Focus sur la Macédoine
Depuis 2016, la Macédoine a ouvert la porte au cannabis médical. Filip Dostovsky, l'un des principaux artisans de cette évolution, avec son association Green Alternative, animait deux ateliers au salon Balkannabis. Il nous éclaire sur son parcours et la situation dans son pays.
SSFR : Bonjour Filip, peux-tu te présenter en quelques mots, nous dire comment et depuis combien de temps tu milites pour le cannabis ?
J'ai commencé à l'utiliser à l'adolescence de façon récréative, si ce mot peut faire sens, et je suis devenu militant du fait de mes problèmes médicaux. J'ai été diagnostiqué avec un lymphome de Hodgkin, cancer du système lymphatique. Il a été traité une première fois par chimiothérapie et a disparu, malheureusement un an après, j'ai senti mes ganglions lymphatiques gonfler de nouveau. Entre-temps, j'avais pu me renseigner sur chanvre (cannabis sativa L.) et ses propriétés anti-cancer à travers l'expérience de Rick Simpson, j'ai donc commencé à utiliser l'huile de cannabis sur moi-même et les ganglions sont revenus à leur taille normale. Cela m'a amené à parler aux gens des qualités thérapeutiques du chanvre et j'ai commencé à aider d'autres malades à fabriquer leur propre huile.
Après avoir assisté les gens quelques années de manière non officielle, j'ai créé en 2014 une ONG, Green Alternative, dont le but principal est de contribuer à changer les règles concernant le chanvre dans notre pays. Les premières années, nous avons travaillé à diffuser des informations sur son usage et la fabrication de concentrés. Nous avons réussi à organiser cinq séminaires avec des experts du cannabis comme les Docteurs Lumir Ondrej Hanus, Paul Hornby, Robert Melamede, Ethan Russo, Jose Carlos Bouso, entre autres.
Nous avons également mis en place les premières formations pour personnels de santé, en relation avec le Ministère et son Agence Nationale. Enfin nous avons organisé quelques débats publics avec des experts internationaux, des médecins locaux et des patients. Aujourd'hui, nous continuons d'enseigner aux gens, légalement, comment planter et réaliser leurs propres extractions.
Peux-tu nous éclairer sur les lois concernant le cannabis dans ton pays ? Comment la situation a-t-elle évolué depuis le changement de loi en 2016 ?
Comme évoqué plus haut, nous avons commencé à coopérer avec le gouvernement après quelques années de fonctionnement clandestin, et organisé des débats publics fin 2015, intégrant des commissions pour élaborer une loi spécifique. Cette loi fut mise en oeuvre assez rapidement et en février 2016, l'usage médical de l'huile de concentré fut autorisé. La loi édicte des règles pour les plantations de cannabis, quelles que soient les teneurs en THC ou CBD. Même si ce ne sont pas des conditions idéales, planter du chanvre est maintenant autorisé. Nous avons depuis un certain nombre de plantations qui fonctionnent, sous serre et indoor.
Des extractions de CBD sont disponibles sans ordonnance dans les pharmacies, alors que les extractions de THC sont toujours considérées comme drogues et nécessitent une double prescription par des médecins spécialistes et pour seulement quatre maladies : cancer, épilepsie, VIH et sclérose en plaques. C'est pourquoi nous travaillons avec les institutions à élargir le champ des affections pour lesquelles le THC pourrait obtenir l'autorisation de prescription. Jusqu'ici, nous avons obtenu que les médecins n'aient pas de limite haute dans les doses de THC prescrites. Le problème, c'est que les produits à base de THC disponibles chez nous ont des concentrations très faibles. C'est pourquoi, malgré la loi, beaucoup préfèrent se tourner vers le marché clandestin, ou comme nous le préconisons, réalisent leur propre huile. Le rôle de notre association est d'apprendre aux gens à fabriquer l'huile eux-mêmes, à faire leur propres gélules, leurs propres suppositoires, nous leur apprenons aussi à doser correctement pour chaque maladie et pour éviter les effets secondaires indésirables. L'association a une règle tacite : si la loi n'aide pas assez les gens, nous leur donnons la possibilité de pouvoir se soigner par eux-mêmes.
Tu étais tout récemment l'un des conférenciers de l'expo Balkannabis d'Athènes, qu'en as-tu pensé ? Quelles conséquences en espères-tu ?
En effet, j'ai animé deux ateliers sur le chanvre médical et sur le fonctionnement de notre ONG. Je pense que l'expo était très bien organisée, beaucoup d'acteurs connus de l'industrie du cannabis étaient présents. De même, la partie consacrée aux conférences était remarquable, très bon choix d'experts, de professionnels du monde médical et des entrepreneurs du cannabis venus du monde entier. Je pense que cet événement était idéal pour les rencontres et une excellente opportunité pour parler de cette plante au public grec.
J'espère franchement que la Grèce prendra conscience de la chance que représente le cannabis pour le pays en terme de santé, d'économie et de vie sociale pour le peuple grec. J'ai rencontré beaucoup de militants grecs très sympas, sincères et amicaux, j'espère que nous pourrons rapidement développer une coopération régionale puisque nous sommes voisins. Et pour ce qui est du futur de ce monde du cannabis en constante évolution, attendons de voir. Il me semble tout de même qu'après la légalisation au Canada et les conclusions récentes de l'OMS, nous pouvons envisager des jours bien meilleurs pour la plante de chanvre et ses consommateurs.
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Par Emmanuelle Macronne
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