2014, l'année de la défonce légale?
Des Etats-Unis à la Nouvelle-Zélande, le marché s'ouvre
Des Etats-Unis à la Nouvelle-Zélande, le marché s'ouvre
Des Etats-Unis à la Nouvelle-Zélande, le marché des stupéfiants va s’ouvrir à des acteurs légaux, prêts à se ruer sur ces nouveaux débouchés.
Avec ses 250 millions de consommateurs et ses quelque 300 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel, le secteur des stupéfiants est une activité dans laquelle tout grand groupe pharmaceutique rêverait de s’engouffrer. Malheureusement, la plupart des drogues récréatives étant interdites partout dans le monde, le marché est essentiellement réservé aux organisations criminelles.
Mais cette situation est en train de changer, car les Etats commencent à expérimenter de nouveaux régimes juridiques. Dans un contexte où l’interdiction cède progressivement la place à la réglementation, des entreprises plus légitimes auront la possibilité, en 2014, de se lancer dans un commerce auparavant monopolisé par les mafias.
La culture du cannabis a d’ores et déjà quitté les chambres d’étudiants pour entrer dans les laboratoires de haute technologie. Aux Etats-Unis, des sociétés cotées en Bourse comme Cannabis Science et Medical Marijuana tirent le meilleur parti du marché en plein essor du cannabis médicinal. Cette drogue peut être prescrite à des fins thérapeutiques dans 20 Etats des Etats-Unis.
Référendum en Floride
Le 1er janvier 2014, l’Illinois rejoindra le club. Les partisans de la légalisation tourneront ensuite leurs regards vers la Floride, où une campagne se prépare afin d’organiser un référendum d’initiative populaire sur la marijuana thérapeutique en novembre 2014. Ce serait le premier Etat du Sud à adopter une telle loi. Compte tenu de sa population de 20 millions d’habitants, «si le oui l’emporte en Floride, cela pourrait faire basculer le Congrès» en faveur d’une réforme à l’échelle fédérale, assure Ethan Nadelmann, directeur de la Drug Policy Alliance, organisation qui milite en faveur de la légalisation.
Dans quelques lieux de la planète déjà, ceux qui font un usage récréatif du cannabis n’ont même pas besoin de se procurer une prescription médicale. Aux Etats-Unis, les Etats de Washington et du Colorado ont légalisé la production et la vente de cannabis à usage récréatif ; ces dispositions commenceront à s’appliquer en 2014. Plus au sud, l’Uruguay est sur le point d’en faire autant. La ville de Mexico envisage une loi similaire.
En Uruguay, l’accent est mis sur la culture à domicile : chaque foyer serait autorisé à cultiver jusqu’à six plants et les petites coopératives jusqu’à 99 plants. Les opérateurs privés ne pourraient vendre qu’à des pharmacies agréées par l’Etat. Mais les narco-entrepreneurs voient s’ouvrir d’autres débouchés : Neutra Corp, société californienne spécialisée dans les «solutions de bien-être naturelles» (dont le cannabis), fait partie des entreprises qui songent à proposer des vaporisateurs et autres articles à base de cannabis. Le marché est appelé à se développer, à en juger par les autres référendums sur le cannabis récréatif qui se préparent. L’Alaska, l’Arizona et l’Oregon sont en pole position pour 2014.
«Feuille sacrée»
Le marché des drogues licites ne se limite pas au cannabis. Dans certaines régions de Bolivie, les agriculteurs sont autorisés à cultiver la coca, dont est issue la cocaïne. Le président Evo Morales (lui-même ancien cocalero, ou cultivateur de coca) assure que la «feuille sacrée» est cultivée surtout pour une consommation traditionnelle, mâchée ou utilisée en infusion pour procurer un effet tonique semblable à celui de la caféine. Des entreprises boliviennes ont inventé une gamme de produits à base de coca, de la boisson gazeuse au dentifrice.
En réalité, la majorité de la coca bolivienne est exportée clandestinement pour la production illégale de cocaïne — le Brésil voisin est désormais le premier marché mondial du crack. Les cocaleros boliviens ne seront vraisemblablement pas importunés en 2014, car Evo Morales doit soigner sa base électorale rurale en vue de l’élection présidentielle de décembre.
«Legal highs» de synthèse
C’est peut-être en Nouvelle-Zélande que les perspectives commerciales seront les plus attrayantes. En 2013, le Parlement néo-zélandais a adopté une loi qui autorise et réglemente les legal highs de synthèse.
Ces drogues fabriquées localement, populaires en Nouvelle-Zélande compte tenu de la difficulté à y faire entrer clandestinement des stupéfiants classiques, y ont longtemps circulé malgré les interdictions. Quand les pouvoirs publics interdisaient une drogue, les fabricants inventaient aussitôt une nouvelle substance légale quasiment identique. Désormais, les laboratoires peuvent déposer une demande d’agrément de leurs produits auprès du ministère de la Santé et les vendre légalement dans des boutiques agréées ou sur Internet. Comme les tests d’innocuité devraient prendre environ 18 mois, les drogues agréées seront peut-être mises en vente à temps pour fêter l’an neuf.
Diverses substances, discrètement listées sur le site du ministère de la Santé, ont déjà reçu un feu vert provisoire en attendant les tests. Elles portent des noms comme Blueberry Crush, Jungle Juice, Apocalypse ou POW. Les fabricants sont aussi mentionnés, de même que leurs adresses. Certains semblent être des entreprises à domicile, d’autres ont des bureaux dans des zones d’activités chics, à côté de multinationales. Matt Bowden, fondateur de Stargate International, un des grands noms du secteur, prédit que les prix vont augmenter pour couvrir les coûts de mise en conformité avec la législation. D’autres intervenants du secteur s’attendent à une vague de fusions, les petites sociétés ayant du mal à assumer le coût des tests de leurs produits.
C’est un secteur lucratif. Matt Bowden, 42 ans, s’est partiellement retiré du commerce de stupéfiants. Il partage son temps entre ses actions en faveur d’une réforme de la législation sur les drogues et sa nouvelle carrière de musicien de rock progressif sous le nom de Starboy (il s’est classé dans le top 10 néo-zélandais). Jusqu’à récemment, la vente de stupéfiants ne rapportait gros qu’à une catégorie de chefs d’entreprise moins recommandables. Joaquín Guzmán, l’homme le plus recherché du M
exique, figurera sans doute à nouveau l’an prochain dans le classement des milliardaires établi par le magazine Forbes. Mais avec un peu de chance, les criminels verront en 2014 leur part de marché reculer au profit d’entreprises dont les produits sont testés, agréés et soumis à l’impôt.
Source : http://trends.levif.be