Le cannabis bio et local se développe en France
Les locavores s'attaquent au cannabis
Les locavores s'attaquent au cannabis
À la recherche de produits de qualité, les amateurs de cannabis délaissent progressivement la résine importée du Maroc au profit de l'herbe cultivée illégalement près de chez eux.
De plus en plus de consommateurs délaissent les produits industriels, aux qualités nutritionnelles discutables, au profit du bio et de l'achat direct aux petits producteurs. Ce phénomène «locavore» s'applique aussi ... au cannabis. Un rapport de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), mis en avant par RTL, souligne cette tendance chez les amateurs de marijuana: la résine de cannabis, importée du Maroc et bien souvent coupée avec des produits douteux, perd doucement du terrain au profit de l'herbe de cannabis achetée illégalement au «cannabiculteur» du coin. Une herbe vue comme plus saine, mais aussi plus puissante.
«En France, jusqu'à récemment, le phénomène de la culture d'herbe restait plutôt cantonné à une production individuelle, sans but lucratif et ne dépassant pas en général le cercle de l'entourage amical ou familial», écrit l'OFDT dans son rapport. Selon l'organisme, cette autoculture concerne 80.000 personnes en France, soit 2% des 3,8 millions de Français ayant fumé du cannabis au moins une fois dans l'année. «Cependant, cette configuration évolue rapidement avec, depuis 2011, la découverte par différents services de police d'usines de cannabis appartenant à de véritables réseaux criminels, l'apparition de coopératives de production [à but non lucratif et destinées à l'usage récréatif ou thérapeuthique, ndlr] («cannabis social clubs») ainsi que l'émergence de cultures indoor tenues par des particuliers et destinées à alimenter un marché local».
Un prix de revente plus élevé
Cette évolution du marché se reflète dans le type de cannabis saisis par la police en France: la part d'herbe est passée de 2008 à 2012 de 11% à 20%. Ce phénomène est poussé par la demande des consommateurs, «qui sont de plus en plus informés et savent ce qu'ils veulent», explique le docteur Marc Valleur, directeur de l'hôpital Marmottan, spécialisé dans le traitement des addictions. «Ce changement est aidé par Internet, où il est très facile de se procurer en quelques clics des graines de cannabis en provenance des Pays-Bas ou des Etats-Unis».
Autre motivation pour les producteurs: un prix élevé à la revente. Selon une étude de l'OFDT, le gramme d'herbe de cannabis se négocie en moyenne à 10€, soit deux fois plus cher qu'en 2006. La résine, elle, vaut en moyenne 7€ le gramme. «Une petite installation de 50 plants peut engendrer un chiffre d'affaires annuel tournant autour de 50.000 euros», écrit l'OFDT.
Ces herbes sont recherchées pour leur pureté, mais aussi pour leur puissance. Nombre de sites vantent les effets de l'Amnésia ou de la plus ancienne Haze, dont est issue la célèbre Purple Haze célébrée dans les années 1970 par Jimi Hendrix. L'usage de l'herbe n'est donc pas nouveau, et a participé au succès des coffee shops hollandais. Mais le taux de substances psychotropes (la THC) ne cesse d'augmenter depuis l'âge d'or des hippies grâce aux expériences botaniques menées par les spécialistes du secteur. Alors que le taux de THC était de 5 à 7% dans les années 1990, il est aujourd'hui en moyenne de 15 à 16%. Le succès auprès des consommateurs est tel que les producteurs de résine de cannabis ont aussi amélioré la pureté de leurs produits. En un an, le taux de THC moyen des pains de cannabis saisis par la police est passé de 12 à 16%. Certains lots pouvaient atteindre les 25%.
«La différence entre une bière et un verre de whisky»
«Le taux de THC de l'herbe de cannabis mesuré par les laboratoires de police scientifique varie sensiblement en fonction du degré de maturité de la plante», souligne Laurence Dujourdy, experte en stupéfiants à l'Institut national de police scientifique. Le taux de THC de l'herbe réellement sur le marché peut donc être plus élevé. Mais est-ce plus dangereux pour le consommateur? «Plus le taux de THC est fort, plus les effets du cannabis sont difficiles à contrôler, et peuvent provoquer des délires hallucinogènes et de la réelle ‘défonce'», explique le docteur Marc Valleur. Plusieurs sites spécialisés déconseillent ce type de plante aux débutants, l'expérience pouvait être désagréable, voire mener au bad trip, une forte crise d'angoisse et de panique.
Le directeur de l'hôpital Marmottan est plus prudent quant aux dangers des produits les plus courants en France. «Des taux maximaux de THC de 15 à 16%, soit l'essentiel du marché français, ne sont pas si inquiétants si la consommation est adaptée. Et il faut bien se souvenir que la dépendance au cannabis se fait sur un temps long, qui peut courir sur plusieurs années. On ne devient pas accro en quelques semaines.» Selon les données de l'OFDT, sur les 3,8 millions de Français ayant fumé au moins une fois du cannabis en 2010, seuls 550.000 se droguent tous les jours.
Le docteur Marc Valleur compare les différences entre le joint «classique» et les herbes les plus concentrées «à la différence entre une bière et un verre de whisky. La teneur en alcool n'est pas la même, les effets recherchés sont différents, et la quantité consommée doit être adaptée». Selon lui, les amateurs des herbes aux très fortes teneurs en THC, marginales en France, ne sont pas forcément tous des toxicomanes. «Comme certains amateurs de vin apprécient de boire de temps à autre un grand cru, il existe des amateurs de ‘bonne herbe'», souligne le practicien, qui estime que l'augmentation du taux de THC est en soi un faux débat.