecte pas aux récepteurs mais influence la capacité d'autres composants à s'y fixer. Ce composant possède de nombreuses propriétés médicinales: anti-psychotique, anxiolytique et antidépresseur. Il permet également de soulager les convulsions, l'inflammation et la nausée, et est structurellement très semblable au THC. Le CBN (cannabinol), d'autre part, est le produit principal de la dégradation du THC: il y en a peu dans les plantes fraîches mais les niveaux augmentent quand elles sont entreposées. On peut observer ce type de réaction quand les fleurs de cannabis sont soumises à une longue exposition à la lumière et à l'air, quand les glandes de résine passent d'une couleur laiteuse à l'ambre. Le CBD et le CBN ont été découverts en 1940, des décennies avant l'isolation du THC, intéressant.
Les avancées que nous avons vues dans les applications médicales du C. Sativa ont fait de grandes vagues ces dernières années. Partout dans le monde ont eu lieu des débats sur la nécessité de ne plus interdire cette plante allant jusqu'à l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et des études avant-gardistes, dont la récente publication du génome du Cannabis en entier, continuent à entretenir l'espoir. Des douleurs chroniques à la paralysie musculaire, du manque d'appétit aux problèmes de sommeil, des psychoses à la schizophrénie: la valeur médicale du Cannabis est vaste et controversée, et encore loin d'être entièrement comprise.
Comprendre les raisons qu'il y a derrière peut mener à des développements dans le domaine médical mais aussi au renforcement de certaines variétés destinées à d'autres secteurs comme le textile ou la nutrition. On pourrait développer des variétés de chanvre mieux adaptées à l'industrie (pour leur tiges fibreuses et boisées) afin de fournir des alternatives efficaces aux produits pétroliers comme les plastiques. Les possibilités sont innombrables.
Des graines et des tiges de chanvre: des solutions face à la crise alimentaire et pétrolière (Photo: Deedee) |
Nous commençons aujourd'hui à comprendre comment différentes substances chimiques se combinent dans le cannabis pour produire ses différents composés. Plus précisément, nous comprenons les chemins suivis pour produire certains cannabinoïdes sur lesquels se concentrent certains scientifiques aujourd'hui - et pas seulement le THC, le CBD et le CBN mais également des cannabinoïdes moins connus comme le CBC (cannabichromène). Le THC, le CBD et le CBC sont le résultat de la biosynthèse d'un même substrat: l'acide cannabigérolique (CBGA). Ce substrat se synthétise en trois enzymes: l'acide tétrahydrocannabinolique (THCA), l'acide cannabidiolique (CBDA) et l'acide cannabichroménique (CBCA) qui à leur tour se synthétisent respectivement en THC, CBD et CBC.
Identifier les chemins et les permutations qui produisent les composés cannabinoïdes qui en résultent nous donne un premier aperçu de la manière dont une manipulation génétique pour permettre de développer des variétés spécifiques pour traiter certaines maladies peut être menée en dirigeant ces permutations.
Des variétés sur mesure pour des besoins sur mesure... une fiction qui semble proche de devenir réalité.