La Belgique dans l'impasse prohibitionniste
Jean-Michel Sinte est sur le front belge du cannabis, une histoire pas drôle qu'il nous raconte avec l'amertume du militant qui crie dans le désert, en attendant des jours meilleurs.
« De mon avis, ce seront bien plus les lobbys américains et bientôt canadiens qui pousseront derrière, que de voir un jour la législation belge changer sur demande des consommateurs, des associations de terrain et des scientifiques… »
Coincée entre les Pays-Bas, précurseurs de la tolérance depuis 1975, et la France, locomotive européenne de la prohibition, la Belgique a toujours penché vers l'interdiction, si l'on excepte une ouverture au milieu des années 2000.
« En 2005, suite à une directive ministérielle, d’une totale prohibition nous sommes passés à une certaine tolérance dans des conditions bien précises : ne pas détenir ostensiblement plus de 3 gr de cannabis, et/ou cultiver 1 plant à usage strictement personnel, pour procès verbal simplifié donc sans suite pour autant qu’il n’y ait pas trop de récidives, et pas de consommation jugée problématique. [...] En réalité durant cette période de pseudo tolérance il y a eu deux fois plus de poursuites en justice de consommateurs qui pourtant respectaient la directive ministérielle d’avant la prohibition. »
Ce sont notamment les mineurs qui font les frais de cette entourloupe. Jean-Michel est enseignant depuis 2007 et s'en rend bien compte.
« La consommation des jeunes devenait problématique puisqu’elle s’exerçait régulièrement avant les cours et pendant les pauses. Aucune prévention à ce niveau et une politique de l’autruche pour nier cette problématique. Des dealers aux coins des rues qui attendaient les élèves... La prévention c'est moi qui leur dispensait, j’étais consommateur depuis mes 18 ans. Et c'est en m’annonçant de la sorte que j’ai pu raisonner l’un ou l’autre afin qu’ils ne consomment plus dans l’enceinte de l’établissement scolaire, ni dans les proches alentours, et qu’ils prennent conscience que la majorité des adultes voit cette consommation à travers eux et leurs comportements. […] Cette vision biaisée est toujours d’actualité puisqu’on mélange allègrement, pour se donner raison de prohibition, consommation d’un public mineur d’âge avec consommation des adultes. Et l'on ose impliquer les adultes consommateurs dans cette problématique comme s’ils en étaient responsables. Il ne m’est jamais venu à l’idée de reprocher à qui boit un verre d’alcool d’être responsable de la consommation d‘alcool chez les jeunes. »
En 2003 pourtant, un espoir naît des Cannabis Social Club. Théorisés par l'ONG Encod et mis en pratique par des militants Flamands dans un premier temps, ces associations ont pour but « d’éloigner les consommateurs des réseaux de trafiquants » et se voient attaquées par l'administration belge. Elles n'existent plus aujourd'hui, les procès en cours, dont celui du club de Jean-Michel, n'ayant aucune chance d'aboutir positivement sous cette administration.
Minces perspectives
Il y a de quoi désespérer de la situation : « En Flandre, la politique antidrogues est menée par le leader des nationalistes flamands. Récemment il a déclaré la “guerre à la drogue”. Par exemple, tout qui est contrôlé positif au THC ou qui détient du cannabis se voit condamné et est dirigé vers une institution de soins psychiatriques. Ce qui lui fait dire que le nombre de consommateurs problématiques a triplé en quelques années. » « Désormais en Belgique, le cannabis n'est plus toléré, c’est d’office un procès verbal et une saisie du cannabis. Nous sommes dans un système de contraventionnalisation qui, à la quatrième infraction dans l’année, vous amène vers une condamnation pénale et sans doute un suivi spécialisé par un parcours médical ou une obligation de se rendre régulièrement en maison de justice pour montrer les efforts que vous entreprenez afin de ne plus consommer. La culture de cannabis, même d’un plant à usage personnel, est formellement interdite puisque seul le Ministère de la Santé peut autoriser cette culture. Le Ministère a communiqué qu’il n’autoriserait aucune culture de cannabis. » « Nous approchons des élections communales d’octobre 2018, et des élections fédérales et régionales de 2019. C'est dire qu’à part les associations de terrain, plus personne en politique n’osera prendre le risque d’encore se positionner au sujet du cannabis. » Et le cannabis médical ? « Le Ministère de la Santé a communiqué qu’il n’autoriserait aucune prescription dans ce sens, ni même aucune étude sur le cannabis. [...]. J’ai porté plainte en mon nom contre l’état belge. La Commission Européenne a retenu ma plainte et l’analyse depuis le début de cette année. Il faudra tout au plus 12 mois pour avoir un jugement qui me donnerait droit, ou non, de me fournir en cannabis médical dans un État européen où le cannabis en fleur est une médication reconnue [...]. Dans mon cas, aucun traitement médical traditionnel n’apporte d’améliorations, au contraire, ma santé a été mise en grand danger. » Amis citoyens Belges, n'est-il pas grand temps de s'unir pour réformer ces lois iniques ? Vous pouvez rejoindre « L’organisation “STOP1921”, qui est une réunion d’associations de terrain qui veulent qu’on revoit définitivement cette loi prohibitive de 1921 qui aura bientôt 100 ans. » Nous ne pouvons que souscrire à une telle initiative ! https://stop1921.be
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