Cannabis: leurs bons plan(t)s
Une enquête dans le Sud-Gironde
Une enquête dans le Sud-Gironde
Parmi les consommateurs de cannabis, certains font le choix de produire eux-mêmes ce qu’ils fument.
Weed, beu, marijuana, chanvre, herbe… Le cannabis s’habille d’une foule de noms. Et s’il y en a pour tous les goûts, on ne peut pas franchement dire qu’il y en a pour toutes les bourses. Alors, plutôt que d’alimenter les trafics, certains pensent à la solution artisanale : faire pousser eux-mêmes.
«Le Républicain» est allé à la rencontre de divers consommateurs du Sud-Gironde, et producteurs plus ou moins confirmés, afin qu’ils détaillent leur rapport à cette «drogue douce».
«La drogue bio»
C’est le cas de Jean-Marc*, qui tente pour la première fois d’obtenir des pieds sur son balcon. «Nous avons planté 5 pieds, grâce à des graines que nous avons commandé sur internet, un site norvégien», détaille l’étudiant. L’idée, c’est de pouvoir avoir de quoi fumer lors des soirées. Surtout, ce que le Sud-Girondin trouve d’intéressant à faire pousser, c’est qu’il sait ce qu’il fume. «C’est naturel, c’est de l’herbe que l’on fait sécher. C’est la drogue bio» plaisante-t-il. Au final, les pieds de cannabis n’ont pas pris, mais le jeune homme n’en fait pas un drame : «on essaiera de nouveau plus tard, un pied ou deux, juste pour voir».
Assurer la qualité
D’autres n’en sont pas à leur coup d’essai, comme Julien*. Il travaille et a une vie on ne peut plus normale. Mais fait pousser «pour ne pas avoir à en acheter». De fait, il sait bien comment s’occuper de la plante pour l’amener à maturité, mais également éviter de se la faire dérober. «C’est quelque chose qui attire les convoitises. Je me suis déjà fait voler ma récolte une fois, c’est ce qui arrive souvent quand on fait pousser dans son jardin. Même si je ne plante pas tous les ans, maintenant je mets ça dans un coin perdu de forêt, il faut vraiment avoir envie d’y aller ! Même moi ça me porte peine d’aller jusque-là». Des précautions nécessaires pour tenir cet or vert à l’abri des regards indiscrets. Et là encore, la volonté est de savoir «ce que l’on fume». Car par le biais des trafiquants «on donne de l’argent qui quitte la France, mais on n’est également pas sûr de la qualité». Particulièrement pour le shit, qui peut être coupé à plusieurs reprises avec des produits chimiques. Bien évidemment, l’autoproduction permet de faire des économies, pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros selon le rythme de consommation.
Le cannabis des seventies
D’autres encore ont connu ce que certains pourraient appeler «l’âge d’or» du cannabis. C’est le cas de Monique*, retraitée, qui avoue avoir consommé du cannabis dans sa jeunesse, dans les années 70. «Je faisais pousser ça dans un pot dans ma cuisine, personne ne disait rien, c’était admis», détaille la sexagénaire. Elle parle bien évidemment d’un temps révolu, où «l’on pouvait fumer un joint à la terrasse d’un café dans le vieux Bordeaux». Une époque où la prévention était bien moins importante, voire même inexistante. «Je regrette juste cette répression sur la consommation aujourd’hui, et pas assez sur les dealers».
Le Cannabis reste cependant le produit illicite le plus consommé en France, loin devant les autres drogues. A 17 ans, 41,5% des jeunes avouent avoir déjà expérimenté le cannabis. Même si, selon l’INSEE, les chômeurs restent les plus gros consommateurs, la consommation de cannabis touche toutes les catégories socioprofessionnelles.
Florent Crouzet
*Pour des raisons d’anonymat, les prénoms ont été changés.
Cannabis, C’est à cette saison que les cannabiculteurs plantent leurs graines
La plantation, c’est maintenant
Il existe plusieurs manières de faire pousser le cannabis. La première, sans doute la plus simple, est de le faire en extérieur. La plantation se passe donc de mars à mai, à l’arrivée des beaux jours, et la récolte aux alentours du mois d’octobre. Cependant, l’autoproduction reste un véritable investissement. «Il faut s’en occuper, comme d’un jardin, détaille Julien. Il faut aller arroser tous les deux ou trois jours quand il ne pleut pas».
