Texte sur les addictions des drogues en Europe
Réponse au texte "Dépénaliser le cannabis aurait de graves conséquences sur la santé" de l'Académie Nationale de Médecine
Réponse au texte "Dépénaliser le cannabis aurait de graves conséquences sur la santé" de l'Académie Nationale de Médecine
Le texte de l’Académie Nationale de Médecine de mars 2012 intitulé « Dépénaliser le cannabis aurait de graves conséquences sur la santé » interroge. Il interroge notamment sur la dissociation entre le titre et le texte.
Dès le début, il affirme que des pressions s’exercent pour dépénaliser l’usage du cannabis sans que l’on sache à qui il est fait référence. Il est encore dit que ces pressions occultent délibérément les multiples et parfois très graves méfaits psychiques mais aussi physiques du cannabis.
Figure 1 : Classement des produits en fonction du risque décroissant de dommages
La suite de l’article traite ensuite exclusivement de la confirmation par deux publications de qualité du risque de complications cardio-vasculaires liées à la consommation de cannabis, complications que personne dans la communauté addictologique ne songe à nier. Bien au contraire, une récente publication dans un grand journal américain d’addictologie montre que les membres de la Fédération Française d’Addictologie placent le cannabis au 5ème rang des substances psycho-actives en terme de dangerosité, globalement au même niveau que le tabac (figure 1) (1).
En revanche, les rapports entre dépénalisation et augmentation de la consommation de cannabis ne sont pas discutés, contrairement à ce que le titre laisse entendre. On croit comprendre que pour les auteurs le lien entre dépénalisation et augmentation de consommation (et donc de complications) va de soi sans que ce lien, seulement suggéré, ne soit étayé par des données scientifiques solides qui donneraient une force toute autre à cette pétition de principe.
Car le problème est que les données disponibles ne vont pas dans ce sens. Nous donnerons comme seul exemple l’étude publiée dans le rapport 2011 de l’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies. La figure 2 montre en fait que « dans les pays concernés, aucune corrélation simple ne peut être observée entre les changements législatifs et la prévalence de la consommation de cannabis » (3).
Sauf au Royaume-Uni où la diminution des sanctions est concomitante d’une baisse de la consommation de cannabis, dans les autres pays les changements législatifs n’ont pas modifié de manière significative les tendances de fond tant il est vrai que bien d’autres déterminants influencent cette question sociétale complexe. (figure 2) (2).
Figure 2 : Relation entre l’évolution des sanctions dans différents pays européens et la
consommation de cannabis.
Le point zéro en abscisse représente l’année de la réforme législative (variable selon les pays). La prévalence de la consommation de cannabis est rapportée en fonction du temps, avant et après cette réforme. Les pays qui ont augmenté les sanctions sont représentés par des pointillés. Ceux qui ont réduit les peines le sont par des lignes continues.
Ceci appelle à souligner :
- que la législation française actuelle n’a pas empêché l’augmentation très importante de la consommation de cannabis depuis une vingtaine d’années,
- qu’il reste très difficile de débattre sereinement, à partir de données objectives, de ce sujet,
- que l’opposition reste frontale entre politique répressive et santé publique. Pourtant, outre les substances illicites, les exemples de l’alcool et du tabac devraient amener à s’interroger : ces 2 substances licites sont responsables chaque année de 100.000 décès et l’on est obligé de constater l’aggravation ces dernières années des problèmes posés par leur consommation chez les jeunes.
La Fédération Française d’Addictologie rappelle sa position en faveur de la suppression de l’incrimination de l’usage privé de stupéfiants et de la mise en place d’une politique globale et cohérente vis-à-vis de l’ensemble des substances psycho-active basée d’abord sur la prévention et la réduction des risques et des dommages.
- Références:
1. Bourgain C, Falissard B, Blecha L et al. A damage/benefit evaluation of addictive product use. Addiction 2012; 107: 441-450.
2. Nutt DJ, King LA, Phillips LD. Drug harms in the UK: a multicriteria decision analysis. Lancet 2010; 376: 1558-1565.
3. Etat du phénomène de la drogue en Europe. Observatoire européen des drogues et des toxicomanies. Rapport annuel 2011. Chapitre 3. Cannabis. p 49. www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/AR201
- Le bureau de la Fédération Française d’Addictologie
A Borgne, JY Breurec, B Fleury, A Morel, F Paille, M Reynaud, A Rigaud, T Sainte-Marie, M Villez