Cannabis Social Clubs : la Belgique sort timidement du marché noir

Soft Secrets
10 Jun 2014

J'ai fait la connaissance de Michel Degens à Barcelone au cours de la Spannabis 2013. Il faisait une tournée pour rencontrer des sponsors et contacts en vue de créer son propre CSC en Belgique. Membre du premier Cannabis Social Club, à Anvers -le Trekt uw Plant- Michel a pris son destin en main pour créer sa propre entité : le Mambo Social Club.


J'ai fait la connaissance de Michel Degens à Barcelone au cours de la Spannabis 2013. Il faisait une tournée pour rencontrer des sponsors et contacts en vue de créer son propre CSC en Belgique. Membre du premier Cannabis Social Club, à Anvers -le Trekt uw Plant- Michel a pris son destin en main pour créer sa propre entité : le Mambo Social Club.

J'ai fait la connaissance de Michel Degens à Barcelone au cours de la Spannabis 2013. Il faisait une tournée pour rencontrer des sponsors et contacts en vue de créer son propre CSC en Belgique. Membre du premier Cannabis Social Club, à Anvers -le Trekt uw Plant- Michel a pris son destin en main pour créer sa propre entité : le Mambo Social Club.

C’est la législation sur la consommation personnelle qui explique et rend possible l’existence de Cannabis Social Clubs en Europe, notamment en Espagne et en Belgique.

En Espagne, la loi, ainsi que sa jurisprudence, considèrent, aujourd’hui la culture et la consommation de marijuana -en privé ou dans un lieu seulement accessible à ses membres- comme un droit constitutionnel de ses citoyens.

La loi belge, elle, tolère, d'une manière comparable à la « tolérance néerlandaise » - qui a permis aux européens de profiter des coffee shops depuis plus de 30 ans !- la possession d'une plante ou de 3 grammes de fleurs de cannabis séchées. Une directive royale de 2009 précisait que la détention d’une quantité inférieure ou égale 3 grammes devait être « la plus petite priorité dans le domaine judiciaire » ; ainsi les contrevenants se voyaient éventuellement punis d’une amende, mais plus poursuivis. 

Trois grammes ou une Plante ?

Ce qu’il y a d’amusant, dans la réglementation belge, c’est que le législateur n’a pas vraiment connaissance des possibilités extensives de production de notre plante préférée. En effet, il a laissé l’alternative entre une plante et trois grammes, pour essayer d’approcher la notion de quantité minimum personnelle…

Croyez-le ou non, les Cannabis Social Clubs belges ont choisi l’option une plante !

Eh oui, une plante c’est toujours mieux que trois grammes !

Les membres du Mambo Social Club, reçoivent, lorsqu’ils viennent pour la distribution, un paquet qui  peut être étonnant, au vu de ce qu’il contient : un sac en papier Kraft recyclé,  soigneusement clos et la carte du club agrafée dessus. 

De l’intérieur, Michel retire, tout d’abord les documents  ; copie de la feuille d’inscription, puis vient un document descriptif du cannabis avec son taux de THC et des autres cannabinoïdes, puis un joli Ziploc rempli de buds de taille respectable.

Le sac pèse 15 grammes, et c’est le maximum que les membres puissent acquérir pour le moment…

Le cannabis m’a l’air d’être de très belle qualité… Michel me tend le sac ; je l’ouvre, en ayant préalablement approché mon nez, et profite de l’arôme intense. Je demande à mon interlocuteur la permission de goûter…

«C’est de la Wappa de Paradise Seeds, c’est ce que nous avons de plus fort au club en ce moment !» me dit Michel en me tendant le document contenant l’analyse du taux de THC : 16,5 % !

« Elle est entièrement biologique, parfaitement manucurée et séchée. Elle fait partie des quelques variétés, plébiscitées par nos premiers membres, qui ont pu participer aux deux premières distributions ».

Je suis impressionné ! La structure des buds est très attrayante, dense, typiquement indica, et l’arôme que j’expérimente est particulièrement doux avec des notes de fruits exotiques : c’est très sucré …  Ce qui donne forcément envie de passer à la dégustation !

C’est samedi matin, et notre prochain rendez-vous est à 15h… Cela nous laisse une bonne paire d’heures devant nous, de quoi déguster mon premier spliff de Wappa. 

Mais alors que je m’apprêtais à passer une pincée d’herbe au grinder, je remarquais que le fond du sac kraft contenait toujours quelque chose : de la manucure, ou plutôt des grandes feuilles sans résine et des branches !

Mes yeux éberlués, mais pas encore rouges, demandaient à Michel une explication !

«  C’est pour répondre à la définition de la loi belge sur la notion de plante : si notre sac contenait uniquement des fleurs séchées de cannabis, il ne pourrait y en avoir que 3 grammes, or là, il contient tout ou partie d’une plante ».

Je jette à nouveau un coup d’œil sur l’administratif contenu dans le sac, et j’aperçois la copie de la pièce d’identité à qui cette herbe, (fleurs, feuilles et tiges), est destinée : «  Eh… mais c’est le cannabis d’un des membres que j’allais fumer là ? ».

Michel me tend un nug de Wappa de sa réserve personnelle, et remet en place ce que je m’apprêtais à fumer, Ziploc, documents et ragrafe le paquet.

Mon joint de Wappa est enfin confectionné mais avant de l’allumer je le porte à mes lèvres pour  aspirer et goûter l’arôme, à froid, de ce nectar.

C’est toujours aussi sucré, presque doucereux, avec des goûts incroyablement riches, la mangue, la papaye, le gingembre confit, la confiture de coings, le miel… Intense !

