Des chefs de haut vol danois et américains font entrer le cannabis dans leur cuisine
Bon appétit!
Bon appétit!
Boeuf Wagyu, crevettes décortiquées à la main ou sabayon fouetté: ces plats n'étonnent plus personne. Alors, comment surprendre ses convives pour les fêtes ? La réponse vient du Danemark: en cuisinant le cannabis. Il ne s'agit pas de préparer des space cakes, mais de la gastronomie high end. "high" donc.
Fromage de chèvre frais aromatisé aux feuilles de cannabis. Saucisse de porc en sauce crème au cannabis. Sorbet au cannabis sur lit de compote de pommes. Voilà l'un des menus controversés que propose le chef Claus Henriksen dans le prestigieux château de Dragsholm, à une heure de route de Copenhague. Ce n'est pas une enseigne hippie avec son lot de narguilés, mais l'un des meilleurs restaurants de Scandinavie. Le chef recommande le cannabis pour sa saveur intense de pistache et ses arômes de noix qui se prêtent tant aux préparations salées que sucrées.
Après avoir dégusté ce menu, les convives ne sont pas en train de planer. En effet, la variété de la plante que le chef danois utilise en cuisine n'a pas les effets psychoactifs du cannabis ordinaire. La substance psychotrope du cannabis, le tétrahydrocannabinol (ou THC) présente dans les feuilles contient facilement 12% à 16% de THC. Par contre, la variante Fedora 17 que Henriksen utilise dans ses plats en contient tout au plus 0,2%. Selon la journaliste Rebecca Cathcart du Guardian, qui est allée tester le menu au Danemark, cela signifie qu'il faudrait ingurgiter presque un terrain de football entier de cette variété de cannabis pour ressentir le moindre effet planant.
Arrêté royal
Le restaurant danois va chercher sa substance à la ferme voisine de Søren Wiuff, qui a déjà enregistré une commande du prestigieux Noma, bien que ce dernier prétende qu'il l'achète à titre purement expérimental et qu'aucun client ne s'est encore vu servir du cannabis. Wiuff a reçu une autorisation gouvernementale pour cultiver du cannabis à faible teneur en THC réservé au fourrage et à l'engrais. En jouant ce rôle de "dealer" pour quelques chefs amis, l'agriculteur prend un risque, car l'utilisation ne relève plus, strictement parlant, de l'usage industriel pour lequel il a une autorisation.
Dans notre pays, la législation est similaire. Quelle que soit la variété, il est interdit par la loi de cultiver ou de vendre du cannabis. "La variété Fedora 17 contient également du tétrahydrocannabinol, qui figure sur la liste des substances psychotropes interdites en vertu d'un arrêté royal du 22 janvier 1998", explique l'avocate Caroline Thiel, du bureau Monard-D'Hulst. "Par conséquent, la possession, le commerce ou la culture en sont interdits, sauf autorisation préalable du ministère et à des fins médicales ou scientifiques." Certaines entreprises ont également obtenu une autorisation gouvernementale spéciale pour cultiver du cannabis à faible teneur en THC, que l'on utilise à échelle industrielle pour fabriquer tissus, cosmétiques, huiles ou graines de chanvre. La législation ne dit (provisoirement) rien sur l'approvisionnement des restaurants et nos chefs restent sur leurs gardes.
"Il n'y a pas de drogue dans ma cuisine", affirme Gert De Mangeleer du restaurant Hertog Jan. "Je suis au courant de cette tendance du cannabis en cuisine, mais je ne tiens pas à m'y engager." Même son de cloche chez Kobe Desramault du restaurant In De Wulf, qui ne recule généralement pas devant les expériences gastronomiques. "Nous n'avons aucune expérience avec le cannabis". Les autres chefs que nous avons contactés ont simplement répondu "No comment". Bref, cette tendance du cannabis risque de se faire attendre dans les cuisines des grands restaurants belges.
Une graine par jour
Par contre, au cours des dernières années, les graines de chanvre, un de ces produits finis industriels du cannabis sans effet psychotropes, ont trouvé le chemin de nos cuisines. La graine -qui ne contient pas de THC et qui est vendue en toute légalité- est même un véritable super food: elle a un effet bénéfique sur l'eczéma, le vieillissement, la sclérose en plaques et même le cancer. La légende veut que, pendant le jeûne, Bouddha prenait une graine de chanvre par jour pour rester en bonne santé. En Inde, on connaît les multiples atouts gastronomiques du cannabis depuis plus de 3.000 ans. Ainsi, de nombreux bars et restaurants servent du bhang, une boisson à base de lait, d'amandes, de poivre noir et de cannabis. Même en Europe, le cannabis n'est pas uniquement fumé ou intégré dans des space cakes. Vers la moitié du XIXème siècle, les amateurs d'herbe comme Théophile Gautier et Charles Baudelaire se faisaient des tartines de dawamesk, une confiture au haschisch avec du miel et de la pistache.
Grande cuisine stoned
Aux États-Unis, on va même plus loin: certains chefs travaillent avec la variante psychotrope du cannabis. Mieux encore, selon les règles tacites de la "Haute Stoner Cuisine", le chef doit également être "high" pendant la préparation. Ron Siegel, du restaurant étoilé du Ritz-Carlton de San Francisco, est un adepte de ce mouvement. Lors de soirées spéciales organisées à huis clos bien entendu, il sert des oeufs de caille cuits à basse température et du caviar sous une couche de plastique, sous laquelle il introduit de la fumée de cannabis. Lorsque la clientèle soulève sa cuillère du plastique, la fumée s'échappe vers l'extérieur par une petite ouverture. Le plat a été baptisé Lincecum, en référence au joueur de baseball éponyme qui avait été topé par les autorités avec de la marijuana dans sa voiture.
Selon le chef, cuisiner avec du cannabis constitue une forme du phénomène extrêmement populaire du comfort food. "Les gens veulent se sentir bien et détendus pendant qu'ils mangent", explique-t-il. Et c'est exactement la même chose pour les chefs. Bref, si votre hôte est trop relax en cuisine lors du réveillon de Noël, vous aurez une piste: high high high plutôt que ho ho ho...
Source : http://www.lecho.be/