Le ministre Darmanin déclare la guerre aux fumeurs de cannabis
La France n’avait jamais connue une répression aussi intense. Le nouveau ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a déclaré la guerre aux trafiquants mais surtout aux usagers de cannabis. Il dispose pour cela d’une arme redoutable : la célèbre amende forfaitaire pour usage de stupéfiants.
L’année 2020 s’avère particulièrement difficile pour les usagers de cannabis qu’ils soient thérapeutiques ou récréatifs. Le confinement imposé par le gouvernement Macron et la fermeture des frontières pour cause de Coronavirus ont entrainé une forte augmentation du prix du cannabis et même parfois une pénurie dans certaines régions.
Après le déconfinement, le président Macron a commencé à penser sa réélection en 2022 et il a donc choisi d’opérer un nouveau virage à droite avec, entre autres, la nomination de plusieurs sarkozystes, Jean Castex à Matignon et Darmanin, Place Beauveau. Emmanuel Macron a donc fait un calcul politique et pour plaire à son futur électorat, il a choisi de s’attaquer au sujet de la sécurité. Mais de quelle sécurité s’agit-il ? Alors que la France connait une vague de violence (meurtres, règlements de compte, rodéos sur la voie publique, tirs de mortiers, violence conjugale, violence gratuite...), le ministre de l’intérieur, dans la plus grande confusion, décide de s’attaquer à une catégorie de personnes non-violentes : les consommateurs de cannabis.
Un argumentaire de grande qualité
« C’est de la merde ! » a simplement déclaré Gérald Darmanin devant les médias. « Et pas question de légaliser cette merde ! » Le nouveau ministre de l’intérieur répondait à une question sur la proposition du maire de Reims Arnaud Robinet d'expérimenter la légalisation du cannabis. Arnaud Robinet fait partie des rares Républicains (l’ancien parti de Darmanin) à se prononcer pour la légalisation du cannabis.
En parlant de « merde » à propos du cannabis, Gérald Darmanin méprise de nombreux français. Botanistes, scientifiques, cultivateurs, breeders… Ils sont nombreux à se passionner pour le cannabis et ses différentes applications. Il est toujours pertinent de comparer le cannabis à l’alcool. Il existe pour le vin une science appelée « œnologie » et son équivalent pour le cannabis est la « weedologie » ou la « Chanvrologie ». Gérald Darmanin devrait s’intéresser un peu plus aux recherches passionnantes sur les cananbinoïdes ou les terpènes qui composent cette plante complexe qui s’est toujours avérée très utile aux êtres humains. Il devrait parcourir les forums et les sites internet pour comprendre l’intérêt que les français portent à cette plante. Darmanin est lui-même consommateur d’alcool et son attitude s’avère particulièrement égoïste alors que tous les scientifiques s’accordent à dire que l’alcool, pourtant légal, est beaucoup plus nocif que le cannabis.
Pour justifier sa haine du cannabis, Darmanin a expliqué que son usage provoquait de nombreux accidents de la route. Aucune étude scientifique ou statistique ne permet de justifier cette affirmation. Là aussi, il est clair que c’est principalement l’alcool qui provoque de nombreux accidents mortels.
L’autre argument de Darmanin est totalement délirant. Selon lui, les usagers de cannabis commettraient des vols ou des cambriolages pour se payer leur " drogue ". Le ministre confond probablement avec l’héroïne ou d’autres drogues plus dures et plus chères. Il parle d’une somme de 70/80 euros que les consommateurs doivent se procurer, sans plus de précision. S’agit-il d’une somme quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle ? Sur la plupart des points de deal, il est possible d’acheter du cannabis à partir de10 euros.
Des tests salivaires pour les piétons !
On pensait au départ que cette amende de 200 euros serait réservée aux personnes qui consommaient du cannabis sur la voie publique. Le député Robin Redda parlait même « d’assainir les rues » Mais c’est loin d’être le cas. Depuis la mise en place de l’amende forfaitaire, les opérations anti-stup se multiplient en France. La plupart de ces opérations médiatisées prennent la forme de barrages ou de contrôles routiers, avec l’appui des tests salivaires et parfois des équipes cynophiles.