Michel reconnait la mangue et le miel, mais me dit ignorer le reste, caricaturant mon côté « trop français », typique dans la dégustation des vins. En revanche, nous sommes tout à fait d’accord sur sa douceur à fumer. Je viens juste de passer le joint à Michel et nous entamons une discussion enflammée sur la culture, la vie du Club et sur notre prochain rendez-vous avec un membre grower…

Alors que le joint revient vers moi, je ressens avec acuité le high de la Wappa, euphorisant, social et très relaxant, assez atypique pour une plante au pédigrée presque uniquement indica. 

Un peu de culture

Un lieu de rencontre très commercial et, quelques minutes plus tard, nous sommes dans un appartement cossu du centre-ville où deux grandes chambres ont été transformées en unités de production, grâce à des tentes de culture.

Eddy, qui est entré dans le club il y a deux mois, a accepté le principe d’une interview et serait probablement fier de voir ses plantes dans Soft Secrets… Il nous parle avec enthousiasme de sa prochaine récolte, entièrement biologique, réalisée à l’aide de son auto-pot. Il m'explique qu'il était un cultivateur hydroponique pendant 20 ans et qu’il vient juste de revenir à nouveau à la terre pour deux bonnes raisons : " J'ai eu un problème de pythium, qui a ruiné mes récoltes précédentes et quand un ami d'un gérant d’un growshop m'a dit que je pouvais avoir autant de rendement qu’en hydro et une tranquillité d’esprit totale. J'ai essayé le système Auto–Pot et les deux premières récoltes m’ont complétement convaincu. "

Je dois avouer que j’ai eu du mal à comprendre le fonctionnement de ce système, en particulier l’aqua-valve, et ce malgré les explications d’Eddy et de Michel…

Mais ce que j’en retiens attire toute mon attention : l’Auto-pot fonctionne par marées, sans pompe, sans régulation autre que l’absorption des plantes en fonction de leur besoin en eau.

Et effectivement, la tente d’un mètre carré a une belle canopée uniforme et les têtes sont déjà très compactes à moins de 10 jours de la récolte.

Pour cette session, il m’explique avoir démarré à partir des graines achetées chez Paradise Seeds, «  parce qu’elles sont très stables, ont une croissance homogène »  et qu’il n’a  jamais rencontré le moindre hermaphrodite avec ce Breeder. « A ce moment les Wappa ne boivent plus que de l’eau, poursuit Eddy, c’est indispensable pour obtenir une herbe douce à fumer ».

Deuxième surprise de taille, après avoir été bluffé par l’aqua valve : la terre contient une quantité conséquente de billes d’argile pour rendre le mélange plus léger et respirant (50% de terreau Promix de Plagron mélangé à 50% de billes !!), ensuite le système tourne à l’eau claire au Ph de 6, où Eddy a installé une pompe doseuse.

C’est la première fois que je vois un vrai système hybride terre/billes d’argile, en marche. Eddy m’indique que c’est sa deuxième récolte avec le même substrat, et qu’il rajoute bactéries et mycoryzhes pour réactiver la vie microbienne de la terre, quelques amendements organiques, du compost, du guano de chauve-souris, de la corne, et c’est reparti pour un tour, jusqu’ 4 ou 5 récoltes…

Et oui vous avez bien lu, la terre est recyclée et réutilisée pour une récolte suivante : un gain logistique et économique révolutionnaire !

Nous prenons congé, et remercions chaleureusement Eddy pour son accueil et les précieuses informations transmises avec passion.

Mambo Social Club : un dommage collatéral du « Wiet Pass »

À l'automne 2011, le gouvernement conservateur néerlandais, fait passer une réforme contre le « tourisme de la drogue », qui a fait la prospérité des coffee shops dans la Hollande du Sud. Grâce à la coopération avec la police belge, l'interdiction commence à être efficace rapidement... 

Ce sont des policiers belges en uniforme (pas vraiment le genre de vision attendue quand on passe la porte d’un coffee !) qui accueillent et fournissent les informations sur la nouvelle réglementation pour les leurs ressortissants. Ils prennent une copie de la carte d'identité (!) Et font remplir un formulaire destiné à être un premier et dernier avertissement ...

Avant que le Wiet Pass soit appliqué, Michel Degens était un employé dévoué de l'un des 80 coffee shops de Maastricht détaillant du cannabis aux visiteurs européens au jour le jour. En un clin d’œil, la population touristique, a disparu (probablement déplacée d’une centaine de kilomètres au nord à Amsterdam où la politique, en dépit de graves menaces, est restée inchangée) et comme 80% du personnel des coffee shops, Michel a perdu son travail.

Trop fier pour faire profil bas et passer sous silence la dernière ligne de CV : " Employé dans un Coffee shop de Maastricht ", il est resté sans emploi pendant quelques mois. Maintenant, son temps de travail est consacré à sa présidence bienveillante du club et à un travail alimentaire dans un centre d'appel jusqu'à tard dans la soirée. 

Dans le club, certains cultivent et d’autres fument... Les producteurs trouvent un bon prix (4 € /g), légèrement supérieur à ce qu'ils pourraient attendre du marché noir,  tandis que l'utilisateur final, lui  ne payera que 6 €, les 2 € restants étant affectés aux charges de structure de l’association. Un prix « honnête », sensiblement équivalent à celui des social clubs espagnols qui, s’il ne se rapproche pas encore des coûts de production, reste très en dessous de ceux pratiqués dans les coffee shops voisins.

Epilogue

La police belge a récemment gardé à vue, puis libéré les dirigeants de Trekt uw Plant, le CSC d’Anvers. Trekt uw Plant continue actuellement de distribuer du cannabis à ses membres.

Michel Degens a lui aussi, été interrogé par la police de Hasselt et l’activité de son association est suspendue provisoirement. Il est dans l’attente d’une décision de justice.

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