Un grower relaxé et indemnisé après avoir refusé un prélèvement ADN

Olivier F
25 Oct 2022

Exceptionnellement, nous avons reçu une lettre manuscrite chez Soft Secrets. Ce courrier était signé par Patrick M, un cultivateur lozérien qui a refusé un prélèvement ADN après son interpellation. La Cour européenne de justice lui a finalement donné raison et la décision devrait faire jurisprudence.


Par Olivier F

La plupart de nos lecteurs nous contactent par mail ou sur les réseaux sociaux et en 2022, il est rare de recevoir une lettre écrite à la main. Cette lettre arrivée dans nos bureaux en Hollande était signée par un de nos lecteurs, Patrick M. « Salut Soft Secret ! Je viens vous annoncer une bonne nouvelle pour tous les autoproducteurs. En effet, si la police vous saisit des plants de weed, elle n'a pas droit de vous demander votre ADN si elle ne peut prouver aucun trafic. » Patrick M a du livrer une longue bataille judiciaire : « Je viens en effet de gagner une longue jurisprudence à la Cour européenne des droits de l’homme avec l’aide de mes avocats et après huit longues années de procédure. Cela concerne beaucoup de monde et je pense qu’il serait utile d’en faire part à vos lecteurs... »

Le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) a été créé en 1998. Au départ, les prélèvements ADN devaient être effectués uniquement pour les infractions de nature sexuelle. Depuis, la liste des infractions n’a pas cessé de s’allonger. En 2020, 7 % des français figuraient déjà dans ce fichier ADN national. On se demande si l’objectif des autorités n’est pas de ficher l’ensemble de la population.

Les prélèvements ADN concernent à présent de nombreuses infractions dont : infractions sexuelles, atteintes aux personnes, atteintes au biens, atteintes à la nation, stupéfiants mais uniquement pour le trafic et le blanchiment.

Suite à une dénonciation, les gendarmes débarquent chez Patrick, dans le département de la Lozère, le 25 juillet 2014. Ils saisissent sur place 27 plants de cannabis. A la fin de son interrogatoire, les gendarmes veulent lui prélever son ADN mais Patrick refuse.

Patrick comparait devant le tribunal correctionnel de Mende en Lozère. Il est condamné à 600 euros d'amende pour la culture des plants de cannabis et il est relaxé pour le refus de prélèvement ADN. Mais ses ennuis judiciaires ne font que commencer !

En effet, le procureur général décide de faire appel et une deuxième audience a lieu à la Cour d’appel de Nîmes. Patrick est condamné à 1000 euros d’amende et à 2 mois de prison avec sursis pour refus de prélèvement ADN.

Quelques mois plus tard, le cultivateur est à nouveau convoqué à la gendarmerie, toujours pour un prélèvement ADN alors qu’aucun nouveau délit n’a été commis. Patrick M refuse encore une fois le prélèvement.

Une troisième audience se déroule au tribunal correctionnel de Mende. Il est alors condamné à 800 euros d’amende. Sûr de son bon droit, Patrick décide à nouveau de faire appel de cette décision.

Une quatrième audience a lieu à la Cour d’appel d’appel de Nîmes. A l’énoncé du verdict, c’est la stupeur : Patrick est condamné à quatre mois de prison ferme. Les deux mois de sursis, auxquels il avait été précédemment condamné, sont révoqués et le tribunal rajoute deux mois de prison ferme. Les quatre mois de prison ferme sont finalement aménagés en jours-amende par le juge d’application des peines.

Après cette condamnation totalement injuste, Patrick M a voulu se pourvoir en cassation mais on lui a refusé l’aide juridictionnelle pour couvrir ses frais de justice. Suite à ce refus, Patrick et son avocat décident de saisir la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de l’article 8 et de l’article 4.1 du protocole 7 de la convention européenne des droits de l’homme.   

Suite à la saisie de la Cour européenne en 2021, le gouvernement français reconnait son erreur et fait une proposition à Patrick M. Le 27 janvier 2022, le sous-directeur des droits de l’homme du gouvernement français, Benoît Chamouard publie une déclaration unilatérale : « Le gouvernement français offre de verser à M. Patrick M la somme de de 4680 euros couvrant tout préjudice moral, et la somme de 2700 euros couvrant l’ensemble des frais et des dépens. »  Patrick accepte finalement cette proposition.

Après 8 ans de bataille judiciaire, Patrick M obtient finalement gain de cause. La Cour européenne a communiqué sa décision finale le 9 juin 2022 : « La cour à l’unanimité, décide de rayer la requête du rôle conformément à l’article 39 de la convention. »

Grâce à Patrick et son avocat, la décision de la Cour fera jurisprudence. Si vous êtes interpellé en tant que consommateur ou cultivateur de cannabis, vous pourrez désormais refuser tout prélèvement ADN.    

Patrick a également obtenu une deuxième jurisprudence qui précise qu’il est interdit de demander plusieurs fois un prélèvement ADN pour un même délit.

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Olivier F