Tous les moyens sont bons pour dresser des contraventions et les forces de l’ordre ne respectent pas toujours les lois françaises. En Maine et Loire, les choses sont allés trop loin. Durant une opération de contrôle, de barrages ont été mis en place et toutes les personnes ont du subir un test salivaire : conducteurs et passagers des véhicules, cyclistes et mêmes piétons ! Les personnes positives devront s’acquitter de l’amende forfaitaire de 200 euros et l’infraction sera inscrite au casier judiciaire.
Comme pour les mesures sanitaires, les forces de l’ordre font preuve d’un certain excès de zèle et imposent leurs propres règles au mépris des lois et des libertés individuelles.
Chaque semaine, le ministre Darmanin fera un point anti-stups. Pour la première semaine, il a annoncé que 30.000 personnes ont été contrôlées et que 1800 ont été sanctionnées. Comme son modèle Nicolas Sarkozy, Darmanin a choisi d’appliquer la politique du chiffre. Dans des documents internes mis en ligne par le collectif Police contre la prohibition, le ministre demande à tous les services de faire de l’amende forfaitaire une priorité. Il demande à chaque vacation de dresser au moins une contravention pour usage de stupéfiants.
Une série de mesures liberticides
Le gouvernement Macron a mis en place l’amende forfaitaire mais dans le même temps, d’autres actions anti-cannabis ont été menées. Le gouvernement s’attaque également à la cannabiculture : 3 growshops de l’Est de la France ont été mis sous surveillance et 120 cultivateurs ont été identifiés à cause de de la plaque d’immatriculation de leur véhicule. 200 gendarmes ont été mobilisés pour interpeller simultanément ces 120 cultivateurs.
Malgré les réticences de la CNIl, une nouvelle loi permettant la surveillance des réseaux par le Fisc et les douanes en mode « Big brother », a été votée. Une deuxième vague de répression contre les magasins de CBD est actuellement en cours : perquisitions, gardes à vue, saisie des produits... Dans la Creuse, un entrepreneur du chanvre a même été condamné à de la prison ferme pourra avoir importé des produits, qui selon les autorités, dépasseraient très légèrement le taux de THC imposé par la la loi.
L’expérimentation de l’usage du cannabis thérapeutique qui devait commencer en janvier sera très probablement retardé. Les membres du comité scientifique de l’ANSM qui devait mettre en place l'expérimentation sont très en colère. Le gouvernement ferait tout pour freiner le processus. Le décret n’a toujours pas été signé et l'expérimentation n’est toujours pas financé. En attendant, les malades qui doivent pratiquer l’autoculture ou se fournir au marché noir risquent d’être victimes de l’amende forfaitaire.
Quelles actions pouvons nous mener ?
Face à cette folie prohibitionniste, comment pouvons-nous faire entendre notre voix ? Aucune manifestation pro-cannabis (420, Canna parade, 18 Joint…) n’a pu se dérouler en 2020 pour cause de Covid et il parait compliqué d’en organiser dans les mois à venir. La crise sanitaire permet tous les débordements autoritaristes. Sur les réseaux sociaux, des associations comme Norml France sont toujours très actives. Sur les médias généralistes, des débats sur la légalisation ont été organisés mais aucun consommateur de cannabis n’était présent sur les plateaux.
Par ailleurs, plusieurs journalistes enquêtent actuellement sur Darmanin. Après les deux accusations d’agression sexuelle, la révélation de nouvelles affaires pourrait l’obliger à quitter son poste.
Face à 300.000 gendarmes et policiers, nous sommes 5 millions de consommateurs de cannabis. Nous devons exiger l’abrogation immédiate de la loi sur l’amende forfaitaire et la publication d’une circulaire qui demanderait aux forces de l’ordre de ne pas interpeller ni sanctionner les simples usagers de cannabis. Face à cette situation difficile, nous devons réfléchir tous ensemble à de nouveaux moyens d’action.