L’expérimentation du cannabis médical en France

Soft Secrets
13 Mar 2020

Interview de Hélène Moore, directrice Générale de Aurora France

Durant l’année 2019, Aurora a été l’un des plus grands fabricants de cannabis au monde. Cette entreprise canadienne qui a pour mantra la production de masse, l’automatisation industrielle et la chute du prix par gram, en septembre 2019, produisait plus de 14 tons de cannabis et avait vendu ses fleurs à presque 90.000 patients au pays du sirop d’érable. Travaillant sur échelle planétaire, ce géant de la production du cannabis, actif dans 24 pays sur 5 continents, est déjà installé en Europe, notamment en Allemagne, exporte ses fleurs médicaux vers l’Italie, la Pologne, le Royaume-Uni et le Luxembourg. Et c’est justement par rapport au marché européen et notamment francais que j’ai eu le plaisir de connaitre et d‘interviewer Madame Moore, responsable d’Aurora France.

Avec un background pharmaceutique, Hélène Moore a travaillé pendant toute sa carrière dans le Big Pharma et notamment avec Bayer. Québécoise installée à Paris, depuis septembre 2018 elle est la Directrice Générale de Aurora France, le manager chargé d’ouvrir le marché francais aux produits déjà commercialisés dans le reste du globe. Vous-venez de Big Pharma, alors quelles sont les différences entre votre ancien travail et l’actuel ? Hélène Moore : Une chose qu’il faut considérer quand on parle du marché du cannabis médical c’est qu’il se construit au fur et à mesure qu’on avance. En fait chaque gouvernement s’engage à créer un contexte propre aux besoins de leur patients et ça c’est tout nouveau. Dans le travail avec le cannabis médical tout est différent, surtout au niveau du contexte législatif et regolatoire et après au niveau de la consommation du médicament. Pourquoi, le cannabis ne fonctionne-t-il pas comme les autres médicaments ? Quand je donne des conférences pour expliquer ces différences, je parle toujours du paradigme du triple 1: 1 molécule, 1 récepteur, 1 maladie. Là-dessus on a bati une industrie qui maintenant vaut des trillions des dollars. C’est un écosystème rigide, ainsi la facon moderne de concevoir les médicaments est totalement déstabilisé car avec le cannabis on parle de 400 molécules qui se lient à 2 récepteurs actuellement connus (probablement on va en découvrir plus) et vient d’etre utilisé pour soulager les patients dans une multitude de pathologies. Comment en êtes-vous arrivéè à travailler pour Aurora ? Je suis arrivée à travailler dans le champ du cannabis car en 2017, j’ai eu un contrat avec la compagnie Medrelief pour developper leur business en Europe. Après quand Medrelief a été racheté par Aurora, en mai 2018, j’ai commencé à travailler pour Aurora avec le même profil professionnel, celui d’ouvrir le marché francais. Quelles sont vos activités ? Ma première mission à été de fonder Aurora France et de commencer à développer le marché du point de vue regulatoire et de la mise à disposition de notre produits médicaux. Qui sont vos interlocuteurs institutionnels ? En fait, comme le cannabis médical n’était pas légal jusqu’à tout recentement, mes interlocuteurs ont été les politiciens et les régulateurs, voir l’ANSM, le Ministre de la Santé et la Direction Générale de la Santé. Autant que AURORA, en mai 2019, on a eté auditionnés, pour partager notre point de vue, avec 6 autres compagnies (Ndr. Bedrocan, Emmac Life Sciences, Canopy Growth Corp, Tilray, Columbia Care, Clever Leaves), par le comité Scientifique Spécialisé Temporaire sur l’évaluation de la pertinence de la mise à disposition du cannabis thérapeutique. Quelle impression avez-vous eu de cette rencontre ? L’impression a été très bonne, j’ai remarqué que l’approche des autorités francaises est très rigoureuse dans le meilleur intérêt des patients français. Combien de patients servez-vous déjà au Canada ? Avez-vous une estimation de la clientèle potentielle en France ? Au Canada, on a plus de 80.000 patients. En chiffres d’affaires, au Canada, la moitié de notre clientèle est médicale, le reste se place dans le récréatif. On parle de 240 millions en total au niveau annuel. Ici en France, il y a beaucoup de potentiel: on pense qu’entre 600.00 et 1 million de patients pourraient utiliser le cannabis dans un but thérapeutique. Combien de tonnes de cannabis produisiez-vous par an ? A quel prix ? On arrive à produire à 0,85 euro par gramme en produisant presque 15 tonnes de cannabis dans le trimestre Juin 2019-Septembre 2019. Parlez-vous de votre standard GMP (Good manifacturing practices.)  