La conscience de Clando

Soft Secrets
08 Sep 2014

En Provence, les douces soirées de printemps étaient pour nous, chanceux étudiants, des moments privilégiés pour découvrir combien le H nous convenait.


En Provence, les douces soirées de printemps étaient pour nous, chanceux étudiants, des moments privilégiés pour découvrir combien le H nous convenait.

En Provence, les douces soirées de printemps étaient pour nous, chanceux étudiants, des moments privilégiés pour découvrir combien le H nous convenait.

Nous préférions largement courir le risque d’une carotte ou d’un coup de tête en l’achetant clandestinement aux junkies ou au petits bandits du coin, plutôt que d’aller dépenser nos petits pécules dans les bars ou les réseaux agréés de revendeurs d’alcool. 

Nous explorions ainsi des pratiques dont nous avions écho, par ouï-dire ou par de rares lectures spécialisées, internet n’était pas encore dans tous les foyers. L’échange d’expériences se faisait surtout par l’exemple, sans compter les idées délirantes, ingénieuses ou ridicules qui pouvaient nous sortir de l’esprit.

Ivresse sans profondeur

Un soir et malgré la chaleur, nous eûmes l’intense envie d’essayer un mode de consommation collective en vogue à ce moment-là : l’aquarium. En bref il s’agissait de se caler dans une voiture, être le plus nombreux possible (ici 5 personnes dans une supercinq), allumer chacun un pétard puis tirer, tirer.. jusqu’à un moment se retrouver quasiment incapable d’entrevoir le joint de son voisin, caché derrière un épais nuage de fumée épicée.

Ah.. Là, oui nous étions bien.. Sérieux puis hilares la seconde d’après, profondément philosophiques puis perdant le fil en trébuchant sur la réponse à une devinette de cour de récréation, nous ne nous attendions pas à être dérangés par des toc-toc venus de l’extérieur..

C’est pour nous  ? On frappe à notre voiture ? Qu’est ce qui se passe ? Nous ne voyions rien dehors, embrumés par l’ivresse et la fumée, quand je tournais la tête de mon côté, d’oú semblaient provenir les sons, et là je restais coi, les yeux fixés, le cerveau en attente.

Une carte tricolore était plaquée contre la vitre de la voiture, je pouvais lire Police Nationale, c’était une grande première pour moi.

S’ensuivit ce que la plupart des millions de consommateurs français connaissent, vérification des identités, fouille du véhicule et vidage de poches, intimidations et tergiversations quant à donner une suite, cours de morale à base de “la drogue c’est le mal”, nous tâtonnions dans nos réactions pour ce qui deviendrait une routine avec les années.

Après quelques dernières menaces s’ils nous y reprenaient, nos gaillards firent mine de faire disparaître l’objet du délit et le lancèrent vers l’autre bout du parking ! Notre boulette, notre fume commune, nous la voyions s’évaporer, colère contenue..

Je précise qu’ils “firent mine” de la lancer, car entre le geste suspect que nous avions tous remarqué et le ratissage systématique de la zone où le morceau avait pu atterrir, nous eûmes d’énormes doutes, imaginant les représentants de l’ordre fumer un gros spliff de notre shit à notre santé.. Rage !

“ Pourquoi ? ”

Ce petit événement si anodin dans nos contrées prohibitionnistes fut pour moi, avec le recul, l’élément déclencheur d’un intérêt grandissant pour le cannabis. Au-delà de la découverte empirique par la consommation, cette confrontation avec les autorités et la soudaine prise de conscience du statut des utilisateurs de cette plante avaient mis mon cerveau en ébullition, avide de comprendre, obsédé par la question : ”Pourquoi ?”

Nous étions, en tous cas, prêts à mettre en oeuvre nos ressources intellectuelles pour élaborer un manifeste, déclarant à la face du monde à quel point les lois sur le cannabis étaient absurdes, à quel point aussi, il était urgent de les changer ! Nous avions écrit la moitié de cette déclaration lorsque je tombais sur le numéro du feu magazine Actuel contenant la mise à jour de l’Appel du 18 joint datant de 1976 qui n’avait pas pris une ride. Il était accompagné d’une invitation à rejoindre les rangs d’une association qui se créait alors, je n’hésitais pas une seule seconde à envoyer mon inscription au CIRC.

Ce fut le début d’un long chemin de croix collectif, de fortes relations humaines, d’espoirs et de beaucoup de désillusions, la preuve : l’Appel du 18 joint est toujours déclamé en 2014 et rien n’a changé. J'ai tout de même trouvé les réponses à ma question “Pourquoi ?” peu de temps après ces faits, dans le livre de Jack Herer, l’Empereur est Nu.

El Clandestino 

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