Pour ceux qui n’ont pas accès à un jardin, la pousse se fera donc en intérieur. Et là, il n’y a pas de saisons. La pousse est également plus rapide, «et le cannabis de meilleure qualité, car on met du terreau pour faire pousser, la terre est plus riche», ajoute Julien. Seulement, il y a forcément un coût. Le plus souvent, le cannabiculteur investit dans un box (environ 200€ en entrée de gamme) qui doit comporter des lumières spécifiques ainsi qu’une ventilation, ce qui limite donc le nombre de pied, ainsi que leur taille. «Cela consomme également beaucoup d’énergie, précise Jean-Marc. Je ne veux pas que mon foyer consomme anormalement de l’électricité, cela peut paraître louche». De plus, cette proximité permanente de la plante permet au producteur de gérer entièrement l’évolution de ses plantes.
Seulement voilà, un cannabiculteur n’est jamais certain de son rendement. En effet, véritable maître en botanique, il sait qu’il existe plusieurs types de pieds. Outre ceux qui ne parviennent pas à pousser, il s’expose parfois à voir plusieurs pieds de cannabis mâles se développer. Ces derniers ne sont pas consommés, seuls les pieds femelles le sont, c’est pourquoi les mâles sont arrachés. «Sur une vingtaine de graines, seulement une dizaine poussent. Sur celles-ci, environ la moitié seront des femelles», constate encore Julien. Et donc consommables.
Sur l’ensemble des Sud-Girondins interrogés, tous avouent consommer uniquement l’herbe, soit la feuilles et fleurs séchées. Il n’y a donc pas de transformation en résine de cannabis, le haschisch.
F. C.
Nous rappelons que l’usage du cannabis est interdit par la loi et peut amener à la dépendance.
« Plus de 250 pieds de cannabis détruits l’an dernier »
Les Bazadais s’en souviennent sûrement. Le 2 décembre 2013, la gendarmerie réalisait un gros coup de filet en démantelant un trafic de cannabis dans la commune. Les forces de l’ordre avaient alors saisi 12 pieds de cannabis et 2 kilos de résine sans oublier les 20 grammes d’héroine et les 104 boites de méthadone. Quelles est la r&eac
ute;alité du trafic de cannabis en Sud-Gironde? «Il y en a comme partout ailleurs. En décembre, nous avons réalisé un gros coup de filet. Le trafic se faisait sur la voie publique. Il dérangeait les citoyens et les commerçants», indique Jean-Frédéric Richard, commandant de la compagnie de Langon. Le territoire ne semble pas non plus être un axe de passage privilégié du transport de cannabis. «Nous avons deux axes routiers importants qui traversent le territoire. Je n’ai pas d’élèments à ce sujet.», précise le commandant.
Des pieds repérés
Les militaires ne sont pas seulement attentifs au trafic mais aussi à la provenance des stupéfiants. Ils sont à l’affût des plants de cannabis plantés dans les jardins et dans les champs. «Nous avons détruit plus de 250 pieds de cannabis l’an dernier en Sud-Gironde», précise Jean-Frédéric Richard. Et ne croyez pas que les forces de l’ordre n’ont pas étudier la question, la gendarmerie indique qu’elle connaît bien la saison où fleurit ce type de plante. Généralement, les gendarmes remarquent les plantantions-certaines dépassent des clotures- lors de patrouilles ou sont bien renseignés. Plus difficile à détecter, les dispositifs intérieurs qui nécessitent une importante logistique.
Reste la différence entre les «cultivateurs» qui commercialisent et ceux qui gardent le cannabis pour eux. Si dans les deux cas, c’est puni par la loi, les magistrats fondent leur appréciation sur la quantité de pieds.
De lourdes peines encourues
Jean-Frédéric Richard tient à rappeler que le cannabis est «intrinsèquement lié» à la délinquance de proximité: cambriolages, dégradation, vols à la roulotte, avec violence. «Pour s’acheter des stupéfiants, certaines personnes ont recours au vol ou recel pour se faire de l’argent», explique le commandant de gendarmerie. Il pointe également l’impact sur la sécurité routière. «ça altérE les réflexes et la concentration. D’ailleurs pour chaque accident, on fait un dépistage stupéfiants en plus de l’alcool. “Sachez que consommer du cannabis vous fait encourir une peine d’un an d’emprisonnement et/ou 3.750€ d’amende. Le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants sont punis de 10 ans d’emprisonnement et 7.500 000 € d’amende. La production et/ou la fabrication de stupéfiants sont considérés comme un crime, passible de 20 ans de réclusion criminelle et d’une amende de 7 .500,000€. La peine peut être portée à 30 ans si les faits sont commis en bande organisée. A noter que vendre ou offrir des stupéfiants, même à des amis, et même en petite quantité, est assimilé à du trafic.
Plus d’infos sur: www.drogues.gouv.fr
Source : http://www.lerepublicain.net/