D’abord on a 15 installations de production dans le monde, avec 2 entre elles qui ont obtenu le GMP pour le marché Européen [Ndr. EU GMP]. Pour revenir au GMP, le cannabis médical, pour etre considéré autant que médicant, doit etre conforme à des standardisation GMP donc qui veut dire que la qualité et sécurité de notre produits est top niveau, voir de grade médical. Au Canada quand on bati une nouvelle installation on la fait toujours pour atteindre le standard GMP. Pour vendre nos produits en Europe on a recu la visite des inspecteurs européens, surtout allemand, dans notre installation au Canada pour obtenir la certification EU GMP. Pensez-vous que la France va démarrer une production nationale ? Je crois que oui car il y a eu beaucoup d’intérêts de la part des entrepreneurs et les agriculteurs francaises. Pensez-vous collaborer avec l’eventuelle production nationale francaise ? On attend de voir quel type de programme de culture nationale va prendre pied pour évaluer nos prochaines décisions. Decrivez-nous où nous en sommes avec l’ouverture du marché francais. En juin 2019 la France a annoncé une expérimentation sur 3.000 patients. L’expérimentation devrait démarrer concrètement en juin 2020 et bien sûr qu’autant que AURORA on va répondre à l’appel d’offre pour qui soient nos génétiques ceux utilisés dans le parcours expérimental. Il y a grande probabilité qu’ils choisiront plusieurs compagnies. De tout façon pour les régolatoires la chose la plus importante, plus que les génétiques spécifiques qu’on leur proposera, c’est leur standardisation et la qualité du produit. Au moment la situation est dans le stalle car on attende la publication officielle de Cahier de Charge où seront bien expliqué les critères pour l’importation du cannabis. Pour quand attendez-vous le cahier des charges ? On les attende pour fin janvier et à partir de ce moment ça va commencer la vraie démarche commercial. Pensez-vous qu’une ouverture du marché à la canadienne, où les patients peuvent aussi faire pousser leur propre cannabis, soit probable en France ? En France je pense que définitivement ça va être un modèle plus restrictif qu’au Canada, c’est mon sentiment car j’ai la sensation que les autorités son plus conservatrices sur la question de l’autoculture. Rappellons aux lecteurs francais que la Cour Supreme Canadienne a jugé comme acquis pour le malade le droit de faire pousser chez eux, etaint ça la facon la plus pragmatique d’atteindre leur médicament. Vous en pensez quoi autant que citoyenne canadienne ?  Je pense que c’est très logique car au bout de ligne autant qu’élus et autant que médecins on ne peut pas laisser un être humain souffrir quand on sait qu’il y a une solution existante. Il faut toujours se souvenir que le cannabis a un fenêtre thérapeutique très large et il n’a pas de dose létal rapporté dans la littérature et donc en fait il s’agit d’un médicament très sécuritaire quand on le compare aux autres solutions qui existent dans le marché mondial. En plus il ne faut pas oublier qu’au Canada le cannabis médical a été légalisé dans le 2001, l’ouverture du marché a pris du temps, voir 18 ans, et que la partie névralgique se jouera avec l’éducation de la classe médicale. Au Canada, le cannabis a été totalement légalisé. En tant que canadienne, que pensez-vous de cette décision historique pour le monde ? Je suis assez neutre sur la légalisation du cannabis récréatif car en fait je n’y vois pas de problème, par contre il y a tellement des variables qui travaillent autour de cette nouveau marché qu’il faut quand même prendre du temps et du recul pour bien comprendre comment gérer ça au mieux. Je pense qu’après la légalisation, mon pays est devenu pas un pays meilleur, peut être seulement un petit peu moins hypocrite. En Europe ca vous prendra du temps car les hommes politiques ne sont pas trop ouverts dans ce sens là et il faudra les éduquer.
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