Plan stup : les growshops dans le collimateur des autorités
Non, les growshops ne sont pas déjà condamnés. Mais la situation ne s’est pas améliorée ! Présenté le 17 septembre dernier, le Plan national de lutte contre les stupéfiants comporte 55 mesures visant à répondre à la fois à l’usage, à la production et au commerce illicite des drogues.
Confirmant la logique répressive de l’actuel gouvernement, ces dispositions cohérentes visent à créer l’équivalent de la Drug Enforcement Administration (DEA) américaine. Intitulé « OFAST » (remarquons ici l’humour du Ministère de l’Intérieur qui n’avait vraisemblablement pas le budget pour ajouter un « G » en début de mot), la nouvelle structure réunit l’ensemble des services des différents ministères concernés (justice, intérieur et économie principalement) qui travailleront désormais de concert.
Surtout, ce nouveau Plan Stup permet de tourner la page de l’OCTRIS et de la participation confirmée de fonctionnaires français au trafic international de stupéfiant, véritable scandale qui n’a provoqué d’ailleurs aucune réforme concrète.
Parmi l’armada coercitif, le gouvernement entend « renforcer le contrôle des growshops » et améliorer la « détection des cultures de cannabis (…) dans les territoires les plus impactés » (mesure n°19). Cette mesure sera assortie en interne d’éléments opérationnels, nous avons pris connaissance d’un certain nombre d’entre eux et il était donc utile d’avertir sans inquiéter.
Si la fin de l’histoire de l’autoproduction avait été signée le 17 septembre, nous serions déjà sur les barricades. Je vous rassure, il n’en est rien ! Mais il est vrai que la situation évolue négativement. D’abord parce qu’on sent chez certains un relâchement sur les essentiels. Des règles qui avaient permis d’installer ces établissements de matériel de jardinage destinés à la production de tous types de végétaux se sont perdues.
La quasi-totalité des growshops ont été mis en cause par leurs propres clients
La quasi-totalité des growshops qui ont fermé durant les vingt dernières années l’ont été du fait de clients qui, interrogés plusieurs heures en garde à vue se décidaient à tout avouer. Ainsi, la simple question visant à élucider la provenance d’une lampe, d’une box ou d’un pesticide entraînait la mise à mal de toute une communauté.
Concrètement, les risques liés à l’autoproduction sont plus limités aujourd’hui ; d’une part parce que le phénomène ne fait que s’accentuer et d’autre part parce que les faibles productions (moins de dix plants) sont condamnées avec de moins en moins de vigueur par les juridictions. Paradoxalement, la tentation d’avouer et de chercher à passer des deals sont devenus des pratiques courantes alors même que l’impact de la répression est, sur ce point, moins élevé aujourd’hui qu’hier.
Jeter son growshop ou ses clients dans la bête enragée que constitue un Palais de Justice n’est donc pas une solution, surtout que cela n’assure aucune clémence particulière du juge. Avec une éventuelle intensification des contrôles et des poursuites, il est donc nécessaire que chacun prenne ses précautions de ce point de vue et que nous autres gaulois réfractaires et un tantinet bavards choisissions de nous taire car devant l’officier de police judiciaire c’est un droit.
Une augmentation à venir du contrôle des communications téléphoniques
La mesure n°19 sera vraisemblablement assortie d’une intensification du contrôle des conversations téléphoniques. Les instruments se sont multipliés ces dernières années et les procureurs ouvrent des enquêtes plus facilement en matière de production personnelle autant qu’autour des différents growshops.
Dans la dernière affaire de growshop mis en cause, les communications téléphoniques de l’établissement et des gérants ont été suivi pendant plusieurs semaines. Les gendarmes ou les policiers ne pouvant être derrière un portable chaque seconde, ils se fixent des emplois du temps où les écoutes se feront sur cinq ou six journées espacées durant plusieurs mois.
La solution est donc d’éviter de parler de ces sujets au téléphone, cela nous épargne en juridiction beaucoup de travail supplémentaire.
Une mise en cause plus facile des gérants qui continuent le mélange des genres
Avec cette intensification des contrôles à venir qui se traduira sur le terrain par d’éventuelles visites dans les établissements et des contrôles parfois aléatoires, il est nécessaire de cesser le mélange des genres qui constitue le cœur du problème des growshops aujourd’hui en France.
Si des règles plus vertueuses étaient encore respectées au début des années 2000, force est de constater que ceci s’est largement perdu ces derniers mois. Ainsi, nous avons trop souvent constaté que dans un même établissement figurent à la fois les graines et les outils pour produire, trop souvent lu les comptes-rendus d’enquêtes qui mentionnent des placements sur écoute avec des entrepreneurs parlant ouvertement de cannabis, trop souvent appris que tout en étant gérant d’une jardinerie, certains étaient eux-mêmes auto-producteurs et pouvaient consommer à la maison assez librement.
Vous me direz qu’il faut essayer le matériel qu’on vend et goûter la plante qu’il permet de produire, faites-nous de belles tomates mais ne faites pas prendre de risques à toute une profession.
Derrière la répression, un tissu local à promouvoir
Si certains pouvaient imaginer hier la disparition des growshops, ils ne peuvent qu’être interpellés par la vivacité d’un tissu local qui résiste et qui sera dans quelques années l’épine dorsale de la légalisation que nous défendons. En attendant, il faut lutter contre le mélange des genres et continuer de favoriser ce merveilleux cercle vertueux.
Les growshops existent et ils vont sans doute connaître dans les prochains mois une nouvelle ère avec le développement du CBD et notre bataille sans relâche pour une première étape visant la dépénalisation de l’usage ainsi que de la production personnelle. En attendant, continuons de nous serrer la ceinture !